« On se doit d’être prêts »

Sébastien Lecornu a fait le point, lors de son séjour, sur la préparation de la période référendaire avec les forces de sécurité intérieure et l’autorité judiciaire. Sans préempter de ce que sera précisément la situation sanitaire au 12 décembre, « on se doit d’être prêts », a résumé le ministre.

 

La France, sous le regard des Nations unies, doit organiser cette consultation « dans les règles de l’art comme une grande démocratie se doit de le faire ». Et si l’exercice en Nouvelle-Calédonie est désormais rodé, une attention accrue est logiquement portée à ce dernier vote, marquant la sortie d’une période de trente ans d’Accord de Nouméa. En clair, si les Calédoniens jouent gros, la France doit elle aussi « réussir » cette étape.

« La Calédonie n’est pas un dossier périphérique »

Principal enseignement de la mise au point avec les forces de sécurité et de justice : le dispositif de protection des citoyens pour la période référendaire monte en puissance. Au total, plus de 2 000 policiers et gendarmes seront mobilisés sur le Caillou avec des systèmes de relève « s’ils devaient rester sur une période assez longue ». Leur mission ? Assurer la sérénité de la campagne électorale, la sécurité et la liberté de tous les électeurs, « peu importe qu’ils votent oui ou non », et garantir l’ordre public au lendemain du référendum « au cas où quelques minorités radicalisées décideraient d’enfreindre les lois et les libertés ».

L’État craint-il des débordements ? « On est juste précautionneux, répond le ministre. L’État est là pour protéger ses concitoyens. La Nouvelle-Calédonie n’est pas un dossier périphérique pour le président de la République, il est donc normal d’y mettre les moyens. On le doit au territoire, on le doit à l’Accord de Nouméa. » À noter que les moyens humains et matériels ne concernent pas que les forces de l’ordre, mais également le haut-commissariat et la justice.

Sébastien Lecornu s’est longuement entretenu avec les représentants des forces armées, de police et la justice. L’occasion d’observer la mise en œuvre des différentes instructions passées depuis Paris sous l’autorité du haut-commissaire Patrice Faure.

 

Les politiques ont aussi leur responsabilité

Petite nuance apportée par le ministre, « l’État tient à ce que ça se passe bien pour ne pas dire mieux ». On se souvient des remous devant les bureaux de vote en 2020 et en 2018, d’une campagne politique acerbe. Le ministre a salué la réorganisation opérée avec Sonia Lagarde des bureaux de vote de Nouméa où les Calédoniens avaient parfois rencontré des difficultés d’attente, mais aussi ce sentiment d’insécurité.

Interrogé sur ces agissements, Sébastien Lecornu a redit qu’« il ne peut pas y avoir dans une grande démocratie un sentiment d’insécurité ». Mais il incite chacun à garder raison : « J’avais été interpellé sur des faits très graves aux abords des bureaux de vote, mais l’enquête n’avait pas démontré grand- chose parce que personne n’était venu à la rencontre des policiers et gendarmes pour témoigner. » Sous-entend-il qu’il y a eu un peu d’exagération ?

Le représentant de l’État a interpellé directement les forces politiques : qu’ont-elles prévu de leur côté pour garantir la sérénité durant cette période ? Quand on sait à quel point les postures politiques peuvent ruisseler sur le terrain, la question a le mérite d’être posée. Dans le viseur également cette fois, la cybercriminalité et la haine en ligne, les réseaux sociaux étant désormais « un catalyseur de propos particulièrement violents, de menaces de mort ». L’État doit notamment monter une cellule spécialisée pour éviter les dérapages numériques (comme les ingérences étrangères) et les politiques sont appelés à s’investir à ses côtés « parce que la violence sur les réseaux sociaux peut aussi malheureusement donner du carburant à celles et ceux qui veulent aller beaucoup plus loin ». En clair, et c’est un discours qui est tenu par Sébastien Lecornu sur la plupart des sujets, on ne doit pas tout attendre de l’État, mais faire aussi ce qu’il faut localement pour améliorer la situation des Calédoniens.

Le général Valéry Putz, commandant supérieur des forces armées, et le général Christophe Marietti, qui coordonne l’action des renforts de gendarmerie.

 


La crise impose une autre logistique

La crise sanitaire change forcément la donne en matière de vote. Des discussions sont en cours avec les autorités locales pour établir un protocole spécifique. L’État a déjà de l’expérience en la matière puisque des élections se sont tenues sur le territoire national depuis la crise Covid-19. En ce qui nous concerne, plusieurs pistes sont évoquées : l’élargissement des horaires d’ouverture des bureaux de vote (par exemple de 6 heures à 21 heures) pour apporter de la fluidité, une demande formulée par les coutumiers mais également par les députés calédoniens. Ces derniers ont aussi proposé d’autoriser deux procurations par personne au lieu d’une, un dernier point qui exigerait néanmoins une modification de la loi organique.

 


Bureaux délocalisés : la période d’inscription étendue

Il est possible de s’inscrire dans les bureaux de vote délocalisés pour le référendum jusqu’au 6 novembre. Le délai a, en effet, été prolongé de deux semaines après un vote en ce sens au Congrès et la prise d’un décret par l’État. Les électeurs des îles ayant déjà voté dans les bureaux délocalisés à Nouméa restent inscrits pour le 12 décembre. Seules les personnes souhaitant s’inscrire ou se retirer de ce système délocalisé doivent faire leur démarche auprès du centre administratif du haut-commissariat ou des subdivisions administratives de Koné, La Foa et Lifou. L’année dernière, 6 000 habitants d’Ouvéa, Maré, Lifou, Tiga, Bélep et l’île des Pins avaient fait le choix de voter à Nouméa.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)