Masques ou pas masques ?

Les masques sont l’un des outils de lutte contre la propagation du Covid-19. Leur manque de disponibilité a suscité bien des questions à travers le monde. Pour certains observateurs, les pénuries sont le reflet du délabrement des systèmes de santé et ont imposé des stratégies pas toujours compréhensibles par la population. Pour la plupart des pays qui avaient découragé le port du masque, les recommandations ont sensiblement évolué.

Le masque de protection sera l’un des symboles de cette pandémie qui a pris tout le monde de court et continue de véhiculer toujours plus de questions sans que l’on parvienne à y apporter toutes les réponses. Si les scientifiques ont encore beaucoup de choses à apprendre sur ce nouveau coronavirus, le principal mode de transmission a rapidement été identifié. Les gouttelettes constituent le facteur principal d’expansion de la maladie. Elles sont notamment émises lorsqu’une personne tousse ou éternue. Elles peuvent également favoriser la contamination dans les gouttelettes dans la salive et les sécrétions nasales.

Rapidement, le masque s’est imposé comme un moyen de lutter contre cette maladie respiratoire, en particulier dans les pays asiatiques qui avaient déjà subi le Sars-CoV1, plus communément appelé l’épidémie de Sras (pour syndrome respiratoire aigu sévère), entre 2002 et 2004. Le nombre de décès n’a toutefois rien à voir puisque sur une trentaine de pays touchés, on estime le nombre de morts liés à ce virus à un peu moins de 800 alors que l’on attribue déjà près de 125 000 décès au Covid-19 et le décompte macabre n’est malheureusement pas encore terminé. Mais c’est plus récemment, en 2009, que l’Europe a découvert le risque lié à ces virus. Cette année marquait le début de la pandémie de grippe A ou H1N1 dont les décès ont été estimés entre 151 000 et 575 000. En Métropole, la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, avait pris la décision de constituer un stock massif de masques et de vaccins. En 2011, le gouvernement de François Fillon avait toutefois changé son fusil d’épaule en abandonnant ces stocks stratégiques, estimant que la production mondiale était largement suffisante pour répondre aux besoins en cas de crise. 723 millions de masques FFP2 et un milliard de masques chirurgicaux ont donc fondu comme neige au soleil pour atteindre zéro masque FFP2 et environ 150 millions de masques chirurgicaux en début de crise. Au passage, c’est toute l’industrie de production de masques française qui avait périclité, laissant la place à des industriels chinois nettement moins chers.

Une pénurie qui justifie partiellement le confinement

Paradoxalement, ce sont ces décisions politiques qui ont en partie imposé l’instauration du confinement. Certains pays où le port du masque est largement répandu ont pu éviter un confinement de leurs populations, évitant du même coup des

conséquences plus lourdes pour l’économie tout en protégeant la santé de leurs concitoyens. En France, la pénurie pourrait se doubler d’un scandale d’État, si l’on en croit l’enquête réalisée par le journal en ligne Mediapart. Il révèle des mensonges délibérés sur l’état des stocks et un double discours sur l’utilité du port du masque, indispensable pour les soignants, mais pas pour le reste de la population. Un discours conforté par la position de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, encore récemment, n’encourageait pas le port généralisé du masque autrement que pour les soignants et les personnes les plus exposées. Accusant l’organisation d’avoir sous-estimé le risque de pandémie, les États-Unis de Donald Trump ont décidé, mercredi, de suspendre leur financement à l’institution. Pour mémoire, ils en sont les premiers contributeurs.

Cette stratégie reprise par le gouvernement, dans laquelle s’est inscrite la Nouvelle- Calédonie, était pourtant vue comme une aberration en Asie, comme le soulignaient déjà les médias aux environs du 20 mars. De fait, de nombreux médecins occidentaux ont rapidement appelé l’ensemble de la population à porter des masques afin de limiter la propagation du virus, y compris sur le territoire. Une position confortée le 2 avril par l’Académie nationale de médecine qui « recommande que le port d’un masque « grand public », aussi dit « alternatif », soit rendu obligatoire pour les sorties nécessaires en période de confinement ». Des recommandations qui ont servi de base à l’évolution des doctrines des exécutifs métropolitains et calédoniens qui rencontrent

toutefois des difficultés à se faire comprendre de la population, embrouillée par des messages pouvant paraître contradictoires. Le 9 avril, à l’occasion d’une conférence de presse, le gouvernement calédonien présentait un appel d’offres visant à soutenir la création d’une filière de fabrication de masques en tissu, dont les patrons ont été fournis par l’Afnor (l’Association française de normalisation). Il s’agit de permettre à l’ensemble de la population de pouvoir s’en procurer, notamment en vue du déconfinement. Car l’un est difficilement envisageable sans l’autre. Comme le souligne encore l’Académie nationale de médecine, de nombreuses personnes « en période d’incubation ou en état de portage asymptomatique » […] « entretiennent la transmission de l’infection » […]. Dans ce contexte, le port généralisé d’un masque par la population constituerait une addition logique aux mesures barrières actuellement en vigueur ».

