« On ne connaîtra jamais toute la biodiversité de Poum »

Matthias Deuss, herpétologiste (spécialiste des reptiles), présente le Dierogekko baaba mâle à l’équipe de l’ABC, dont Dominique Fleurot (à gauche, casquette orange), coauteur de Flore de Poum.

L’Atlas communal de la biodiversité, lancé début avril, mobilisera jusqu’à la fin de l’année 2024 plusieurs dizaines de personnes, scientifiques et bénévoles, unies pour recenser un maximum d’espèces dans les foisonnantes faune et flore du grand Nord.

Le Dierogekko baaba mâle, gecko micro-endémique de l’îlot dont il porte le nom, observé pour la première fois. Des micro-escargots à la pelle, avec « sûrement des nouveautés ». Un petit poisson d’eau douce sur l’îlot Yandé, aperçu pour la première fois au septentrion de Voh. Un champignon de « 50 centimètres de large » en forêt de Golone.

Les premières sessions de recherche ont été fructueuses, Dominique Fleurot en est heureux. « Ce sont de petites choses, mais elles sont importantes pour la science et pour la connaissance de la biodiversité de Poum », se réjouit le coauteur de Flore de Poum, ouvrage paru en 2021 dont les travaux ont été la genèse des recherches actuellement menées dans le cadre de l’Atlas de la biodiversité communale (ABC). « On est tombé sur des plantes rares, dont trois inconnues. On a vu la richesse de cette végétation très typique. »

Inspirée par ce travail, la mairie a postulé à l’ABC auprès de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui a ensuite sélectionné Poum (ainsi que les îles Loyauté) parmi les 47 lauréats de l’année 2022.

LES MYSTÈRES DU NORD

La prétention de l’Atlas n’est pas d’atteindre l’exhaustivité – « on ne connaîtra jamais toute la biodiversité de Poum », insiste Dominique Fleurot – mais de s’en approcher, en fouillant air, terre, mer et rivière. Oiseaux, insectes, reptiles, gastéropodes, plantes… La liste est longue, et les zones inexplorées par la science sont nombreuses : l’îlot Taanlo, la vallée Vache Crevée, la forêt de Pangaï, Minao ou encore les îlots Saint-Phalle.

La subvention de l’OFB apporte des moyens à la hauteur des ambitions. Elle a permis de mobiliser lors de la première semaine de prospection pas moins de sept scientifiques, soutenus par 18 bénévoles, une coalition qui fait la force de l’Atlas de Poum.

Le Dierogekko baaba, endémique de l’îlot éponyme.

BÉNÉVOLES ET SCIENTIFIQUES, UNE ALLIANCE CAPITALE

David Ugolini, président de la Société calédonienne d’ornithologie, est « très attaché à cette dimension participative », qui est l’« ADN » de l’association fondée en 1965. « D’une part, les gens sont observateurs. Ils peuvent apporter aux chercheurs des éléments très précieux. D’autre part, au contact des scientifiques, certains ouvriront les yeux sur la valeur de la nature qui les entoure. »

Lors de la seconde semaine, début mai, il s’est fait une joie d’étoffer le vivier d’observateurs avertis, capables de signaler rapidement une espèce invasive comme le bulbul. « On ne sait pas toujours à quel point notre environnement est rare, précieux et menacé. »

Cette sensibilisation des habitants, cet accroissement général des connaissances répondent à un enjeu très concret : la commune de Poum se dotera dans les prochaines années de son premier plan d’urbanisme et de développement (PUD).

 

Prochaine cible : les nudibranches

Du 10 au 25 juin, les recherches se concentreront sur les limaces de mer. Philippe Bouchet, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle, est plein d’espoir. « Lorsque Dominique Fleurot a commencé les démarches, je lui ai immédiatement dit “tu peux compter sur nous“. » Lors de la précédente Quinzaine des nudibranches, en septembre dans le Grand Nouméa, près de 400 espèces avaient été collectées, « dont 90 nouvelles pour la science », estime Philippe Bouchet, également impatient de se pencher sur les escargots et les limaces de Poum. « La Nouvelle-Calédonie, c’est le pays de l’endémisme. Et chez les gastéropodes terrestres, on connaît 170 espèces, et tout est micro-endémique. »

 

Gilles Caprais (© Maxime Le Bras)