Oui/Non : un document pour choisir et imaginer la suite

Deux mois après la fuite d’une première mouture destinée aux élus calédoniens dans le cadre d’une rencontre parisienne, l’État a dévoilé le document enrichi sur les conséquences du Oui et du Non à l’indépendance. Des précisions et des questions qui seront encore à développer ont été apportées. Le document servira à la campagne référendaire et à la construction de la Calédonie de demain.

Vendredi, Patrice Faure, le haut- commissaire, a présenté le rapport finalisé sur les implications du Oui et du Non à l’indépendance lors de plusieurs séquences avec les élus, les agents de l’État, les responsables coutumiers, le monde économique et la société civile. Dans la soirée, le texte a été rendu accessible à tous, en ligne. Le premier document de quarante-quatre pages qui avait fuité fin mai a été enrichi. Il en comporte désormais 105.

Il se présente en trois parties : une première, plus dense, est consacrée aux conséquences du Oui, une deuxième aux implications du Non et une troisième à une série d’annexes. Des précisions ont été livrées sur certains points le nécessitant et des questions posées lors des discussions parisiennes, ajoutées. Les annexes, intéressantes, apportent notamment des exemples de coopération avec des territoires ayant accédé à l’indépendance.

Patrice Faure a insisté sur l’« effort » fourni par les fonctionnaires de l’État sur ce document qui se veut « impartial », avec une vision « objective » des conséquences du rendez-vous référendaire.

Coutume lors de la présentation aux coutumiers. ©C.M. 

Conséquences du Oui

Dans la première partie, l’État rappelle de manière générale que l’accès à la pleine souveraineté impliquera que le territoire sera « entièrement libre de se gouverner », mais qu’il ne le sera pas de manière immédiate. « Il ne se passera rien le 13 décembre », a d’ailleurs répété Patrice Faure.

Les forces de sécurité intérieure, par exemple, demeureront en charge du maintien de l’ordre tant que la souveraineté n’aura pas été actée juridiquement.

Il y aura une période de transition de 18 mois puis à son terme, il faudra une loi au Parlement français qui déclarera la souveraineté pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie et un référendum de projet au plus tard au 30 juin 2023 pour l’approbation des nouvelles institutions calédoniennes.

L’indépendance se traduira par le transfert des compétences régaliennes, l’accès à un statut international et l’organisation de la citoyenneté en nationalité. Le mécanisme actuel des transferts financiers sera caduc. Le nouvel État décidera de son organisation, de la manière d’exercer et de financer ses compétences. Il sera libre de conclure des traités internationaux avec d’autres pays y compris la France. Une relation partenariale avec la France pourrait se traduire par un traité global ou plusieurs traités thématiques via une négociation politique.

Cette partie détaille toute une série de thématiques illustrant l’implication actuelle de l’État, financière, logistique, humaine, et ce qui serait amené à disparaître en cas d’indépendance.

On y trouve les conséquences juridiques, par exemple, sur la citoyenneté européenne, la nationalité française, sur la monnaie, le système bancaire, les accords commerciaux, les transferts financiers, les finances publiques et comptes sociaux, l’impact potentiel des départs.

Figurent également les conséquences sur les politiques publiques du quotidien (éducation, formation, santé, fiscalité, transport aérien, audiovisuel, etc.) ; les conséquences potentielles sur les autres territoires français du Pacifique ; l’exercice des compétences régaliennes ; la prise en charge d’éventuels troubles à l’ordre public ou de volonté de partition et les modalités de transition.

Conséquences du Non

Le deuxième volet est consacré au Non. Dans ce cas de figure, les partenaires devront examiner, selon les termes de l’Accord de Nouméa, « la situation ainsi créée ».

Il est inscrit noir sur blanc que le choix du maintien dans la France et la fin de l’Accord de Nouméa « ne constituent pas en soi la consécration du statu quo actuel ». En d’autres termes, les responsables calédoniens, l’État et le Parlement français devront écrire « un nouveau chapitre ».

Dans cette option, la Nouvelle-Calédonie aurait à écrire une nouvelle page de son histoire au sein de la France, en s’adaptant aux défis du futur.

Les dispositions constitutionnelles ayant été posées dès le départ comme temporaires, des évolutions juridiques seront « indispensables » et la fin de l’Accord de Nouméa appellera la définition d’un nouveau cadre. Il faudra, là aussi, organiser au plus tard au 30 juin 2023, un référendum de projet pour l’approbation des nouvelles institutions.