Les dernières recommandations portent donc sur le port du masque obligatoire, en particulier pour accompagner le déconfinement et éviter une nouvelle flambée épidémique. En Nouvelle-Calédonie, l’enjeu est un peu différent puisque le territoire a uniquement enregistré des cas importés. Le gouvernement n’écarte toutefois pas le risque que le virus circule « à bas bruit ». L’idée serait donc d’éviter la première vague épidémique si c’était bien le cas. A plus long terme, et dans l’attente d’un vaccin, cela posera la question du confinement de la Nouvelle-Calédonie vis- à-vis du reste du monde, ce qui ne sera pas sans conséquence pour l’économie du pays.

Des masques alternatifs pour permettre la reprise du travail

Si les autorités n’ont pas encore décrété l’obligation du port du masque, certaines communes, en Métropole, ont pris une longueur d’avance. C’est notamment le cas de Nice, ville jumelle de Nouméa, qui a en a procuré à l’ensemble de la population. En Nouvelle-Calédonie, on ne se dirige pas vraiment vers une distribution de matériel. Les autorités semblent plus enclines à laisser les Calédoniens s’équiper seuls en achetant leurs propres masques dont la production sera lancée prochainement ou d’en fabriquer soi-même. C’est le sens de l’appel d’offres lancé par le gouvernement ainsi que la réglementation des prix des masques, des gants et du gel hydroalcoolique.

Ces masques alternatifs permettront de préserver le stock de masques chirurgicaux et FFP2 pour des usages sanitaires. Selon les derniers chiffres avancés par le gouvernement, il y aurait actuellement près de deux millions de masques sur le territoire. Sur ces deux millions, les stocks du gouvernement sont de l’ordre de 500 000 masques, le reste relevant essentiellement des réserves constituées par des entreprises privées et notamment les sociétés minières. Un chiffre nettement insuffisant pour répondre aux besoins de la population si l’on écarte l’usage des masques alternatifs. L’approche du déconfinement pose donc la question du matériel avant d’autant plus d’acuité. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé que la Nouvelle-Calédonie pourrait recevoir de l’aide de la Métropole afin de permettre un déconfinement dans les conditions annoncées par Emmanuel Macron lors de son allocution du 13 avril.

Répondant à une question envoyée par les deux députés calédoniens, Édouard Philippe a indiqué que des masques et des tests pourraient être expédiés en Nouvelle- Calédonie. Le Premier ministre s’est engagé à en fournir le maximum. Mais les choses devraient s’avérer compliquées, du fait que la France connaisse toujours une pénurie en matière de masques et de tests. C’est d’ailleurs sans compter sur le fait que le territoire est dans l’attente de recevoir près d’un million de masques, mais étant donné la situation internationale, la Nouvelle-Calédonie n’apparaît pas forcément prioritaire. Reste à savoir comment le gouvernement compte déconfiner la population ou plutôt adapter le confinement. Les choix opérés par l’exécutif auront nécessairement des conséquences sur les besoins de masques ainsi que de tests.


Quel masque pour quel usage ?

Le FFP2 (Filtering Facepiece Particles ou pièce faciale filtrante) dont on entend beaucoup parler depuis le début de la crise permet de filtrer l’air inspiré et d’éviter au personnel d’être contaminé par voie respiratoire en cas de projection de gouttelettes. Cette protection appartient à une famille de masques répartis en trois échelons, allant de 1 à 3, et plus ou moins filtrants. C’est ce type de masque que porte le personnel soignant, aussi bien pour se protéger de l’infection que pour protéger les autres de la contamination.

Le masque chirurgical permet de filtrer l’air de l’intérieur vers l’extérieur. Il ne protège donc pas le porteur de l’infection, mais les autres, notamment au cas où le porteur serait infecté. Il ne s’agit donc pas équipement de protection individuelle, mais de protection collective.

Le masque alternatif ou à usage non sanitaire ne répond à aucune norme sanitaire, mais toutefois à des critères retenus par l’Afnor et validés par 150 experts. Il n’y a pas de filtration de l’air qui empêcherait la contamination du porteur notamment en cas de projection de postillons lors de toux ou d’éternuements. Ce type de maques limite toutefois la dispersion des gouttelettes. Cela empêche toutefois un certain nombre de contacts entre la bouche et les mains qui sont des sources de contamination. On peut retrouver les patrons de ces masques sur le site de l’Afnor, www.afnor.org.


Pas de reprise du travail sans masque

La question de la santé et de la sécurité au travail est au cœur des réflexions pour permettre un déconfinement et un redémarrage progressif de l’économie. C’est d’ailleurs un élément fort attendu et une des conditions sine qua non posées par l’Usoenc pour que les salariés puissent reprendre le chemin des entreprises.

À l’occasion d’une conférence de presse qui s’est tenue le 10 avril, le syndicat a insisté sur
le fait qu’en l’absence de plan de continuité de l’activité et de matériel de protection (masques, gants et gel), il appelait les salariés à refuser de reprendre le travail. La centrale syndicale demande également aux employeurs de ne pas sanctionner ceux qui refuseraient de reprendre leur activité et les encourage plutôt à faire preuve de pédagogie. Pour l’Usoenc, le dialogue social est l’une des clefs pour surmonter cette crise.

Le syndicat appelait donc les pouvoirs publics à laisser les partenaires sociaux discuter de la question de la mise en congé d’office des salariés. Ils n’auront finalement pas été entendus puisque le Congrès a adopté une mesure permettant aux employeurs, aussi bien publics que privés, de mettre d’office leurs salariés en congés.

M.D.

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