Au mois de février, ce calédonien de 20 ans a ouvert sa petite entreprise de forge à Nouméa, La main au feu. Formé en Métropole, il s’épanouit dans son atelier où la création est « infinie » et son activité, à l’ancienne, fait sens.
Tige d’acier dans une main, marteau dans l’autre, Owen Mayerau-Lonné frappe son métal rougeoyant contre l’enclume, le tourne et le retape. À l’oreille, ce son si distinctif qui pourrait rappeler aux plus anciens celui d’un voisin travaillant le fer dans l’arrière-cour. Owen, lui, a tout juste 20 ans. Grand gaillard, il travaille, tablier en cuir, gants de forge, lunettes de protection, feu oblige. Autour du cou, une amulette « pour les artisans » et un sifflet « pour les animaux » en pierre verte (pounamu) de Nouvelle-Zélande.
Des week-ends d’enfance passés à bricoler à Bourail aux vacances chez les kiwis, il intègre, ado, deux stages à la Kowhai Forge de Rob Pinkney à Rotorua. Il en retire de « bonnes bases ». Il rencontre ici Bruno David, un coutelier qui lui transmet ses connaissances.
En terminale générale, spécialité histoire géo et arts plastiques, vient l’heure du choix. C’est le questionnement total. « Avec ma mère, on a regardé les suites possibles dans l’artisanat. » Le métier de forgeron lui plaît bien, mais il est en voie de disparition en Nouvelle-Calédonie. Le peu de jeunes qui se lancent en France sont apprentis. Difficile sans aucun contact là-bas.
Mais le jeune homme trouve finalement son bonheur chez Jean-Luc Soubeyras, artisan forgeron coutelier dans la Drôme (Couleur de forge), un atelier qui propose des formations diplômantes. C’est parti pour cinq mois. « J’y ai tout appris », dit-il. Les gestes, la sécurité et pas mal de théorie, dans les livres écrits pour certains par son mentor. Au retour, dans ses valises, le fruit de son apprentissage : 15 couteaux et un valet de cheminée, sa pièce « préférée ».
« PÂTE À MODELER »
Coup de pouce, Bruno David repart en Métropole et lui vend son matériel pour une bouchée de pain, une forge, une brique réfractaire, etc. Il se lance et déborde d’idées. Couteaux, haches, machettes, faucilles, épieu de chasse, outils agricoles, de cuisine, de pêche, décapsuleurs… les possibilités sont infinies, avec de nombreuses sources d’inspiration. « Le couteau notamment est le plus vieil outil de l’homme ! Les premiers étaient en silex. Il en existe des formes multiples selon les histoires, la géographie. Le métal, quant à lui, est comme de la pâte à modeler, on peut en faire ce que l’on veut. »
Ce qu’il aime, depuis toujours, c’est l’idée de fabriquer soi-même des objets utiles. Et de ne jamais réaliser la même pièce. Pour l’instant, il ne travaille pas pour le bâtiment, mais cela lui donne néanmoins des perspectives. Tout comme la branche de maréchal-ferrant, la restauration des objets ou encore la forge d’art.
Mais il faut d’abord gagner en expérience et se faire connaître. Il était à la foire de Bourail et expose cette semaine au Salon de l’artisanat. « Ce sont des conseils que l’on nous a donnés en France, faire des foires, répondre aux journalistes, il faut sauter sur toutes les opportunités. » Il fut bien avisé, puisque l’étape de Bourail lui a valu quelques ventes et commandes.
RECUP’
Pour ses réalisations, Owen Mayerau-Lonné utilise de l’acier récupéré de vieilles scieries, d’anciennes lames de scie circulaire, des cages de roulement à billes, des lames de suspension, des plaques… Il commande également en France des barres en acier qui ont de bonnes caractéristiques pour les couteaux et de l’acier damas en Nouvelle- Zélande. Pour en faire localement, il lui faudrait un charbon de meilleure qualité de chauffe (minéral). « On ne trouve pas ce qu’on recherche ici et nos voisins importent également. »
Pour le bois des manches, pas de problème en revanche. « On est en Calédonie, ce n’est pas ce qui manque. » Il apprécie en particulier le magnifique gaïac et dégotte des chutes auprès d’un menuisier de la place. On trouve également dans son atelier des caisses entières de bois de cerf.
Auprès de Sylvain Bargehr (Les cuirs), il a aussi appris les fondements du travail du cuir pour réaliser ses propres gaines de couteau. Il commande la matière en Nouvelle-Zélande et fait des essais avec des peaux de cerf. Il utilise pour l’heure du charbon acheté localement (Webler). Mais l’idéal dit-il, c’est le charbon minéral de houille qu’on ne trouve pas ici.
Malgré ces tracas sur la ressource, l’implication physique de ce métier « surtout en pleine chaleur », il se complaît dans cette vie. « Je savais que je ne voulais pas être derrière un bureau et regarder ma vie défiler à 100 à l’heure. Là, je vis à un rythme à l’ancienne, plus sain. Et on m’encourage. » Certains vieux métiers font à nouveau rêver les jeunes.
Chloé Maingourd
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