Nicolas Metzdorf : « L’État doit mettre sa vision sur la table »

Les discussions pourront prendre un peu de temps, prévient Nicolas Metzdorf, mais il insiste sur la détermination des non-indépendantistes à défendre leurs positions jusqu’au bout. / © Archives C.M.

De retour de la séquence parisienne, les représentants des Loyalistes et du Rassemblement LR tiennent des réunions publiques communes de restitution. L’occasion d’évoquer plus en détail les discussions sur l’avenir institutionnel et les attentes pour les prochains mois. Entretien avec le député Nicolas Metzdorf.

DNC : Vous évoquez, lors des réunions, un rapport de force entre les trois  partenaires. Quel est-il ?

Nicolas Metzdorf : Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on entre dans la phase de négociation. Il y a effectivement un rapport de force, des postures, du bluff aussi. En ce qui concerne les indépendantistes, on ne sait pas si c’est à cause de partitions, du manque de mandat de leurs bases ou d’une stratégie d’enlisement qu’ils ne proposent rien. À la limite, on n’a pas à le savoir, on le constate donc on doit faire avec cette donne.

Nous disons à l’État qu’il faut qu’il sorte de sa position d’arbitre et d’animateur de compromis et qu’il soit plus proactif sur le futur statut de la Nouvelle-Calédonie.

On a rappelé que la Nouvelle-Calédonie est un territoire français, que notre État, c’est l’État français, et qu’à ce titre, il se doit d’avoir une vision pour ce territoire. Il faut aussi savoir mettre cette vision sur la table. Ils seront peut-être critiqués par une partie ou les deux parties, mais personne ne leur reprochera, au vu de la situation, d’être force de proposition.

Est-ce qu’on pourrait voir l’État se positionner prochainement ?

Je pense qu’il n’y a pas le choix. On verra comment Gérald Darmanin envisage les choses. Il a évoqué le fait qu’il fallait peut- être changer de stratégie, ou en tout cas de braquet.

Après, je ne sais pas jusqu’où l’État va aller sur les différentes problématiques, mais a-t-on le choix devant des indépendantistes qui ne bougent pas ? Des loyalistes dont le projet n’est pas écouté juste parce qu’ils sont loyalistes ? Et j’ai cru comprendre que les indépendantistes étaient aussi demandeurs que l’État fasse des propositions.

Peut-être pour mieux les critiquer après, mais quoi qu’il en soit, ça me semble la seule solution pour que les choses se débloquent. On a demandé, c’est de rajouter un troisième point dans la négociation : les conséquences des référendums

Comment voyez-vous les indépendantistes évoluer ?

Il semble que Gérald Darmanin ait conditionné sa venue en juin à la tenue de trilatérales, donc comme les indépendantistes ont dit qu’ils participeraient à cette visite, on peut en déduire qu’ils seront présents.

On a demandé de rajouter un troisième point dans la négociation : les conséquences des référendums.

 

 

Comment voyez-vous les choses évoluer sur le corps électoral et le droit à l’autodétermination ?

On dit une chose très simple. L’autodétermination n’est pas une demande de notre part, c’est une demande des indépendantistes. Et le dégel du corps électoral n’est pas une demande loyaliste, c’est quelque chose qui est normal.

Nous, ce qu’on a demandé, c’est de rajouter un troisième point dans la négociation : les conséquences des référendums, parce qu’il y a quelque chose qui s’oppose au discours de la trajectoire de l’Accord de Nouméa posée par les indépendantistes. Ils parlent de trajectoire vers la pleine souveraineté, nous on y oppose les résultats des trois référendums.

À un moment donné, on veut aussi que soient déclinées et traduites en termes de politiques publiques, ces victoires. Cela veut dire quoi ? Un ancrage plus fort de la France en Nouvelle-Calédonie sur le plan militaire, diplomatique, économique et industriel.

Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans l’autodétermination et le corps électoral. Ce sont deux sujets éminemment importants, indispensables à la réussite d’un nouvel accord, mais il ne peut pas y avoir que cela.

Qu’avez-vous dit au ministre sur les questions militaires ?