Plusieurs thématiques sont ici abordées : la situation de la Nouvelle-Calédonie au regard de l’ONU, le possible maintien du droit à l’autodétermination, la question de la restriction du corps électoral, des préférences pour l’emploi et le foncier, les choix institutionnels, le non-retour des compétences transférées, une réflexion sur les priorités du territoire à long terme.

De manière générale, le travail accompli par l’État est, encore une fois, si éclairant qu’on ne peut que regretter qu’il ne nous parvienne qu’au pied du mur. Il promet, en tout cas, une campagne plus fournie, plus argumentée avec un large champ de discussions, un champ qui sera ensuite restreint par la force des choses, après le référendum.

Cette base viendra nourrir le dialogue entre tous, a dit le haut-commissaire dans un débat qu’il espère « pacifique, digne et respectueux ». Les Calédoniens sont appelés à s’en emparer. Des formes vulgarisées, accessibles à tous, seront également publiées.


Ce que les non-indépendantistes retiennent

L’argument, général, des représentants non-indépendantistes est qu’il serait désastreux que le Oui l’emporte, que la Nouvelle-Calédonie n’a pas les moyens financiers, humains, techniques de son indépendance. Le niveau de vie s’effondrerait. Et le territoire serait en proie à d’autres puissances, à commencer par la Chine déjà à l’oeuvre dans la région.

Ils évoquent la fin des transferts actuels de l’État (178 milliards de francs, soit 19 % du PIB). L’exemple du Vanuatu, qui bénéficie de 377 millions de francs d’aides publiques annuelles de la France, est une nouvelle fois brandie. On parle également de la fin des dispositifs financés par l’État (le RSMA, le programme Cadres avenir, la continuité territoriale).

Mais ils insistent, en particulier cette fois, sur une question qui touche profondément la population : la nationalité. Ils évoquent l’effondrement du discours indépendantiste sur la possibilité d’avoir à la fois l’indépendance et la double nationalité. Il est en effet stipulé qu’en cas d’indépendance, les personnes domiciliées en Nouvelle-Calédonie auraient vocation à prendre la nationalité du nouvel État et à perdre la nationalité française. Ceux qui n’auraient pas cette nationalité pourraient rester français et deviendraient des étrangers en Nouvelle- Calédonie avec des questions sur leur droit à travailler, à acheter, à toucher une retraite… Il pourrait y avoir des exceptions de double nationalité, mais cela ne pourra être généralisé, dit le document, « sauf à priver l’État d’une réelle population propre ».

Des commentaires, positifs, sont également faits sur le refus de la partition de la Nouvelle-Calédonie, théorie pourtant portée par certains loyalistes et balayée d’un revers de main par l’État. « La France refusera toute partition du territoire calédonien quelle qu’elle soit », est-il annoncé.


Ce que les indépendantistes retiennent

Pour l’instant les mouvements indépendantistes sont peu prolixes. Mais on observe, ici et là, quelques commentaires.

Ils relèvent qu’en cas de Oui, la France est ouverte à un accord d’association, de partenariat avec le nouvel État, à des traités thématiques ou encore qu’une dispense réciproque de visas (en tout cas de « situations plus favorables ») serait éventuellement possible entre le nouvel État et Wallis-et-Futuna.

Ils insistent sur le fait que l’État refuse la partition.

En cas de Non, ils craignent le dégel du corps électoral et le fait que 40 000 électeurs intègrent celui-ci. Ils jugent que ce sera la fin de l’emploi local et la fin des espoirs pour une priorité locale pour l’acquisition du foncier. À ce sujet, le document stipule simplement que la question de la citoyenneté calédonienne et des droits qui en découlent « devra être reposée au regard de sa comptabilité avec les principes de la Constitution française ». Ils affirment, enfin, que l’État pourrait très bien demander le retrait de la Nouvelle- Calédonie des pays à décoloniser de l’ONU après 2023. Le document indique « que la France n’introduira pas de manière unilatérale auprès de l’ONU sa demande de retrait de la liste des territoires non autonomes pendant la période de convergence », qui s’étalera du 13 décembre 2021 au 30 juin 2023, au plus tard.

C.M.

©C.M.

©haut-commissariat