Néobus : « Pour changer les habitudes, il faut un saut qualitatif »

Interview – Marc Zeisel, président du SMTU 

 

Le rapport de la commissaire enquêtrice sera rendu d’ici une dizaine de jours, nous avons voulu revenir sur les différentes questions posées au cours de l’enquête publique sur le projet Néobus. Coût, restructuration du réseau, le président du SMTU, également adjoint au maire de Nouméa en charge des transports, Marc Zeisel, nous livre ses éléments de réponse. 

DNC : Lors de l’enquête et des réunions publiques, de nombreux citoyens ont signalé des problèmes de chiffres. Ils seraient différents des études, notamment ceux qui concernent les prévisions de l’évolution démographique. 

Marc Zeisel : Nos chiffres sont issus du schéma de cohérence de l’agglomération nouméenne et en phase avec le recensement de 2014. Ils sont à la base de nos calculs et notamment sur l’estimation de fréquentation à l’échéance de la mise en service qui est aux alentours de 2020 et bien sur la base d’une population de 200 000 personnes, à comparer avec les 180 000 de 2014. Nous avons par ailleurs pu disposer d’outils assez riches dont deux enquêtes ménages du Syndicat intercommunal du Grand Nouméa (Sign), une enquête ménage-logement et une enquête ménage-déplacement de l’année dernière et cette année. Nous avons donc des éléments vraiment à jour de ce point de vue.

DNC : Le coût du projet, 20 milliards pour la première tranche, a souvent été pointé du doigt, y compris par certains élus du Congrès lors du vote de l’augmentation de la taxe sur les carburants permettant de le financer. Comment justifiez-vous un tel coût ?

Marc Zeisel : C’est vrai, mais pour ce qui est du Congrès, les élus ont voté le projet à l’unanimité moins une voix. Sur ce questionnement, les 1 000 pages du dossier y répondent sur la base d’une évaluation du bénéfice économique que représente cet investissement. Des bénéfices en termes de temps de trajets, de bénéfices sur l’environnement, au niveau de l’aménagement public… Ce projet ne sort pas d’un chapeau, mais peut toujours être sujet à discussions ou polémiques car ce sont des évaluations. Si l’on veut bien élargir un tout petit peu son champ de vision, c’est l’évolution que l’on constate dans toutes les métropoles, à commencer par l’Australie. Dans les trois grandes agglomérations, vous avez des systèmes de TCSP.

Vous avez un des plus grands réseaux de tramway au monde à Melbourne et, au moment où je vous parle, la Nouvelle-Galles du Sud est en train d’ouvrir au marteau-piqueur George Street, l’axe principal de Sydney pour construire un tramway de 12 km. Les mots qu’utilisent les responsables du projet sont exactement les mêmes : croissance démographique, gestion de la congestion, rénovation de l’espace public.

DNC : Vous prenez des exemples où les échelles sont très différentes.

Marc Zeisel : Si l’on va en métropole, presque toutes les agglomérations de notre taille sont équipées d’un tel système. Pourquoi cette profusion de projets ? Parce qu’ils cherchent tous à répondre à la même question. Le PDAN* préconisait la mise en place d’un transport en commun en site propre. Pourquoi ? Pour protéger le transport public de la congestion automobile. C’est bien ça le but du TCSP. Tant qu’on le laisse dans le trafic général, il est soumis aux mêmes contraintes en termes de fréquence et de régularité… Et puis on cherche à répondre à des questions qui se posent en partie maintenant, mais qui se poseront surtout demain. Il y a également d’autres aspects qui sont très importants. L’aspect social est énorme. Aujourd’hui, on parle du coût et du financement du projet. Mais il faut aussi regarder la part qu’occupe le transport dans le budget des ménages. Les enquêtes montrent qu’elle est de 19 %, ce qui est bien supérieur aux chiffres australiens ou métropolitains. Et la raison est que l’alternative en termes de transport public n’est pas satisfaisante. Offrir un système de transport moderne qui permet de rejoindre tous les points de l’agglomération sans voiture, c’est un élément de politique sociale énorme.

DNC : Il n’en reste pas moins que le projet ne sera mis en place que dans quatre ans, ce qui est relativement long.

Marc Zeisel : Quatre ans, c’est long, mais si l’on ne le fait pas maintenant, ce sera encore plus long et on nous le reprochera plus tard. Il y a un troisième aspect non négligeable lorsque l’on intervient comme cela de façade à façade. C’est la requalification de l’espace public. Cet investissement qualitatif sur l’ensemble du trajet bénéficie de deux manières aux entreprises. Tout d’abord parce que l’on génère de l’activité dans un environnement économique assez dégradé. Les entreprises de travaux publics avec lesquelles nous avons récemment fait une réunion d’information étaient très nombreuses et ont une attente très forte car elles sont dans une situation délicate. Au-delà de ça, il y a aussi un bénéfice d’attractivité et de valorisation commerciale pour la partie qui sera le long du trajet. Cela fait quand même beaucoup d’avantages.

