[DOSSIER] « On travaillait de nuit pour pouvoir faire tous les abattages »

L’élevage de Mariana Mati a une capacité de 450 porcs à engraissement. À cela s’ajoutent les 49 porcs de son petit-fils, Ryan, qui travaille avec elle. (© N.H)

Avec la fermeture des abattoirs de l’Ocef durant la crise, bon nombre d’éleveurs ont dû repenser leur fonctionnement. Mariana Mati, à la tête d’un élevage de porcs à Moindou, en fait partie.

Une main de fer dans un gant de velours. L’expression pourrait peut- être décrire la détermination dont a fait preuve Mariana Mati, durant ces cinq derniers mois.

Alors qu’en raison de la présence de barrages, l’éleveuse-engraisseuse de porcs était dans l’impossibilité, durant les trois premières semaines, de faire venir des porcelets jusqu’à sa propriété de Moindou, une autre problématique s’est imposée à elle : la fermeture des deux abattoirs de l’Ocef, rendant impossible l’évacuation de ses porcs et, par la même occasion, d’importantes rentrées d’argent.

Disposant depuis quelques années d’un abattoir à agrément simplifié lui permettant de faire fonctionner un atelier de transformation (découpe, saucisses, escalopes panées, etc.) en parallèle de son activité d’engraissement, Mariana Mati n’a « pas perdu de temps » et a compensé cette perte en livrant, en plus des deux boucheries de La Foa habituelles, une boucherie de Nouméa, ainsi que Sodevia et La Française, qui étaient demandeuses. « Il fallait trouver un moyen d’évacuer nos bêtes, et comme nous avons un abattoir et un fourgon, on l’a tenté. »

UNE DEMANDE DIFFÉRENTE

Un fonctionnement nouveau, pour Mariana et ses salariés, dont l’atelier de transformation n’avait jamais, jusqu’alors, connu une telle activité. « On travaillait de nuit pour pouvoir faire tous les abattages prévus pour Nouméa le lendemain », explique la cheffe d’entreprise. Ce qui n’a pas empêché, malgré tout, quelques problématiques liées à la trop grande quantité de porcs, tel que du cannibalisme ou des soucis d’organisation. « Normalement, on réalise régulièrement un vide sanitaire [fait de vider le parc pour le laisser en repos et replanter de la verdure, pendant trois à quatre mois, ndlr] dans les parcs à cochons. Là, c’était impossible, il y en avait trop, donc on a dû recréer nous-même des parcs. »

Aujourd’hui, l’entreprise s’est replacée sur les plannings de chargement de l’Ocef et retourne à un fonctionnement « presque » normal. Forts de cette expérience réalisée, « on est beaucoup plus dans notre laboratoire », indiquent Mariana et Ryan, son petit-fils. D’autant que depuis la crise, « beaucoup de particuliers n’ont plus les moyens d’aller à la boucherie, donc ils privilégient le circuit court et viennent nous voir directement ».

Ceci étant, la petite équipe doit néanmoins faire face, depuis la réouverture de l’Ocef, à des « retards de paiement », se répercutant sur leur propre organisation financière. « Trois abattages n’ont pas été payés. Du coup, ça pose problème pour payer les salariés ainsi que les charges, regrette Mariana Mati. Heureusement, notre provendier est compréhensif, mais ça reste compliqué ».

Nikita Hoffmann