Les négociations entreprises par le ministre des Outre-mer Manuel Valls lors d’un « conclave » n’ont pas abouti mercredi 7 mai faute d’accord sur le projet présenté. Le député Nicolas Metzdorf espère maintenant engager une discussion avec les indépendantistes sur le corps électoral provincial.
DNC : À qui attribuez-vous cet échec ?
Nicolas Metzdorf : À Manuel Valls. Avant sa dernière venue, je n’avais pas de raison de lui en vouloir. Mais là, il a tué la négo en proposant l’indépendance-association. Les indépendantistes nous ont clairement dit qu’ils ne pourraient accepter moins.
Pourquoi les loyalistes n’ont pas saisi cette proposition comme une base de négociation ? Il y avait eu des tentatives de négociation sur le partage des relations internationales dans la région, par exemple. Mais la présentation du projet de Valls s’est ouverte sur les compétences régaliennes. Quand tu as la main sur tes compétences régaliennes, tu es un État indépendant, même si tu soustraies. Demain, si tu as un gouvernement indépendantiste radical, il décide de ne plus déléguer la compétence, tu te retrouves avec la monnaie, la défense, la justice. Ensuite, avoir un siège à l’ONU, ça veut dire que tu es une nation indépendante, que la France ne parle plus pour toi au niveau international. Après, ça a été la double nationalité. Si ce n’est pas une forme d’indépendance, je ne sais pas comment vous appelez ça.
En plus, jamais ces sujets n’avaient été abordés avec Manuel Valls. On parlait d’autodétermination, des provinces, du corps électoral. On est passés d’un statut transitoire à un statut définitif. Faire un pas pour nous, c’était accepter le projet Valls, trahir nos convictions, nos électeurs, les referendums.
Pourquoi Manuel Valls a fait cette proposition ?
Mon analyse, c’est qu’il a voulu garder les indépendantistes autour de la table. Mais Emmanuel Tjibaou aurait amené sa délégation. Le ministre nous a dit : ‘Je fais un pas vers eux et puis, vous ramènerez un peu le projet de votre côté’. C’est mal comprendre le monde indépendantiste. Comment veux-tu que les mecs reviennent en arrière ? Cela étant, il en avait peut-être marre de venir et peut-être fait-il une analyse résignée de ce qu’est la Nouvelle-Calédonie.
En refusant de négocier cela, comptez-vous sur un changement de Gouvernement plus favorable à votre cause ?
Dans le camp loyaliste, il y a une petite divergence. Moi, je pars du principe que l’État, c’est l’État. Demain, si Marine Le Pen gagne, ce sera le même État. Il y a des discours politiques, mais gouverner, c’est autre chose. J’ai une confiance relative dans le positionnement de l’État.
Sébastien Lecornu, par exemple, aurait-il porté un tel texte ?
Il n’aurait pas porté ce texte, mais il aurait posé les mêmes questions. Quid des compétences régaliennes, quid du corps électoral, etc. Ce que je reproche à Manuel Valls, c’est d’avoir coincé les indépendantistes, sans latitude dans la négociation. C’est dommage parce qu’il y avait une envie de tous les participants de trouver un accord. Tout le monde est déçu.
Emmanuel Macron connaissait-il les détails ?
Je pense qu’il avait les grandes lignes, mais n’imaginait pas que Valls irait aussi loin. Je l’ai eu au téléphone, Sonia [Backès] aussi. Manuel Valls a dû lui dire « souveraineté partagée avec la France », mais après, il y a ce que l’on met dedans et là, c’est plus partagé d’un côté que de l’autre ! Moi, j’ai le sentiment que c’est le projet que Valls voudrait pour la Nouvelle-Calédonie.
Cet épisode peut-il vous servir ?
Notre électorat est satisfait. Les gens nous remercient d’avoir évité l’indépendance- association. On a été élus pour ça. Mais je veux dire quand même que l’idée n’était pas de sortir de là comme ça…
Pourquoi le projet de fédéralisme n’est pas, selon vous, une partition du territoire ?
Est-ce qu’un Texan est le même Américain qu’un Californien ? La réponse est oui. C’est le fédéralisme. Est-ce qu’un Coréen du Nord appartient au même pays qu’un Coréen du Sud ? La réponse est non. C’est la partition. Je suis pour le fédéralisme et contre la partition.
Avec quels outils comptez-vous contester le maintien du gel du corps électoral provincial ?
Premièrement, il faut essayer d’avoir une ouverture du corps électoral qui soit issue d’une discussion avec les indépendantistes. Parce que s’il y a une vraie rupture avec Manuel Valls, c’est moins le cas avec les indépendantistes. On peut avoir une discussion et se dire que les élections provinciales ne doivent pas fracturer les Calédoniens. Elles doivent être un moment de démocratie où chacun exprime ses opinions sans qu’on les mobilise dans la rue, comme on l’a fait la dernière fois.
Si cela ne marche pas, on va essayer de convaincre le Gouvernement et Emmanuel Macron de ne pas céder à la violence du 13 mai. Enfin, on a les recours au Conseil d’État, au Conseil constitutionnel, à la Cour européenne des droits de l’homme. Mais c’est toujours dommage d’en arriver là. C’est long, ça tend. Moi, j’aimerais me dire qu’il y a peut-être un chemin avec les indépendantistes.
Dans les négociations qu’on a eues, ce qui est paradoxal, c’est que le corps électoral n’est pas le sujet le plus clivant, loin de là. Tu as maintenant une forme de consensus pour les natifs, les conjoints, les parents d’enfants nés ici. Reste la personne qui arrive. Combien de temps lui faut-il pour pouvoir voter ? Nous, on est prêts à discuter. On n’a jamais été absents. Mais il faudrait le faire assez vite, avant que les congrès des uns et des autres ne les enferment dans la logique provinciale.
Propos recueillis par Chloé Maingourd et Yann Mainguet