Menacé, le mammifère marin aura ses assises en juillet

La province Sud a décidé de consacrer l’année 2023 au dugong. © E.B.

Parce que la situation est critique mais qu’il y a encore de l’espoir, la province Sud a conçu une feuille de route afin de donner toutes les chances au dugong de vivre encore très longtemps dans les eaux calédoniennes.

En 2003, 2 000 dugongs nageaient dans le lagon. Vingt ans après, moins de 800 individus continuent de brouter les herbiers marins. C’est la douche froide. Cette espèce emblématique du territoire est en danger et il est indispensable de la sauver. C’est pour cette raison que la province Sud a décidé de lui consacrer toute son attention cette année. Des assises du dugong, regroupant tous les acteurs essentiels engagés dans la protection de ce mammifère marin, devraient être organisées au mois de juillet.

« L’idée, c’est de mettre toutes les parties prenantes autour de la table pour définir une politique publique plus efficace et plus forte en matière de préservation », annonce Bastian Morvan, directeur adjoint de la Direction du développement durable et des territoires (DDDT). La préoccupation sur le sort de cet herbivore ne date pas d’hier. Depuis vingt ans déjà, les associations, les ONG, les chercheurs et les collectivités craignent de le voir disparaître. Le Plan d’action dugong*, qui réunit plusieurs partenaires locaux et nationaux, a été créé dans ce sens. « Pour autant, on constate que la population ne cesse de décroître », souligne Bastian Morvan. Une feuille de route, qui se décline en quatre thématiques et neuf actions, a été conçue afin de tenter d’enrayer ce déclin. « Sur la lutte contre le braconnage, on a une intensification des opérations de contrôle qui est prévue. On va essayer d’autres méthodes sur des zones à enjeux », dévoile Laurence Bachet, chargée de la gestion des aires protégées à la DDDT.

VITESSE SUPÉRIEURE

La vache marine n’a peut-être pas fini de révéler tous ses secrets. Améliorer ses connaissances sur l’animal est essentiel si on souhaite lui venir en aide. « On travaillera cette thématique plus en détail avec les acteurs de la recherche. Pour l’instant, on a prévu du comptage en utilisant des drones et la mise en place d’un outil de suivi des échouages. Il existe déjà mais on va le renforcer, le structurer », explique Laurence Bachet. Le 19 mai, un dugong a été retrouvé échoué sur l’île Lebris à La Foa. Onze jours après, son cadavre en décomposition n’avait toujours pas été retiré. La province Sud va sortir un guide spécifique sur les échouages de ce mammifère et sur les autres espèces marines. « Il y aura aussi des formations. C’est prévu pour septembre. » Parce que cette mission ne peut être relevée sans avoir un public un minimum averti, un gros travail de communication et de sensibilisation va être engagé.

Un module « dugong » va être intégré par exemple dans le plan de professionnalisation des acteurs du tourisme. Les forces de l’ordre vont aussi être formées et sensibilisées sur les enjeux de conservation et la reconnaissance de l’espèce. Les supports (vidéos, livrets scolaires, expositions) seront actualisés. Les événements grand public ne sont pas non plus négligés. L’office de tourisme de Bourail à Deva a célébré la journée internationale du dugong, samedi 27 mai. Les équipes de l’aquarium ont animé des ateliers sur place, destinés aux petits comme aux grands. « Un deuxième événement est prévu en septembre dans les réserves marines de Nouméa », informe Laurence Bachet. L’Aquarium des lagons s’est également impliqué en faveur du brouteur. « On a dédié l’ensemble des animations du premier trimestre sur ce sujet pour sensibiliser le plus grand nombre », rappelle Éric Backes, le directeur. Autant d’actions nécessaires afin de faire prospérer une espèce qui, dans certains pays, n’est déjà plus qu’un lointain souvenir.

Edwige Blanchon

* Le Plan d’action dugong réunit les provinces Sud et Nord, le ministère de la Transition écologique et solidaire, l’IRD, l’Office français de la biodiversité (OFB), le WWF, Opération cétacés et l’Aquarium des lagons. Il est animé par l’Agence néo-calédonienne de la biodiversité (ex-CEN).

Où sont-ils ?

Les dugongs fréquentent les eaux de la côte Ouest et de la côte Nord-Est, aux alentours de Nouméa, Bourail, Koumac, Poum et Pouébo. On peut les voir dans les zones peu profondes, à proximité des côtes, des passes et des îlots. À Thio, il n’est pas rare d’en croiser un vers la plage de Moara.

 

Protection

La chasse est totalement interdite en Nouvelle-Calédonie. Elle n’était autorisée que sur dérogation pour des fêtes coutumières en province Nord. Au vu de sa situation critique, aucune dérogation n’a été délivrée depuis 2004. Le dugong est protégé par le Code de l’environnement de la province Sud. Toute atteinte portée à son encontre est passible d’une amende de 1,7 million de francs et de six mois d’emprisonnement ferme.

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