Pascal Lafleur : « La méthode employée par l’État et ses envoyés est inefficace »

Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, est venu avec la ferme intention d’aboutir à un accord. La méthode employée a permis de remettre les forces politiques autour de la table.
Il semblait vouloir s’inscrire dans l’esprit des accords de Matignon, en rendant hommage aux deux illustres personnalités qui ont ramené la paix, dès son premier déplacement.
Mais comme ses deux prédécesseurs, il a échoué et il est reparti. Une fois de plus « jamais deux sans trois » s’est vérifié.
Pourtant, chacun sait ici qu’un accord politique est impossible puisque les forces en présence sont tellement radicalisées, leurs positions extrêmes pour l’avenir ne peuvent pas se retrouver sur un projet commun.

S’appuyer uniquement sur des forces politiques qui ont échoué depuis plus de 20 ans, tant politiquement qu’économiquement, démontre que la méthode employée par l’État et ses envoyés sur le dossier calédonien est inefficace.
La motivation du ministre était-elle de sortir le territoire de la descente aux enfers, qui s’est accélérée avec les émeutes de l’an dernier, en respectant la volonté démocratique des Calédoniens autorisés à se prononcer ? Ou bien cherchait-il juste à obtenir une réhabilitation politique après ses différents échecs personnels, au mépris des intérêts de la nation et des Calédoniens ?

Si la population a sans doute espéré que Manuel Valls, avec sa connaissance du dossier, pourrait faire mieux que messieurs Lecornu et Darmanin, le sentiment après ce dernier épisode ne peut qu’aboutir à une défiance envers des ministres, des gouvernements et un président de la République tous incapables de faire respecter le choix, par trois fois, exprimé par les électeurs calédoniens.

Quand rappellera-t-on que les différents accords incluaient la reconnaissance de chacun à vivre ici et que l’indépendance n’était pas inéluctable, mais que cette possibilité ne pouvait se réaliser qu’avec une victoire lors d’un des trois référendums ?
Remettre en question notamment ces deux points revient à renier sa parole et sa signature.
En attendant, c’est la population qui désespère, qui souffre, qui ne peut se projeter dans l’avenir.
De même les entreprises ne peuvent pas envisager d’investir sur le long terme sans stabilité.

Que reste-t-il à espérer pour la population face à cet échec ? La confiance et la sécurité sont indispensables.
Pour permettre que chacun ait des perspectives, que l’économie puisse se reconstruire, créer des emplois, que les jeunes puissent être formés et s’épanouir ici.

Pour mettre un terme à la désertification plus ou moins rapide en tout genre que nous vivons depuis de nombreuses années.
Pour que la peur et l’inquiétude ne soient plus le sentiment d’un grand nombre d’habitants.

Pour mettre un terme au gaspillage d’argent public. Pour donner la chance aux populations dont les conditions de vie ont régressé depuis 20 ans de voir la lumière au bout du tunnel.
Pour que les intérêts de quelques-uns laissent place à l’intérêt général.
Tout simplement pour permettre de croire que les choses vont changer.
L’idéal d’une grande majorité de Calédoniens est celui d’une Nouvelle-Calédonie dans laquelle chacun peut vivre en paix, où le dialogue, le respect et la sécurité sont la règle, où la politique jouera son véritable rôle de prendre les mesures pour faciliter le développement économique et social en faveur de tous et non d’une partie de la population, sans que nous ayons à nous poser la question de l’évolution institutionnelle toutes les cinq minutes.
C’est cela que Manuel Valls aurait dû s’atteler à défendre envers et contre tous.

Je voudrais que mon pays, la France, soit fière de ce territoire du Pacifique pour lequel et avec lequel il rayonnera dans la région. Le Gouvernement a les cartes en main, il doit jouer son rôle.

Pascal Lafleur