C’est le sujet de la base arrière. Est-ce qu’on peut accueillir plus de bateaux ? Est-ce qu’on peut agrandir la base de Tontouta pour que les rafales puissent y stationner beaucoup plus régulièrement ? C’est aussi la question du renforcement des effectifs, d’une forme de service national.

Vous dites aussi que l’on entre dans la phase concrète de l’Indo-Pacifique et qu’il faut en profiter…

Cette stratégie prend de plus en plus d’ampleur. Je siège à la mission des Affaires étrangères et je le constate tous les jours.

Avant, on parlait beaucoup d’Afrique. La politique étrangère de la France était ainsi. Et aujourd’hui l’Indo-Pacifique s’invite dans toutes les réunions, les commissions.

On sent que c’est le nouveau centre névralgique stratégique et diplomatique du monde, et je pense qu’il faut qu’on se positionne pour en tirer parti.

Avant, on parlait beaucoup d’Afrique. Aujourd’hui l’Indo-Pacifique s’invite dans toutes les réunions, les commissions.

 

Le changement climatique a aussi été évoqué…

Ce sujet serait traité dans un deuxième temps. Il s’agit de regarder la question des compétences. Je considère aujourd’hui que c’est une compétence qu’on doit créer et qui doit être pour la Nouvelle-Calédonie dans les mains de l’État.

Parce qu’on n’a pas les moyens financiers, techniques et logistiques pour faire face à des phénomènes climatiques de grosse ampleur, des précipitations et des sécheresses extrêmes.

C’est un phénomène mondial et il y n’y a qu’un État fort, une nation qui peut nous aider. Face à cinq ans de Niña ou 10 ans de Niño, la Nouvelle-Calédonie n’aura pas les armes pour lutter.

En matière économique, l’État s’est-il engagé à faire un effort particulier au moment de la signature d’un accord politique ?

On ne peut pas avoir qu’un accord politique. C’est ce que Les Loyalistes portent depuis le début. Il faut aussi un accord de relance économique pour réamorcer la machine politique. Et l’État nous dit : « On pourrait traiter la question, encore faut-il qu’il y ait un accord politique ». Ils nous renvoient à nos responsabilités.

En tant que député de la deuxième circonscription, comment réagissez-vous à l’annonce de la fermeture de la mine de Poum ?

À Poum, il y a la pêche et lamine, et d’abord la mine. Quand une mine ferme dans le Nord, des centaines de familles, des milliers de gens sont impactés. C’est une véritable bombe sociale à l’échelle de la région de l’extrême Nord. Et tout cela parce que les relations sont extrêmement mauvaises entre la province Nord et la SLN.

La province Nord parce qu’elle a, pour des raisons politiques, une dent contre la SLN et l’envie de récupérer ses massifs, et la SLN parce qu’apparemment sur Poum, elle n’a pas respecté toutes les réglementations environnementales et industrielles prévues par la province.

Craignez-vous de nouvelles fermetures ?

La crainte c’est que la relation entre la SLN et la province Nord continue de se détériorer. Ça pose quand même un grave souci. Il y a la question de la stratégie d’Eramet en Nouvelle-Calédonie d’accord, la question de la stratégie de Paul Néaoutyine en Nouvelle- Calédonie d’accord.

Mais alors que tout cela n’est pas réglé, il y a des outils qui doivent fonctionner parce que c’est le cœur de l’activité économique calédonienne, notamment en Brousse et encore plus dans le Nord. Au milieu il y a des gens, des familles qui ont besoin d’envoyer les gosses à l’école et de payer les factures.

C’est important qu’on aille vite sur le plan politique aussi pour toutes ces raisons ? Depuis le début, on a envie de sortir de tout cela rapidement parce que la Nouvelle- Calédonie a vécu trois référendums en quatre ans, deux ans de restrictions anti-Covid…

On a connu quand même une Nouvelle- Calédonie plus attractive et plus dynamique. On a perdu 18 000 personnes en solde, 28 000 sont parties, d’autres sont arrivées. L’idée, c’est quand même de retrouver les jours heureux.

Propos recueillis par Chloé Maingourd