Matignon propose et dispose, dans le consensus

Matignon a proposé de reporter la date du deuxième référendum au 4 octobre, en raison des difficultés logistiques liées la crise du Covid-19. Le gouvernement en a aussi profité pour annoncer que la troisième consultation pourrait éventuellement se tenir avant l’élection présidentielle et que les couleurs du drapeau national pourront être utilisées pendant la campagne. De quoi satisfaire les non-indépendantistes et crisper les indépendantistes.

Dans la nuit de vendredi, le Premier ministre a fait parvenir un projet de décret au haut-commissaire, Laurent Prévost, au président du gouvernement, Thierry Santa, et au président du Congrès, Roch Wamytan, leur proposant de reporter la date du deuxième référendum. Édouard Philippe explique que « la crise actuelle du Covid-19 affecte le calendrier de certaines échéances politiques. Les circonstances et les éléments qui, collectivement, nous ont amenés à retenir, après de longs échanges, la date du 6 septembre 2020, doivent être réexaminés à l’aune de cette crise sanitaire », tout en précisant que ce réexamen « n’a de sens qu’au regard de notre objectif commun, rappelé à chaque Comité des signataires : assurer le caractère irréprochable de l’organisation du référendum afin que son résultat soit incontestable et incontesté ».

Raisons de logistique

Les raisons évoquées par le Premier ministre n’ont donc rien à voir avec la demande des indépendantistes, quelques jours auparavant, qui souhaitaient un report au 25 octobre ou au 1er novembre pour mieux préparer leur campagne.

Pour Édouard Philippe, il s’agit ici de répondre uniquement à des problématiques techniques et logistiques. Le chef du gouvernement annonce que « la principale difficulté non résolue à ce jour porte sur la capacité de réunir les candidatures pour les 250 délégués de la commission de contrôle, alors que la France conduit une phase de déconfinement très progressive, et d’assurer l’acheminement de ces délégués dans le contexte des mesures de quarantaine obligatoire pour tout arrivant en Nouvelle-Calédonie. Cette difficulté pourrait concerner les missions des organisations internationales ainsi que les journalistes ». Et même si les opérations de préparation du référendum ont été poursuivies pendant la crise sanitaire, précise Édouard Philippe, « un risque demeure sur l’encadrement des procédures de vote ».

Calendrier et drapeau

Profitant de cette proposition de report de date, qui devrait être présentée en Conseil des ministres dans la deuxième quinzaine de juin, le communiqué de Matignon comporte un deuxième volet, bien plus politique. Un volet qui confirme le maintien du calendrier référendaire, d’une part, et permet l’utilisation du drapeau bleu blanc rouge sur les affiches et circulaires pendant la campagne, d’autre part. Et les positions de Matignon sont sans ambiguïté, Édouard Philippe indique que même si la date du deuxième référendum est repoussée, le gouvernement s’engage à ce que « le calendrier global du processus de consultations ne soit pas modifié ». « La date retenue permet de conserver l’ensemble des alternatives possibles visant à éviter la concomitance des échéances électorales nationales du printemps 2022, à préparer la sortie de l’Accord de Nouméa et à envisager une éventuelle troisième consultation en 2021 ou en 2022. »

Sur l’utilisation du drapeau tricolore, à laquelle les indépendantistes sont opposés, Matignon indique que cela sera possible « pour répondre aux réflexions de la commission de contrôle et à cette divergence dans un souci d’équité ». « L’État a adopté en 2018 la plus stricte neutralité. Il en sera de même pour le prochain référendum. »

Ce communiqué est plus important qu’il n’y paraît en termes de positionnement de l’État. Outre le report de date du deuxième référendum pour des raisons logistiques liées au Covid-19, ce qui est au fond anecdotique, il octroie par ailleurs l’utilisation du bleu blanc rouge pendant la campagne sous le signe de l’équité et surtout il s’engage à tenir l’éventuel troisième référendum avant la fin de la mandature présidentielle actuelle.

Les réactions des groupes politiques

Cette proposition et ces prises de position ont bien entendu reçu tout le soutien des non-indépendantistes. L’Avenir en confiance a immédiatement salué le fait que le Premier ministre « permette de respecter l’équilibre des symboles pour la campagne officielle en autorisant l’utilisation du bleu blanc rouge ». Concernant la proposition de report de la date du deuxième référendum, le front loyaliste a précisé que ce décalage, « rendu nécessaire par les contraintes sanitaires de la Nouvelle-Calédonie, ne remet pas en cause l’engagement fort pris par l’État, de permettre l’organisation du troisième référendum en 2021 ». Un engagement essentiel pour l’Avenir en confiance, « tant l’incertitude qui plane sur la Nouvelle-Calédonie pèse sur le quotidien des Calédoniens et la situation économique ». « Le dialogue approfondi avec les formations politiques auquel s’engage le Premier ministre deviendra absolument indispensable dès le lendemain du deuxième référendum, afin d’élaborer ensemble une solution pérenne pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie respectant le vote des Calédoniens. »

Enfin, si du côté de nos parlementaires, Philippe Dunoyer se dit « satisfait d’avoir été partiellement entendu » en évoquant « un mois de campagne supplémentaire, qui ne sera pas de trop pour mobiliser les concitoyens », pour le camp indépendantiste, les positions de Matignon n’ont pas de sens. Daniel Goa a pu réagir à ces annonces lors du comité directeur de l’UC, le week-end dernier, à Koné. Justifiant sa lettre ouverte aux Calédoniens, le président de l’UC a renouvelé ses attaques contre l’État et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en ajoutant qu’il fallait maintenir la date du 25 octobre pour le deuxième référendum et sur la question du drapeau, qu’il n’était pas question de choisir entre la France ou la Nouvelle-Calédonie, mais de préparer la sortie de la France.

D.P.

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