À une semaine de la visite ministérielle programmée les 24 et 25 novembre, la mouvance indépendantiste apparaît divisée. Si l’objectif d’accession à la pleine souveraineté est partagé, les moyens d’y parvenir sont différents.
Deux sons de cloche résonnent à l’intérieur de la paroisse indépendantiste. ils révèlent les lignes de fissure dans l’unité du FLNKS, affichée depuis le congrès de l’Anse-Vata en février 2023. Au sortir de leur congrès respectif, chacun des partis campe sur ses positions.
Réunie à l’Île des Pins, l’Union calédonienne (UC) reste à l’écart des discussions en cours. Le plus vieux parti du territoire ne reviendra pas à la table des négociations pour la visite du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer prévue les 24 et 25 novembre. « On va aller parler de quoi ?, interroge son vice-président, Gilbert Tyuienon. Dès le préambule [du document martyr], nous considérons que nous sommes en dehors de la trajectoire arrêtée par le 41e congrès du FLNKS. La troisième consultation n’est pas valable. Le maintien au sein de la République n’est pas notre trajectoire. » Le texte de l’État, peu importe sa version, reste « irrecevable », martèle Daniel Goa, président de l’UC. « Il n’est pas une base de discussion. Il n’est pas une base de négociation. » Les discussions ne pourraient reprendre que sous « une médiation internationale » et la question des « contentieux coloniaux » posée.
PAROLE CONTRE PAROLE
Cette ligne dure, l’UC tente de l’accommoder avec la « voie du dialogue » qu’il continue malgré tout de revendiquer. « La voie du dialogue n’a pas été arrêtée, bien au contraire, maintient Gilbert Tyuienon. Notre congrès l’a confirmée, en bilatérale avec l’État, mais aussi avec les Calédoniens qui veulent l’unité et le progrès du pays. » À condition qu’il n’y ait aucun recul sur les acquis de l’Accord de Nouméa, le droit à l’autodétermination, le corps électoral, l’inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires à décoloniser ou, encore, l’irréversibilité des transferts de compétences.
Des revendications partagées par l’Union progressiste mélanésienne (UPM) qui défend pourtant la poursuite des discussions. « Nous avons estimé, nous à l’UNI, que nous allons jusqu’au bout des discussions. Respectons la parole donnée, insiste Victor Tutugoro, président de l’UPM. On ne peut pas négocier autour d’une table vide. »
Le Palika est sur la même ligne, conformément, dit-il, aux engagements du dernier congrès du FLNKS. Les deux composantes de l’UNI (Union nationale pour l’indépendance) conservent leur volonté d’accéder à la pleine souveraineté en partenariat avec la France. Elles chercheront néanmoins à trouver un accord « transitoire », insistent-elles, avec les non-indépendantistes et l’État. Des premiers échanges ont eu lieu autour du document martyr au haut-commissariat. « Il n’y a pas encore d’accord. Les uns et les autres ont manifesté un état d’esprit positif. Cet état d’esprit nous fait espérer un meilleur vivre-ensemble », souligne Victor Tutugoro au nom de l’UPM qui milite pour un projet d’avenir rassemblant « tous les Calédoniens ».
RETOUR AUX SOURCES
Est-ce la fin du FLNKS ? Le bloc indépendantiste a en tout cas pris un coup. Certaines de ses composantes ont l’air de prendre un peu leurs distances. « Le FLNKS est la maison commune qui nous rassemble tous. Des gens cherchent à l’instrumentaliser. Si on ne peut pas s’exprimer au nom du FLNKS, nous nous exprimerons au nom de nos partis », annonce Victor Tutugoro. L’UPM souhaite se recentrer sur elle-même, quitte visiblement à se détacher un temps du front. « Nous avons été trop au service du FLNKS, trop à vouloir s’activer pour l’unité du FLNKS, pour le faire connaître à l’extérieur, au détriment du travail de développement de l’UPM. Nous avons décidé de nous y consacrer davantage, de retourner à nos bases, de recenser nos forces internes, puis de partir chercher les autres composantes de la population », explique-t-il.
Le discours n’est pas vraiment différent du côté de l’UC. Le parti formule un vœu similaire en appelant à « la mobilisation générale à tous les niveaux » pour rassembler ses militants et se restructurer. L’objectif serait autant d’exister sur la scène internationale et régionale, que de s’affirmer au niveau local dans les différentes institutions. Son congrès a carrément « décidé de la refondation » du FLNKS pour l’ouvrir à « toutes les forces de lutte » religieuse, politique, syndicale, etc. « Cela se fera en concertation avec tous, mais il n’y aura plus d’atermoiement », précise Daniel Goa.
Le prochain congrès du FLNKS devrait clarifier les positions. « On a besoin d’un congrès », reconnaît Charles Washetine, porte-parole du Palika, qui ajoute : « Seul le front a vocation à travailler pour la déco- lonisation, c’est l’interlocuteur privilégié de l’État, pas les partis même si l’objectif est le même. » La réunion de toutes les composantes indépendantistes devrait se tenir avant la fin de l’année, mais aucune date n’a pour l’instant été avancée.
Brice Bacquet
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Brice Bacquet