Moins de pression fiscale pour les classes moyennes

Discuté depuis des années, l’allégement de l’impôt sur le revenu des classes moyennes devrait se concrétiser en 2017 si le Congrès le valide prochainement. Le gouvernement propose une baisse de l’impôt pour 89 % des foyers imposables. Le plafonnement du quotient familial permet de reporter l’effort des classes moyennes sur les foyers les plus aisés en offrant des allégements pouvant aller jusqu’à 60 %.

L es idées et les déconvenues n’auront pas manqué dans le dossier de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP). Depuis plusieurs années, il existe une volonté politique de tous bords de réduire la pression fiscale sur les classes moyennes. Après plusieurs propositions, abandonnées les une après les autres, il semble qu’un équilibre ait pu être trouvé. Reste toutefois au Congrès à valider la proposition du gouvernement dans un délai assez court, l’idée étant que la réforme puisse devenir effective dès l’année 2017 (pour les revenus 2016).

En cette période de ralentissement économique, l’enjeu est de taille. Il consiste à réinjecter dans l’économie – via la consommation – plus d’un milliard de francs chaque année. Sur le plan théorique, lorsque l’on augmente les revenus des catégories sociales les moins favorisées, on considère que ces surplus seront intégralement réinjectés dans l’économie. Une théorie validée qui s’applique également aux classes moyennes même si ces catégories ont tendance à épargner davantage. Mais si l’enjeu est si important, c’est parce que ce sont proportionnellement les classes moyennes qui sont les plus sollicitées dans le paiement de l’impôt sur le revenu. La classe moyenne représente 63 % des contributeurs qui payent en moyenne un impôt de 88 000 francs.

Un allégement pouvant aller jusqu’à 60 %

Des centaines de simulations informatiques auront été nécessaires pour mettre au point cette réforme. Concrètement, le gouvernement a décidé de plafonner la réduction d’impôt procurée par le quotient familial (un enfant correspond à une demi-part supplémentaire) afin de toucher les ménages les plus aisés sans pénaliser les autres. Les agents de la direction des services fiscaux se sont aperçus qu’en plafonnant l’avantage fiscal du quotient familial à 300 000 francs, seuls les plus riches étaient touchés. Les recettes supplémentaires pour les impôts seront de l’ordre de 1,3 milliard de francs.

La réduction d’impôt vient dans un second temps avec une réduction pour tout le monde de 25 000 francs pour l’ensemble des ménages imposés. En moyenne, le gain pour les classes moyennes est de 25 % mais il peut atteindre 60 % pour la tranche de revenu comprise entre 150 000 et 200 000 francs. Cet allégement est compensé par l’augmentation des impôts pour les ménages ayant des revenus mensuels supérieurs à 500 000 francs. Cette partie des contribuables représente 3 885 ménages. Elle verra ses impôts augmenter de 8 % en moyenne. Cette réduction aura pour conséquences de faire basculer 7 000 foyers imposés dans la catégorie non imposable. Pour limiter ce nombre et faire en sorte que l’impôt ne soit pas supporté par une petite partie de la population. Le seuil de 10 000 francs à partir duquel les Calédoniens payaient jusqu’à présent l’impôt sera ramené à 5 000 francs, permettant ainsi de diviser par deux le nombre de ménages devenant non imposables. Ceux qui auront un avis d’imposition supérieur ou égal à 5 000 francs devront s’acquitter de l’impôt.

Si ce sont donc les plus aisés qui assumeront l’allégement de l’impôt pour les classes moyennes, un deuxième volet de la réforme leur donnera la possibilité d’alléger leur note. La réforme du gouvernement prévoit une augmentation des plafonds de certaines niches fiscales ainsi que la création de nouvelles. Le plafond de la déduction des frais de garde devrait par exemple passer de 500 000 francs à 1 000 000 de francs par an. Une augmentation bienvenue pour les familles aisées qui sont proportionnellement davantage touchées que les personnes seules puisque la réforme vise précisément à réduire l’avantage du quotient familial.

Une réforme en deux temps

La réforme introduit également un avantage fiscal « vert », en écho à l’adoption récente par le Congrès du schéma pour la transition énergétique. Chauffe-eau solaire, travaux d’assainissement et, nouveauté, les biens d’équipement performant pour la résidence principale seront déductibles d’impôts. Les travaux d’adaptation des logements pour les personnes handicapées et dépendantes donneront également droit à une exonération fiscale. Petite originalité, les locataires sont aussi concernés par la mesure dans une limite d’un million de francs.

Afin de soutenir l’emploi et l’investissement, le plafond des charges de personnel de maison passe de 1,32 million de francs à 1,835 million de francs, une niche qui concernera désormais aussi les auxiliaires de vie agréées. La réduction d’impôt du mécénat progressera de 60 à 75 %. Une pension alimentaire sera déductible, y compris lorsque l’on est en garde alternée. La durée pendant laquelle la déduction des intérêts d’emprunt sur Nouméa sera portée de 10 à 20 ans et, pour Dumbéa, le Mont-Dore et Païta, le plafond sera ramené à celui de Nouméa (500 000 francs alors qu’il est actuellement sans plafond). Le projet du gouvernement touche aussi la niche fiscale sur logement intermédiaire. Cette incitation fiscale qui coûte relativement chère (200 millions de francs de recettes fiscales en moins la première année, un milliard la deuxième et deux milliards la troisième) sera plafonnée pour éviter que des foyers ne parviennent à effacer complètement l’impôt au travers de cette niche.

Si le premier volet de la réforme génère un gain « garanti », le second volet permettra d’aller plus loin dans l’allégement et le soutien à l’économie de façon plus aléatoire. Les aménagements des niches fiscales ne produiront d’effets qu’à la condition que les ménages s’en servent.


19,7

C’est le montant, en milliards de francs, du rendement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. La réforme n’aura pas de conséquence sur ce montant. Avant 64 077 foyers avaient un impôt supérieur à 0 franc, après, ils ne seront plus que 51 263.


Le quotient familial, c’est quoi ?

Le quotient familial a été adopté en métropole en 1945. L’idée est d’adapter le montant de l’impôt aux capacités des contribuables en estimant que cette capacité est moindre lorsque l’on a des enfants. Il revient à diviser le revenu par le nombre de personnes vivant dans le foyer et tient compte de caractéristiques particulières comme l’âge des enfants ou encore un handicap. Ce système n’est plus vraiment utilisé aujourd’hui, en dehors de la France, du Portugal et du Luxembourg. Il permet de tenir compte d’autres éléments que le simple revenu et sert donc d’ajustement. Un dispositif pas forcément inutile en Nouvelle-Calédonie où les écarts de revenus sont importants, trois fois plus qu’en France. La question de justice sociale était donc au cœur de la réforme décidée à l’occasion des accords économiques, sociaux et fiscaux.