Opération Montsouris, un petit goût de « reviens-y »

En juin dernier, des praticiens de l’Institut mutualiste Montsouris ont réalisé une mission de chirurgie cardiaque sur le territoire. Cette grande première a concerné une trentaine de patients et présente un bilan plutôt positif. Seule ombre au tableau, le coût extrêmement lourd de 200 millions de francs. La deuxième mission actuellement en cours aura permis de le revoir nettement à la baisse, mais il pourrait baisser davantage.

« On s’est fait avoir la première fois, c’est moins le cas pour la deuxième. » Les mots d’un des acteurs du dossier sont plutôt durs envers cette mission qui a pourtant été encensée. Cette grande première sur le territoire s’est déroulée en juin dernier avec 29 opérations de chirurgie cardiaque et de cardiologie interventionnelle. « Les Australiens sont moins à la page que les Français en termes de pontages par exemple, assure un cardiologue travaillant depuis plusieurs années en Nouvelle-Calédonie. De manière générale, le niveau technique des Français en chirurgie cardiaque est meilleur qu’en Australie » S’il y a peu de chances d’établir formellement la supériorité technique des Français sur les Australiens dont les qualités sont indéniables, la mission a effectivement présenté de nombreux avantages.

Un gain pour les patients

Pour le cardiologue calédonien, ces opérations contribuent à améliorer les chances de survie des patients. D’autant que, comme le souligne le médecin, l’idée de ces missions est que l’équipe de l’Institut mutualiste Montsouris puisse venir quatre fois par an pour des séjours de 15 jours à trois semaines permettant de couvrir près de 60 % des besoins en intervention. Si l’on n’en est pas encore là, cette perspective satisfait le cardiologue qui y voit plusieurs avantages et notamment du point de vue de la formation. Une formation qui a plutôt mal fonctionné dans le cadre de la première mission puisque le médecin formé localement a quitté le Médipôle peu de temps après.

Au-delà de ce volet, les avantages sont avant tout pour les patients, à commencer par le confort d’être opéré à Nouméa, dans son environnement familial, ce qui contribue grandement à la réussite d’une opération. Le fait de pouvoir opérer certaines urgences réduirait dans certains cas les risques de décès de 50 %. « Sur le territoire, il n’y a pas de chirurgien en mesure de faire des dissections aortiques », note encore le cardiologue pour qui cette urgence médicale majeure est une véritable source d’inquiétude.

Lors de la première mission, en plus des 27 patients opérés, deux urgences ont pu être prises en charge pour cette pathologie. Si l’un des patients est décédé, l’autre a pu être sauvé. Mais le fait est que la mission prévoit avant tout des interventions non urgentes et programmables. De manière générale, 20 % des interventions de chirurgie cardiaque sont des urgences vitales. Pour le cardiologue, le fait de travailler avec des médecins français représente enfin un gain en termes de fiabilité de la prise en charge. Régulièrement, il arrive qu’une mauvaise communication avec les médecins australiens conduise à l’utilisation de techniques différentes de celles préconisées sur le territoire.

Autant d’arguments en faveur de la mission, mais à quel prix ? En 2017, les évacuations sanitaires représentaient 5,1 milliards de francs pour quelque 1 300 patients. Un chiffre loin d’être négligeable puisqu’il équivalait à plus de 10 % des dépenses du Ruamm.

Et le coût de la mission n’est pas anodin puisque, selon les premières estimations, une opération était estimée en moyenne à plus de 7,5 millions de francs alors qu’en Australie, elle était de l’ordre de 6,5 millions de francs et 1,5 million en Métropole. Ces chiffres présentés au conseil d’administration du CHT avaient légèrement fait tousser. La majorité des membres, en particulier les représentants de la Cafat, s’étaient opposés à la prise en charge de la mission. C’est donc l’Agence sanitaire et sociale qui avait assumé la facture d’un montant de 200 millions de francs.

Pour faire accepter la seconde mission, les calculs ont été repris afin d’y voir un peu plus clair. Les nouvelles estimations réalisées par le docteur Michel Belec, le chef de service de l’inspection de la santé de la Direction des affaires sanitaires et sociales, donnaient des résultats sensiblement différents. En moyenne, le coût d’une opération était évalué à 6,9 millions en Australie, 3,7 millions de francs pour la Métropole* et 6,1 millions de francs sur le territoire.