DNC : Le tracé du Néobus s’étire du côté ouest de la ville et ne couvre donc pas le côté est où se trouvent d’importants bassins de population comme Magenta. Il s’arrête aussi au Médipôle sans aller vers le Mont-Dore ou Païta dont le maire a fait part de son mécontentement.

Marc Zeisel : Le Médipôle va ouvrir dans un an. C’est un investissement majeur du territoire où, malheureusement, nous serons tous obligés d’aller. Le directeur du Médipôle attend ce projet avec impatience, pour ses employés, les patients et même les fournisseurs. Ne pas avoir de système de transport efficace générerait des risques de congestion. Pour le reste, je tiens à préciser que le projet que j’ai trouvé sur la table quand je suis arrivé était un projet plus grand, à 25 km, qui faisait se rejoindre la place Bir-Hakeim au Médipôle d’un côté et qui allait jusqu’au lycée du Mont-Dore de l’autre, avec un traitement particulier pour la presqu’île de Ducos. Ce projet, il est toujours sur la table. Pour des raisons techniques et financières, nous avons décidé, collectivement, qu’il fallait le phaser dans le temps. D’ici sa mise en place, en dehors du projet, des travaux d’aménagement de voirie seront faits. Mais honnêtement, cela ne transformera pas les temps de trajets. De gros bassins de population ne se trouvent pas sur la ligne. Magenta, Saint-Quentin. Quand on va rentrer dans le détail, on mettra en place des services express qui doubleront le réseau sur cette partie est. Nous allons optimiser le réseau au maximum mais nous ne pourrons que partiellement créer des voies dédiées.

DNC : On reproche aussi à Néobus de vouloir aller trop vite, d’être démesuré par rapport aux habitudes des Calédoniens en matière de transport public. 

Marc Zeisel : Le problème est double. Il y a la question de la congestion dont j’ai déjà parlé. La seconde est si l’on veut inciter des habitants du Grand Nouméa à changer leurs habitudes, il faut un saut qualitatif, notamment sur le problème fondamental : la régularité du service offert. C’est le cœur et la clef du problème qui fera que certains individus passeront d’un système à un autre. D’où la recommandation du PDAN de mettre en place un BHNS (bus à haut niveau de service). Le problème de la croissance démographique, c’est la croissance du parc automobile sur des routes limitées. C’est presque un problème de plomberie. Sans cette structure en site propre alors on ne peut pas offrir cette qualité de service.

*plan de déplacement de l’agglomération nouméenne.

M.D 

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Pas moins cher, mais de meilleure qualité

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Il est encore difficile de se faire une idée sur le prix du ticket qui sera disponible d’ici quatre ans. Plus Il est encore difficile de se faire une idée sur le prix du ticket qui sera disponible d’ici quatre ans. Plus proche nous, le président du SMTU annonce qu’il n’y aura pas d’augmentation des prix en 2016 et même mieux, les usagers de Carsud bénéficieront d’une légère diminution avec un réaménagement des lignes. Les zones de ce réseau vont être revues ce qui conduira à une baisse du prix pour les zones les plus éloignées, sur Païta et le Mont-Dore. Une baisse qui va concerner 10 % des usagers. Mais sans présumer du futur prix du billet, on sait déjà que la part du billet prise en charge par la collectivité devrait augmenter.
Aujourd’hui, l’usager paye réellement environ 60 % du prix de son billet, les 40 %restant sont supportés par la collectivité via des subventions des opérateurs. Avec l’arrivée de Néobus, le rapport devrait s’inverser. Il dépendra en grande partie des marchés qui seront passés dans les années à venir. Les contrats de délégation de service public qui lient Carsud et Karuïa à la ville de Nouméa arrivent à échéance en 2016 pour le premier et 2017 pour le second. Elément important qui sera négocié dans ces deux contrats : l’interopérabilité, c’est-à-dire une coopération plus étroite entre les opérateurs, qui offrira la possibilité de mettre en place un ticket unique utilisable sur les différents réseaux et dont la validité sera limitée dans le temps (pendant une heure ou une heure et demie par exemple). Le billet unique sera la source d’économie pour les voyageurs. Selon Marc Zeisel, si le prix du billet augmente, il n’atteindra probablement pas le prix de deux billets. Rassurant vis-à-vis des transporteurs, le président assure que la mise en place de Néobus constituera un appel d’air et générera pour eux davantage d’activités.

Jusqu’à présent, l’existence de deux contrats de délégation de service public empêchait la mise en place de ce billet unique. Si les deux opérateurs disposaient d’un même matériel offrant la possibilité technique, les compensations financières aux deux opérateurs auraient été trop importantes pour la collectivité.

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Les navettes maritimes

Le projet de navette maritime est en cours de lancement. Les travaux du quai sont en train de démarrer au Mont-Dore, il reste encore toutefois un certain nombre de détails à régler. Un partenaire privé a avancé un projet qu’il convient de discuter. L’opération pourrait être lancée rapidement. Au moins une gare devrait être créée sur Nouméa et c’est d’ailleurs l’un des sujets de négociation…