Ne pas relâcher la vigilance

Avec 16 cas de Covid-19, la Nouvelle-Calédonie retient son souffle : la poussée de l’épidémie n’est pas encore vérifiée. Mais le danger est loin d’être écarté et arrive, notamment, l’épreuve du rapatriement des 1 705 résidents bloqués à l’étranger qui débute ce vendredi. Les autorités appellent les Calédoniens à maintenir la vigilance. Le confinement pourrait être prolongé. Une annonce sera faite sur le sujet en fin de semaine.

Le ton solennel, Thierry Santa, président du gouvernement, s’est adressé aux Calédoniens, lundi. Il a redit la chance qu’avait eue la Nouvelle-Calédonie d’avoir été touchée après les autres, d’avoir pu anticiper l’arrivée du virus et imposer des mesures drastiques assez tôt : la suspension des vols aux premiers cas positifs, le confinement au premier cas autochtone.

La relativement faible expansion des cas, a-t-il poursuivi, pourrait laisser penser que la stratégie déployée jusqu’ici a été efficace. Sauf que les éléments ne sont « pas encore significatifs », a-t-il prévenu, avant d’implorer les Calédoniens à respecter, « plus que jamais », les mesures de confinement généralisé et les gestes barrières.

Un message repris mardi, puis mercredi par le porte-parole de l’exécutif, Christopher Gyges, qui s’est inquiété d’un relâchement de l’attention et de voir les règles prises avec « trop de légèreté ». « Certes, ces résultats nous font plaisir, mais la bataille ne fait que commencer ! », a-t-il alerté. Les forces de l’ordre ont pour consigne de sanctionner lourdement les contrevenants.

Mardi, après quatre jours sans mauvaise nouvelle, le seizième cas a été enregistré. Il s’agit d’une personne qui était en isolement au centre de quatorzaine de Koutio où sont placées les personnes « contact » et donc les plus à risque d’avoir contracté le virus, en particulier auprès des cas importés. Aux dernières nouvelles, le territoire ne comptait qu’un cas autochtone, sans lien avec l’extérieur, tous les autres ayant à l’origine des voyageurs.

Premiers rapatriements

Et des voyageurs justement, nous en attendons encore. Les autorités sont parvenues à recenser 1 705 Calédoniens désireux de rentrer au pays. Ils se trouvent principalement en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Métropole, mais aussi en Polynésie française, au Japon, en Thaïlande…

Le plan de rapatriement, mis en œuvre par les institutions et Aircalin, débutera ce vendredi avec des liaisons au départ de Tokyo (60 personnes) et de Sydney (130 personnes). Durant les deux prochaines semaines, d’autres vols seront organisés dans les pays de la région (Fidji, Polynésie française…). Il restait, à l’heure où nous bouclions cette édition, un point d’interrogation sur la Nouvelle-Zélande qui avait bloqué tous ses vols, y compris de rapatriement, jusqu’au 31 mars.

Les personnes qui sont en Métropole vont devoir patienter. Les premiers vols depuis Paris ne seront organisés qu’à partir du 14 avril, les services sanitaires ayant préconisé le passage du pic de l’épidémie dans l’Hexagone. En attendant, les personnes concernées sont invitées à se rapprocher de la Maison de la Nouvelle-Calédonie. Les  aides de la province Sud ont commencé à être versées. À noter que les Métropolitains bloqués à Fidji et au Vanuatu vont pouvoir bénéficier de cette opération et transiter par la Nouvelle- Calédonie.

Dans tous les cas, la priorité sera donnée aux personnes ayant des problèmes médicaux, au personnel médical, aux personnes ayant des difficultés financières avancées, puis aux familles avec enfants.

Ce rapatriement, a promis Thierry Santa, ne se fera pas au détriment de la sécurité sanitaire de tous les Calédoniens. Il ne s’agit pas de « rajouter des problèmes au problème », a acquiescé Gilbert Tyuienon, vice-président du gouvernement, en charge des transports.

Les voyages seront organisés selon un protocole sanitaire inédit. Les personnes seront contrôlées avant, pendant et après leur voyage. Elles seront équipées de masques, placées à distance à bord des avions (les capacités ont donc été divisées par deux) et accompagnées par des médecins, du début à la fin. À leur arrivée, elles seront dirigées soit vers le Médipôle en cas de symptômes pour être testées, soit vers les hôtels, soit à domicile pour celles qui peuvent y être totalement isolées, selon les règles déjà établies pour leurs prédécesseurs.

Le placement en hôtel sera privilégié, a précisé Christopher Gyges. On le comprend puisque la police nationale a notamment fait état de 17 verbalisations pour non-respect des dispositions de quatorzaine à domicile depuis lundi. Parmi la première vague de 951 personnes placées dans les hôtels, 735 ont pu regagner leur domicile pour y poursuivre leur quatorzaine. Les chambres et l’aéroport sont systématiquement désinfectés à chaque passage.

Discussions préalables

Le principe de ce plan n’a pas été facile à faire accepter par tous et on peut le comprendre : la Nouvelle-Calédonie est pour l’instant relativement épargnée et 15 de ses 16 cas sont des voyageurs.