Une question d’équilibre

Mais tous ces coûts restent des moyennes estimatives, sauf pour les chiffres métropolitains où la comptabilité permet de savoir précisément combien coûtent les interventions. Mais les choses changent progressivement, comme le souligne le docteur Belec. La Nouvelle-Calédonie s’oriente vers un système de comptabilité calqué sur le modèle métropolitain qui consiste notamment à informatiser les données médicales. Un changement qui permettra de croiser les données et décortiquer véritablement les coûts des prises en charge dans le détail.

C’est dans cette optique qu’un statisticien a été recruté afin de travailler à une évaluation plus précise des coûts en Australie où le système est nettement plus complexe. Le système de facturation y est beaucoup plus alambiqué, selon Michel Belec. La finalité de ce travail est de pouvoir lancer un appel d’offres international visant à passer une convention avec un établissement qui accueillera les patients calédoniens au niveau du Pacifique et une convention équivalente en Métropole. Des partenariats qui ont vocation à réduire les coûts et faciliter la gestion de ces évacuations sanitaires qui resteront indispensables, l’ensemble des prestations médicales n’ayant pas vocation à être pratiquées sur le territoire. « On arriverait à des conventionnements avec un groupe en Métropole et un dans le Pacifique avec des proposition claires en termes de tarifs et d’organisation, à qualité égale », indique le chef du service de l’inspection de la santé.

Un travail d’autant plus important que l’Australie couvre 80 % des Évasan qui ne pourraient dans tous les cas pas partir pour la Métropole, trop éloignée. Pour le local et la Métropole, si la mission Montsouris a vocation à être pérennisée, Michel Belec estime qu’il est important de mettre les établissements en concurrence afin d’obtenir les meilleures conditions et même si l’Institut mutualiste Montsouris vient en aide au territoire de multiples façons et notamment sur le plan du recrutement de cardiologues. Un sujet complexe qui pose toutefois question. Quel est le sens de réaliser des opérations de haute technicité sur le territoire, relativement coûteuses, alors que l’on ne dispose pas de suffisamment de cardiologues pour effectuer les soins de base ?

Seuls les ordonnateurs peuvent répondre à cette question qui touche à l’équilibre à trouver entre gains pour les patients et coûts induits. Si ces traitements de pointe sont importants, permettre un accès aux soins élémentaires à l’ensemble de la population, y compris en Brousse, l’est tout autant.

M.D.

*Lorsque les Calédoniens se font soigner en Métropole, il faut ajouter environ 30 % à la facture, un majoration qui est appliquée aux étrangers. Le gouvernement et le Congrès feraient bien de se pencher sur cette aberration, tout comme sur le prix des billets d’avion facturés plein pot par Aircalin.


Une deuxième mission beaucoup moins chère

Après de longues négociations, la deuxième mission Montsouris a été validée. Elle prévoit la prise en charge de 44 patients dont 26 en chirurgie cardiaque et 18 en cardiologie interventionnelle structurelle. Le coût moyen prévu est de 4,2 millions de francs par patient, soit une enveloppe d’un peu moins de 200 millions de francs. Malgré certaines voix discordantes, le conseil d’administration du CHT a décidé de prendre en charge la mission sur la dotation globale versée par la Cafat. Une fois n’est pas coutume, le CHT n’avait pas entièrement dépensé son enveloppe.


Des nouveaux services, quels impacts sur les coûts ?

En parallèle d’une réflexion sur les coûts, un travail a été engagé afin de réduire le nombre des Évasan et d’améliorer l’offre de soins. Il est le fruit d’une inquiétude après avoir constaté que le nombre d’évacués sanitaires baissait, mais que l’enveloppe globale continuait d’augmenter. Cela s’est notamment traduit par l’ouverture de nouveaux services. Et cela a porté ses fruits puisque les dépenses liées aux Évasan ont diminué de 21 % entre 2014 et 2017. Les Calédoniens ont vu arriver ces dernières années l’IRM, la coronarographie, le CSSR ou encore la radiothérapie. Si l’ensemble de ces services ne font pas réduire la facture, certains ont un impact très positif, c’est en particulier le cas de la radiothérapie qui a permis d’économiser près de 210 millions de francs par an.