Mauvais temps pour l’agriculture

Comme chaque année, les étals des magasins se vident peu à peu de leurs fruits et légumes locaux entraînant une hausse des prix. La météo est souvent en cause, surtout cette année avec les fortes pluies, mais pas seulement.

La saison des pluies n’est pas vraiment la saison idéale pour l’agriculture. Les excès d’eau se traduisent bien souvent par des pertes de récoltes. Sans même parler des pluies diluviennes de la dépression Lucas, on a pu le voir encore récemment avec des images de melons pourrissant dans les champs. La saison est particulièrement peu propice à la culture des légumes-feuilles, comme les salades. Le mécanisme des prix est relativement simple et obéit à loi du marché : plus les produits sont rares et plus ils sont chers. Les difficultés climatiques saisonnières sont un des facteurs clefs qui permettent d’expliquer ces importantes variations de prix. On est toutefois loin du compte puisque l’Agence rurale, créée en 2018, est en charge de gérer les quotas d’importations pour pallier le manque de production locale. En théorie, ce système devrait donc contenir les variations.

Un système compliqué et des dysfonctionnements

Il faut entrer davantage dans le détail du système pour en comprendre les dysfonctionnements. Il est tout d’abord utile de savoir qu’à partir du moment où il y a une production locale, les grossistes et les distributeurs sont poussés à la privilégier au travers du mécanisme de quotas d’importation. Pour les déterminer, l’Agence rurale dispose de déclarations des agriculteurs concernant leurs prévisions de récolte. C’est là que les choses se compliquent. Si les déclarations ne correspondent pas à la réalité, il existe un risque de pénurie et donc une flambée des prix. Cela a par exemple été le cas au mois de novembre avec l’augmentation du prix des légumes de 12,6 %. « Un gros producteur n’a pas pu planter, explique Richard Nguyen, chargé de mission à l’Agence rurale, et les autres n’ont pas pu compenser le volume manquant. Cela a entraîné une hausse des prix ».

Mais la cause n’est pas toujours involontaire. En effet, certains agriculteurs gonflent leurs prévisions pour créer une situation de pénurie artificielle et vendre plus cher leurs produits, profitant du fait que les distributeurs sont obligés d’acheter la production locale. Ces pratiques douteuses ne concernent pas l’ensemble de la profession, au contraire, mais sont tout de même courantes et parfaitement connues.

Pour essayer de rectifier le tir, les importateurs essayent d’être le plus réactif possible. Entre le moment où l’Agence rurale autorise des importations et où les conteneurs arrivent, il faut toutefois compter quinze jours. C’est ce constat qui a poussé l’Autorité de la concurrence à recommander la suppression des quotas et à concentrer le soutien à l’agriculture à certaines filières stratégiques.

Pas assez de producteurs

À cet abus du système s’ajoute un autre constat qui explique un niveau de prix élevé : le faible nombre de producteurs. Le système repose sur la concurrence afin d’encourager les producteurs à offrir le meilleur prix et la meilleure qualité. Des gros producteurs se retrouvent parfois en monopole ou en oligopole ce qui leur permet de définir le prix du marché et certains préfèrent parfois voir leur production perdue que de baisser leur prix. Une situation qui déconnecte potentiellement les prix des coûts de production qui demeurent la grande inconnue du système. Faute de coopération des professionnels, aujourd’hui, les institutions sont bien incapables de définir les coûts de production moyens des agriculteurs et donc de mettre en œuvre des politiques publiques pour les encourager à améliorer leur compétitivité et la qualité.

Cette problématique du faible nombre d’agriculteurs n’est pas en voie de s’arranger puisque les chiffres montrent une diminution continue et une tendance au vieillissement de la population agricole. Une diminution qui est également un facteur négatif pour les prix dans le sens où moins de producteurs signifie moins de volumes et donc des prix plus élevés.

L’expérimentation de la catégorisation

L’interprofession fruits et légumes, en partenariat avec une dizaine de distributeurs, a expérimenté la catégorisation des fruits et légumes en 2018. L’idée était de proposer des prix différents en fonction de la qualité des fruits et légumes. Étaient notamment concernés les tomates, les concombres ou encore les ananas. L’expérience a été jugée plutôt positive, mais n’a pas été reconduite. Elle permet pourtant d’accéder à des fruits et légumes à moindre coût. Un élément essentiel pour une alimentation saine et équilibrée. Les importants changements d’organisation font que les professionnels, aussi bien du côté de la production que de la distribution, ne s’engageront pas spontanément dans cette démarche qui nécessitera probablement une réglementation pour voir le jour.

M.D.