« À Nouméa, on a perdu 1 400 élèves depuis 2016 »

Alors que la fin de l’année sonne le temps des vacances dès ce vendredi 10 décembre, l’école Mauricette-Devambez, à Rivière- Salée, ne rouvrira pas ses portes à la rentrée 2022, à la suite de Louise- Vergès à Tindu et d’Emily-Panné à la Vallée-des-Colons, qui ont fermé fin 2020. En cause, une baisse des effectifs dans des quartiers parfois vieillissants. D’autres secteurs sont concernés, comme celui de l’Anse-Vata. Interview de Jean-Pierre Delrieu, 1er adjoint à la mairie de Nouméa en charge de l’action éducative.

DNC : Combien d’élèves comptent les écoles de la commune ?

Jean-Pierre Delrieu : En 2016, il y avait 9 940 élèves. En 2021, il y en a 8 562, donc on en a perdu 1 400. On était à 450 classes et là, on est à 390 classes sur 49 écoles avec à peu près le même nombre d’effectifs par classe, en moyenne une vingtaine.

Ce sont ces chiffres qui vous amènent à réfléchir à fermer certains établissements scolaires ?

Ce n’est pas la moyenne générale qui nous fait regarder au plus près, mais le quartier. Il y en a où des enfants arrivent, comme à Nouville. Pour l’instant, Amélie-Cosnier suffit, mais nous avons des options si cela n’était plus le cas, comme diriger certains élèves vers la Vallée-du-Tir où, comme cela a déjà été fait, en transporter certains jusqu’à Paul-Boyer, au Faubourg-Blanchot. On a aussi dans les cartons l’agrandissement d’Amélie-Cosnier, en cas de besoin. À Tina, l’école Serge-Laigle est vraiment très chargée, mais on pourra également l’agrandir en cas de besoin et un terrain est réservé si jamais nous devions construire une autre école. Et à côté, il y a des situations comme celle d’Adrienne-Lomont, à Saint-Quentin, qui connaît une baisse d’effectifs.

 

On est très attentifs à ne pas gonfler la moyenne des effectifs des classes qui accueillent les élèves des écoles qui ferment pour ne pas que ça devienne des usines. »

 

Vous suivez donc les inscriptions par école pour prendre une décision ?

On regarde les tendances lors de chaque période d’inscriptions. Le premier signe, c’est le CP. C’est ce qui nous a fait fermer Emily-Panné, qui se trouvait dans un quartier un peu vieillissant (rue Bénébig), parce qu’il ne restait plus qu’une classe de CP et seuls huit élèves y étaient inscrits. Ils sont principalement partis sur Candide-Koch à la Vallée-des-Colons, et Suzanne-Russier à la Vallée-du-Génie.

À Louise-Vergès, à Tindu, les effectifs stagnaient, il restait une quarantaine d’élèves. En raison de la réhabilitation de certaines résidences, des familles sont parties et la dernière école construite dans le quartier, Maurice-Fonrobert à Kaméré, a absorbé certains de ces enfants. Et puis, au niveau pédagogique, c’est bien quand il y a au moins deux classes par niveau afin de favoriser les échanges entre elles. Les élèves de Vergès sont allés à Daniel-Talon.

Quels autres critères regardez-vous ?

On regarde aussi s’il y a des prévisions de construction dans le quartier avant de fermer l’école.

Des classes sont ouvertes dans les écoles qui accueillent ces enfants ?

On est très attentifs à ne pas gonfler la moyenne des effectifs pour ne pas que ça devienne des usines, donc on ouvre le nombre de classes qu’il faut selon les besoins.

À la fin de l’année c’est au tour de Mauricette-Devambez de fermer…

Les écoles où les effectifs ne sont pas importants, ce sont Mauricette-Devambez et Marguerite-Arsapin à Rivière-Salée. À Devambez, il y avait cinq ou six inscriptions, ce qui ne suffit pas pour ouvrir un CP. Donc cette année, on n’en a pas ouvert et on a décidé, conjointement avec la province Sud, de fermer l’école. À Arsapin, on va voir ce que ça donne en 2022.

Quand avez-vous annoncé la nouvelle ?

En fin d’année dernière. On est allés voir l’équipe pédagogique puis, dans la foulée, le personnel municipal et celui de la caisse des écoles et juste après, les parents d’élèves.

 

Les premières fermetures, je les ai mal vécues, pour une commune, c’est difficile, car les écoles représentent la jeunesse. »

 

Comment se passe la transition avec la future école ?

On fait le lien, un travail est mené avec les deux directeurs d’établissement pour que les enfants se sentent bien accueillis dans leur nouvelle école qui sera Jacques-Trouillot. Tous les parents ont choisi celle-là, c’est la plus proche.

