Les émeutes ont aggravé la situation déjà tendue des régimes sociaux, notamment celle du Ruamm et des retraites. Le recouvrement des cotisations par la Cafat a diminué et le nombre de chômeurs augmenté. Des réformes en profondeur sont inévitables pour sauver la protection sociale.
- RUAMM : LA PÉNURIE
Au 31 juillet, la Cafat relevait une perte de cotisations de 6 milliards de francs tous régimes confondus. Sur l’année, le manque à gagner est estimé à 10 milliards ‒ en prenant en considération la perte induite par la fermeture de KNS à partir du 1er septembre. Pour le régime unifié d’assurance maladie maternité, qui représente 45 % des cotisations, cela signifie environ 4,5 milliards de moins, sachant que le fonds supportait déjà un déficit de trésorerie de 8 milliards avant les événements.
L’autre conséquence, qui était prévue mais dont les exactions ont accéléré l’échéance, porte sur la dotation de fonctionnement aux hôpitaux publics. Chaque mois, le Ruamm verse environ deux milliards de francs aux CHT, CHN et CHS. Le régime n’a désormais plus les moyens de s’en acquitter, annonce Patrick Dupont, président du conseil d’administration de la Cafat. « Nous avions annoncé que nous ne pourrions plus payer à partir de septembre. Finalement, cela se produit dès ce mois-ci. » Le gouvernement chercherait une issue. « Une solution a été trouvée pour août, mais pour le reste de l’année, nous ne savons pas. »
- LE CHÔMAGE PARTIEL A PRIORI FINANCÉ
S’agissant de la prise en charge des chômages partiels ‒ exaction et nickel ‒ et du chômage total exaction (qui intéresse, lui, 6 000 salariés ayant perdu leur travail), les comptes semblent bons, assure Patrick Dupont, malgré un nombre très élevé de dossiers transmis à la DTEFP (direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle). « Au 5 août, les demandes concernaient 27 000 salariés. »
Un chiffre « théorique », qui devrait être moins élevé en termes d’équivalents temps plein. « Les entreprises sont prudentes parce qu’elles ne savent pas comment elles vont fonctionner dans les mois à venir, commente Patrick Dupont. C’est très compliqué de prévoir. Il est possible qu’une partie de ces employés travaillent finalement à 50 %, par exemple. » De son côté, l’organisme a reçu des demandes de remboursement pour à peu près 1 000 salariés. « Cela va arriver au fur et à mesure. » Un engagement a été garanti à hauteur de 13 milliards de francs et le gouvernement a reçu 6 milliards. « Nous devrions tenir jusqu’à la fin de l’année. »
- L’INQUIÉTUDE POUR LE CHÔMAGE TOTAL NORMAL
« C’est ce qui nous pose problème », avance Patrick Dupont. Si, en janvier, 2 400 personnes étaient indemnisées au chômage total normal, elles étaient près de 3 000 en juillet, auxquelles vont s’ajouter environ 1 000 employés de KNS. Les besoins sont évalués à 2 milliards pour couvrir les quatre prochains mois. « Nous avons sollicité des financements complémentaires auprès du gouvernement. » L’établissement payeur souhaiterait que le chômage total normal soit également pris en charge en partie par l’État. Puis, il y a ceux qui n’ont plus de travail et ne remplissent pas les conditions nécessaires pour être indemnisés, entre 4 000 et 5 000 chômeurs, victimes notamment de la crise du nickel.
- RETRAITE : RÉFORME EN VUE
La rupture de paiement du régime, fragilisé ces dernières années par la baisse du nombre d’actifs par rapport à celui de retraités, prévue courant 2027, est avancée à 2026. La commission paritaire retraite, composée entre autres des organisations patronales et des syndicats, planche sur des mesures structurelles afin de l’éviter. « Nous devons aller au-delà des changements habituels de l’allongement du temps de travail ou d’augmentation des cotisations. L’idée est de proposer une réforme début 2025 pour une mise en œuvre dans l’année. »
Afin d’abonder le fonds, une partie de l’excédent des allocations familiales (3 milliards) a exceptionnellement été allouée aux retraites l’an dernier. Il est également envisagé de transférer des taux de cotisation du régime famille à celui des retraites, ce qui passe par une délibération.
- LE SYSTÈME À BOUT DE SOUFFLE
La protection sociale sous sa forme actuelle vit sans doutes ses derniers mois. « Une réflexion globale sur l’ensemble des dépenses est nécessaire », insiste Patrick Dupont. Avant tout, sur le Ruamm. « Nous souhaitons une réorganisation et une révision du système de santé de manière à en réduire les coûts. »
Le calcul est simple. Les dépenses augmentent plus vite que les cotisations. Parmi les pistes évoquées : dématérialiser les services, rechercher des économies, mutualiser les moyens, développer la complémentarité entre le public et le privé et, en dernier lieu, réduire le niveau de prestations. « L’hôpital et la clinique doivent mieux s’organiser entre eux. La structure du soin en Brousse doit être optimisée. Nous gardons des hôpitaux à Koumac et Poindimié, alors qu’il n’y a quasiment plus de médecins. J’ai l’impression qu’on fait la politique de l’autruche. »
La Cafat a soulevé maintes fois le sujet, affirme Patrick Dupont. « Nous n’avons jamais eu de retour, ni de la Dass, ni du gouvernement. Nous avons demandé à ce que l’État, éventuellement à travers l’AFD, pilote la mission. » Sans quoi le système pourrait tout simplement s’écrouler. « Nous payons les non-décisions des élus sur ce point depuis un certain temps. Le plan Do-Kamo n’a jamais été suivi d’actions concrètes, le plan Santa-Eurisouké a été refusé par le Congrès et la commission sur le Ruamm n’a pas abouti. »
Anne-Claire Pophillat