« Nous sommes encore dans le développement des Francofolies »

Voilà un peu plus d’un mois que le rideau est tombé sur le cru 2019 des Francofolies. Le moment du bilan pour Chris Tatéossian, directeur du festival, qui se tourne déjà sur l’an prochain pour la quatrième édition.

Quel bilan tirez-vous de cette nouvelle édition des Francofolies ?

C’est toujours une épreuve. Chacun dans l’équipe investit beaucoup en énergie et il y a un effet baby blues. Au niveau du public, en cumulé sur les trois soirs, on est plus bas que l’an dernier. Peut-être autour de 6 000 personnes.

Des trois éditions, c’est donc celle qui a le moins attiré de spectateurs. Comment l’expliquez-vous ?

La problématique, c’est de faire venir du monde avec des têtes d’affiche qui ne sont pas énormes. Attention, on est très content du programme de cette année, mais ce n’est pas Patrick Bruel. On est encore loin, pour le moment, des locomotives qu’il peut y avoir aux Francofolies de La Rochelle.

Pourquoi ?

En Métropole, les gars arrivent le matin, jouent le soir et repartent le lendemain. Souvent en bus, parfois en train. Ici, il y a le trajet en avion et en plus, avec le décalage horaire, il faut les faire venir cinq jours. En tout, cette année, ce sont une soixantaine de personnes. Il faut ensuite ajouter les cachets. Donc c’est une affaire de négociations. Mais pour certains artistes, il n’y en a pas. Le tarif, c’est tant et si ce n’est pas possible, tant pis.

À quoi pourraient ressembler les Francofolies l’an prochain ?

On travaille sur une formule plus resserrée que celle de cette année. C’est-à-dire sur deux jours. On avait testé le principe en 2018 et je trouve que cela marche mieux. On se pose la question si on a un public pour trois soirs d’affilée, le dimanche soir étant toujours plus faible. Cela permettra aussi de contenir notre budget.

Est-ce que cela veut dire moins d’artistes ?

Pas forcément. Il pourrait y avoir toujours trois rendez-vous avec en plus du vendredi et du samedi soir, un autre le samedi après-midi. Mais le fait de resserrer le festival nous permet de travailler sur de très grosses têtes d’affiche. Ce que nous n’avons pas encore réussi à faire.

Quelle sera la philosophie de la programmation 2020 ?

Déjà, c’est encore trop tôt pour dire avec qui nous sommes en contact. En ce qui concerne la philosophie, elle ne change pas. On veut rassembler tous les publics avec des artistes qui me semblent en cohérence avec les goûts musicaux locaux. Ensuite, il y aura toujours la scène musicale locale qui sera mise en avant. On ne va rien révolutionner, mais on ajuste, pour que la programmation soit en adéquation avec les attentes.

Comment voyez-vous la suite de la vie de ce festival ?

On est dans le développement, donc tout n’est pas parfait. Je pense que lors de la troisième édition des Francofolies de La Rochelle, les organisateurs se disaient qu’il n’y aurait pas de quatrième. Mais cela existe depuis plus de trente ans. Alors je suis confiant.


Une édition 2020 sous le signe de la jeunesse

C’est l’un des éléments du cahier des charges pour avoir la marque Francofolies : le module Francos Educ. « Il s’agit, avec une équipe d’enseignants référents, d’initier les plus jeunes à la musique, explique Chris Tatéossian. Avec des ateliers d’écriture, des rencontres avec les artistes et d’autres moments. Tout cela concernera des enfants, du primaire à la terminale. » Présent dès le départ dans la convention qui lie les Francofolies et MusiCAL, qui organise l’événement ici en Nouvelle-Calédonie, il n’a pour le moment pas été déployé et sera donc l’un des grands axes de développement du festival dans les prochaines années.


La programmation anticipée ?

C’est une stratégie que pourrait adopter MusiCAL pour l’édition 2020 des Francofolies : une annonce bien plus précoce. Si pour l’instant Chris Tatéossian, organisateur de l’événement, refuse de parler de date, la programmation pourrait bien être dévoilée avant le début de l’année prochaine. Soit plusieurs mois en avance, comparé aux trois premières éditions qui ont connu un lever de voile autour du mois de juin. Le but est simple : permettre au public de s’organiser. « C’est une façon de toucher les francophones d’Australie notamment (lire par ailleurs), explique le patron des Francofolies NC. Plus le public est au courant tôt de ce que va être le festival en 2020, plus il pourra le prendre en compte dans ses vacances. »


La culture comme attraction touristique

Avec environ 120 000 visiteurs par an, la Nouvelle-Calédonie est loin d’être une destination pour tourisme de masse. Malgré cela, les grands événements culturels jouent un rôle dans l’attraction des vacanciers. Cette année, le festival Blackwoodstock, à Moindou, a joué la carte à fond avec la gratuité pour les touristes sur présentation d’un billet d’avion. « La culture, au sens large, est une part essentielle dans le tourisme, note Philippe Artigue de Nouvelle-Calédonie tourisme point Sud. C’est donc un de nos axes principaux de communication. » Pour autant, la tenue d’un grands événements culturels n’est pas la raison principale d’une venue sur le Caillou. Le tourisme culturel est une niche. Certains événements, comme le Blackwoostock, les Francofolies ou même des rendez-vous comme la Foire de Bourail ou le festival des fromages du Méridien de Nouméa et du Sheraton de Deva peuvent jouer le rôle d’aimant. « Ce sont des événements que nous allons beaucoup soutenir à l’extérieur, explique Philippe Artigue. On va pouvoir retrouver des packages chez certains tours operateurs en Australie, par exemple. »


Dynamiser la destination

Pour Chris Tatéossian, organisateur des Francofolies NC et qui veut depuis le début ancrer le festival dans la francophonie du Pacifique, le potentiel du tourisme culturel existe. « Chaque année, le festival So Chic, So French (qui se déroule au mois de janvier à Sydney, NDLR) attire 10 000 personnes avec des artistes francophones, explique-t-il. Je pense que dans la région, il y a des personnes, des Français expatriés, qui pourraient tout à fait venir en Calédonie pour voir un groupe qu’ils aiment. Il faut savoir qu’il y a environ 500 000 francophones dans la région. Si on en capte ne serait-ce qu’un pourcent, on sera content. » L’offre culturelle plus petite a également une importance. « Les concerts de groupe locaux, dans les bars, par exemple, permettent de dynamiser la destination, explique Philippe Artigue. On le voit sur le site internet de What’s on (guide à destination des anglophones et des Japonais, NDLR) que la rubrique « sorties » est très consultée. Les touristes ne sont pas venus pour ça, mais c’est ce qui va leur faire passer un bon séjour. »