Où trouver les milliards pour protéger la ressource ?

Le gouvernement travaille à la création d’une redevance destinée à financer les investissements. Qui doit contribuer ? À quelle hauteur ? Le Congrès décidera. Les maires, premiers investisseurs dans les réseaux d’eau, ont leur avis.

Il en faudra, des milliards, pour réaliser les 700 actions de la politique de l’eau partagée (PEP). Stations d’épuration pour atteindre « zéro rejet » d’eaux usées dans le lagon, canalisations pour amener l’eau à tous les Calédoniens, travaux sur les bassins versants… Le besoin de financement est de « 10 à 13 milliards de francs par an pendant 20 ans », dit le plan voté en 2019, quand les collectivités dépensent actuellement 7,5 milliards dans la gestion de l’eau, État et communes en tête.

Au Forum de l’eau, le 22 mars, aucun responsable n’a rêvé à haute voix de trouver autant d’argent. Combien peut-on prélever via la future redevance ? « La PEP aura les moyens qui seront donnés au Fonds de l’eau », énonce simplement Joseph Manauté, membre du gouvernement, dans une lapalissade qui renvoie les élus du Congrès à leur responsabilité, eux qui prendront la décision.

Un milliard, minimum « raisonnable » ?

Créé en 2021, le Fonds de l’eau est pour l’heure doté de 150 millions de francs par des taxes réaffectées. « Avec ça, on n’ira pas loin », lance Georges Naturel. Le maire de Dumbéa estime qu’un milliard serait un minimum pour un fonctionnement « raisonnable » du fonds, géré par la Nouvelle-Calédonie, qui soulagera les communes. Et l’argent public « ne tombe pas du ciel ».Les utilisateurs devraient être mis à contribution, eux qui paient déjà une redevance communale. « Il faudra tenir compte des moyens financiers des ménages », avertit Alphonse Poinine, maire de Touho.Dans les discussions du Forum, il est aussi question d’une participation des sociétés minières, fortes consommatrices d’eau, dont l’activité pèse sur la ressource.

Georges Naturel, maire de Dumbéa.

Fonds internationaux : « Nous avons de la concurrence »

Pour Pascal Sawa, maire de Houaïlou, la Nouvelle-Calédonie doit également aller chercher des financements internationaux. « Mais il faut se donner les moyens de les obtenir », insiste celui qui a décroché 100 millions dans le cadre d’un appel à projets de l’État (Reprise, qui a financé la gestion des bassins versants, la lutte contre le Pinus, les plantations, etc.), et qui espère obtenir prochainement 500 millions issus de fonds européens via Initiative Kiwa. « Il faut monter des dossiers solides. On a tendance à se croire le centre du monde, mais nous avons de la concurrence. Au Vanuatu, en Australie, à Fidji, les projets sont nombreux. »

Une chose est sûre : quelles que soient les sources, le financement devra être conséquent, sous peine de perdre la bataille de la maîtrise de l’eau et bien d’autres. « Si on continue à jeter des eaux usées dans le lagon, il sera déclassé par l’Unesco », prédit Georges Naturel.

 


Les objectifs de la PEP

Votée en 2019, la politique de l’eau partagée a six objectifs principaux. Parmi eux, « fournir 150 litres par jour d’eau potable par Calédonien » d’ici 2025, quand 10 % d’entre eux n’y ont pas accès aujourd’hui. D’ici 2045, il est question d’arriver à « zéro rejet d’eau non traitée » dans la nature. Une meilleure maîtrise de l’eau doit permettre d’« augmenter la production agricole », avec un taux de couverture alimentaire qui doublerait pour atteindre 50 % en 2030. Sur ce point, il conviendrait notamment de réduire les cultures en zone inondable, « qui coûtent cher en indemnisations », estime Régis Duffieux, qui juge préférable d’amener l’eau dans les zones non inondables et de privilégier des cultures peu gourmandes en eau.

 


Une ressource « menacée »

L’eau est « abondante »… mais « inégalement répartie dans le temps et l’espace », dit la PEP. La ressource est « vulnérable », « menacée » par les « feux, espèces envahissantes, mines, rejets polluants, prélèvements excessifs, d’eau et de matériaux ». Ces pressions « pèsent sur l’environnement », avec notamment 200 cours d’eau « surengravés », « et menacent également la santé de l’homme et sa qualité de vie ».

 

Gilles Caprais (© G.C.)