Certains disent que ces fermetures servent avant tout à faire des économies sur le personnel et les bâtiments…

Ce n’est pas une question financière, comme peuvent parfois penser les parents. On ouvre des classes ailleurs, donc les enseignants sont mutés. Et les bâtiments sont réutilisés par la mairie, donc non, ce n’est pas pour faire des économies.

Est-ce que d’autres écoles voient leurs effectifs diminuer ?

Un endroit qui me pose problème, c’est sur le quartier de Magenta où deux écoles se vident, Christine-Boletti, qui est au-dessus du stade, et Michel-Cacot, après le rond-point au-dessus de Mini Marché. En revanche, les autres écoles de Magenta sont pleines, Albert-Perraud, Michel-Amiot, Mathilde-Broquet et Les Pervenches. On a eu une première réunion avec la province pour essayer de voir comment on pourrait faire. Il faut maintenant que je rencontre les directeurs pour essayer de rééquilibrer la zone et désengorger les établissements où il y a beaucoup d’enfants. La réorganisation est prévue pour la rentrée 2023, mais aucune fermeture n’est envisagée.

Qu’en est-il dans les quartiers sud ?

L’autre zone qui me pose problème, c’est celle de l’Anse-Vata. Ce sont des quartiers, avec celui de la Baie-des-Citrons, etc., où la moyenne d’âge des habitants est la plus élevée. Il y a des baisses d’effectifs aux Lys, aux Frangipaniers et à Marguerite-Lefrançois. Ces maternelles alimentent Éloi-Franc et Fernande-Leriche, qui connaît une baisse importante d’effectifs. En plus, les écoles sont face à face, donc il faut voir ce qu’on fait. C’est là qu’il y pourrait y avoir une fermeture à la rentrée 2023, mais rien n’est encore acté.

 

Mauricette-Devambez va devenir une maison des associations pour le quartier dès l’année prochaine. Pour Louise-Vergès, on a lancé un appel à projets pour en faire une sorte de tiers-lieu ouvert à toutes les associations. »

 

Comment expliquez-vous ces baisses ?

La problématique pour nous, c’est qu’il y a eu une migration vers Païta et Dumbéa, où les logements sont moins chers et il y a du neuf. Et puis, il y a le vieillissement de la population et la baisse de la natalité. Les premières fermetures, je les ai mal vécues, pour une commune, c’est difficile, car les écoles représentent la jeunesse. Et il n’y a pas de gros projets de construction à Nouméa, il n’y a plus de terrains ni de grosses promotions sociales si ce n’est Sakamoto, destiné aux jeunes familles, dans quelques années.

Que vont devenir les bâtiments laissés vacants ?

Mauricette-Devambez va devenir une maison des associations pour le quartier dès l’année prochaine. Pour Louise-Vergès, on a lancé un appel à projets pour en faire une sorte de tiers-lieu ouvert à toutes les associations. Notre souci, c’est aussi d’utiliser ces locaux pour pas qu’ils se dégradent ou qu’ils soient dégradés. Emily-Panné va être récupérée par les services de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie et du vice-rectorat qui vont y mettre un certain nombre de services comme les inspections primaires, etc. Ça devait se faire en avril, mais ça a pris du retard.

Des travaux sont-ils prévus pendant l’été ?

On a toujours des écoles à repeindre. À Griscelli, à la Vallée-du-Tir, il y a des enfants polyhandicapés, on attend les grandes vacances pour entièrement refaire la salle où ils les changent. On poursuit aussi les travaux de confortement thermique et on en profite en même temps pour refaire l’électricité. On consacre environ 250 millions de francs chaque année à l’entretien des établissements.

Après une forte augmentation du prix de la cantine à la rentrée 2021, le repas était passé de 802 à 991 francs, soit 189 francs de plus, qu’est-il prévu pour la rentrée 2022 ?

Cette hausse n’a pas eu d’effet sur le nombre d’inscriptions à la cantine, on est toujours entre 78 et 80 % des enfants qui y déjeunent. On vient également de renouveler le marché pour trois ans avec Newrest. On trouve que la qualité s’est améliorée. Je vais déjeuner deux fois par semaine dans les cantines et on a beaucoup moins de soucis qu’avant. Ils font davantage de plats qui plaisent aux enfants. On a aussi mené un gros travail sur les impayés. On avait 800 élèves sur 7 500 en situation d’impayés, il en reste 150. Il n’y aura pas d’augmentation des tarifs l’année prochaine.

 

Propos recueillis par A.-C.P. (© A.-C.P.)