Il a nécessité des discussions entre les différentes sensibilités du gouvernement, l’ensemble des groupes politiques au Congrès, le Sénat coutumier, la grande chefferie de Païta, où se trouve l’aéroport de Tontouta. Et finalement, les préconisations des autorités sanitaires ont été étudiées et acceptées.

Les sénateurs, réticents au rapatriement, ont reconsidéré leur position. « Nous avons conclu que nous ne pouvions laisser des personnes à l’extérieur, à l’heure où les pays ferment leurs frontières et leurs hôtels, a déclaré le président du Sénat coutumier, Hippolyte Wakewi Sinewami-Htamumu. Ces personnes risquent d’être à la rue. C’est un problème sanitaire et humanitaire. »

Marcel Païta, représentant la grande chefferie, a précisé que celle-ci, avait revu son positionnement pour le bénéfice des familles dans le besoin qui connaissent, pour certaines, de graves difficultés. Il a demandé aux jeunes de respecter cette décision et aux populations de ne pas s’inquiéter.

Le Sénat coutumier demande, en revanche, un confinement total, une fois ces rapatriements effectués, et soutient la mise en œuvre de barrages « pour que le virus ne rentre pas dans nos tribus ».

Roch Wamytan, président du Congrès, Didier Poidyaliwane, membre du gouvernement en charge des relations coutumières, Gilbert Tyuienon, vice-président du gouvernement, en charge des transports, et le président du Sénat coutumier, Hippolyte Wakewi Sinewami-Htamumu.

Dépistage élargi

En attendant, le gouvernement tente d’avoir une meilleure idée de la circulation du virus sur le territoire. Il poursuit donc sa stratégie de dépistage élargie des personnes symptomatiques, instaurée le 25 mars. Plus d’une centaine de tests sont effectués chaque jour.

Toutes les personnes présentant une toux, de la fièvre, des difficultés respiratoires sont désormais invitées à contacter leur médecin pour savoir si elles peuvent prétendre au protocole de dépistage. En fonction de la nature des symptômes, le médecin peut les orienter avec une ordonnance vers un des centres de dépistage (Médipôle, Koné, Poindimié et Koumac). Dans le Nord, par précaution, les patients en attente de résultats sont hébergés dans des chambres d’hôtel réquisitionnées, comme dans le Sud. Sur prescription médicale, les personnes des îles Loyauté peuvent également faire l’objet d’un prélèvement dans les centres médicaux sociaux, prélèvement qui sera envoyé au Médipôle pour analyses. Tous les patients positifs sont envoyés au Médipôle.

Pour l’instant, près de 1 500 tests ont été effectués en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et- Futuna. Les moyens actuels et à venir depuis le début de la crise (15 000 tests en commande) permettent, pour l’instant, de maintenir cette stratégie.

Dans le monde médical, notamment libéral, le manque de protection est, en revanche, toujours problématique. Deux millions de masques doivent arriver à la demande du gouvernement et de la province Sud. La province Nord a passé une commande de 500 000 masques et de cinq respirateurs supplémentaires.

Une protection défaillante pourrait, en effet, conduire à de nouvelles contaminations. Quel que soit le sort que nous réservent ces prochains jours, l’objectif ultime est, comme ailleurs, de faire en sorte que notre système de santé puisse absorber le nombre de malades et préserver des vies.


Poursuite du confinement ?

Le président du gouvernement et le haut- commissaire réunissent ce jeudi le Conseil scientifique rattaché à la présidence et la Direction des affaires sanitaires pour voir si le confinement doit être prolongé ou non et si oui, pour combien de temps. On peut s’attendre à une annonce en fin de semaine.


Le CHT « en ordre de marche »

©T.Santa 

Thierry Santa a insisté, lundi, sur la bonne préparation du Médipôle pour une éventuelle montée en puissance. « Le CHT est bien en ordre de marche », a-t-il commenté au terme d’une visite de terrain à Koutio. L’hôpital accueille les 16 cas de coronavirus dont un, on l’a appris, est placé en réanimation dans un état stable.

L’établissement avait fait état de ses moyens, le 22 mars : 28 lits dédiés au Covid-19 avec une possibilité de monter à plus de 100 lits avec l’aide d’autres services, 20 lits en réanimation pour les cas les plus graves avec la possibilité de monter à une cinquantaine. Pourraient s’ajouter une dizaine de lits à la clinique Kuindo-Magnin et dans les autres établissements de santé, notamment au centre hospitalier du Nord, à Koné.

Le président du gouvernement a confirmé que l’hydroxychloroquine avait été intégrée dans l’arsenal des médecins du CHT. « Mais ce n’est pas la panacée », a-t-il tempéré indiquant, par exemple, que le patient en réanimation en avait bénéficié dès le début de son traitement…


Une plateforme d’écoute pour les professionnels et les malades

Une plateforme téléphonique d’écoute psychologique a été mise à disposition du personnel soignant ainsi qu’aux personnes atteintes du Covid-19 et leurs familles. Elle est joignable au 05 01 11 tous les jours, de 9 h à 21 h. Une convention a été signée entre le CHT, le CHS, le gouvernement et la province Sud. La structure rassemble des psychologues provinciaux, du CHS, de la Sécurité civile…