Mais pourquoi grimpent-ils si vite ?

L’escalade calédonienne a encore obtenu d’excellents résultats aux championnats de France de vitesse, fin mars. C’est le fruit d’une stratégie de long terme : développement du nombre de licenciés, concentration sur une seule discipline et embauche d’entraîneurs de haut niveau.

Le titre pour Nolan Tavan (U18) et Lily-Rose Bernard (U20). L’argent pour Gabrielle Desbois (U16), Timy Sigrist (U16) et Lucas Ghesquière (U18). Un bronze frustrant pour Max Mengual (U20), auteur d’un fulgurant 5 secondes 75 centièmes en qualification, meilleur temps de la journée. Un tiers des médailles des championnats de France jeunes ont été accrochées au cou des Calédoniens, le 25 mars, à Colmar. Il faut y ajouter le titre seniors décroché une semaine plus tôt par leur entraîneur, Bassa Mawem (5 »31). Il faut aussi se souvenir qu’un an plus tôt, ses élèves avaient décroché cinq médailles dont quatre titres.

« C’est le fruit d’une politique engagée il y a de longues années », savoure Philippe Boquet, président de la ligue d’escalade fondée en 2004 avec le concours de Frédéric Salle, guide de haute montagne. Le premier directeur technique régional a mené « un extraordinaire travail de structuration ». Son œuvre discrète a commencé dans les écoles, pour développer la pratique. « C’était un engagement vis-à-vis de la fédération : promouvoir l’escalade dans son ensemble. Tout le monde doit grimper, des plus démunis aux plus aisés. » Les effectifs sont montés jusqu’à près de 1 000 personnes en 2019, avant de redescendre à 650 sous l’effet de la fermeture imposée par le Covid. Le développement du haut niveau « avec une approche professionnelle » est arrivé dans un second temps.

LE HAUT NIVEAU À MOINDRE COÛT

Puisque la performance coûte cher, la ligue a choisi de se concentrer sur la vitesse et de délaisser le bloc et la difficulté, les deux autres disciplines de l’escalade. La vitesse se pratique sur un mur de 15 mètres de hauteur, identique partout dans le monde. « On peut se comparer aux autres sans avoir à se déplacer à l’étranger », explique Philippe Boquet. Et si on le fait, « il faut cibler les bonnes compétitions et ne pas se déplacer pour des médailles en chocolat ». La priorité est donnée aux championnats de France, d’Europe et du monde. La ligue dispose d’un budget total de 70 millions de francs par an, issus « à 90 % » des tarifs du mur d’escalade de Magenta, ce qui lui permet d’employer sept salariés, dont les dernières pièces du puzzle : deux entraîneurs de très haut niveau.

On connaît Bassa Mawem, attiré en Nouvelle- Calédonie en 2016, qui tentera une dernière fois de décrocher l’or olympique à Paris l’an prochain. On connaît moins Esther Bruckner. Celle qui a signé un record du monde en 2012 sous les couleurs de l’équipe de France (8 »32) a rejoint Nouméa l’année dernière, quittant ses fonctions d’entraîneuse nationale. « J’étais un peu en froid avec la Fédé… Bassa m’a appelée. Je m’étais déjà renseignée en 2016, quand il avait été pris sur le poste, donc j’ai sauté sur l’occasion ! » Elle aura notamment pour mission de s’occuper des filles, ultra-minoritaires dans le groupe de haut niveau.

« Le management de Bassa n’est pas forcément tourné vers les filles. Elles ont parfois besoin de plus de patience et de diplomatie pour s’intégrer dans un groupe. Et par mon parcours, je vais leur montrer qu’elles peuvent faire de grandes choses, que tout est possible. » L’objectif est ambitieux. « On vise les Jeux olympiques 2028 », qui auront lieu à Los Angeles. Il semble réaliste, au vu des performances comme celles de Paco Lehmann, qui a signé un record de France U16 l’an passé (6 »29), ou de Yann Le Clercq de Lannoy fin mars (5 »48). « Tout dépendra d’eux, estime Esther Bruckner. S’ils continuent à s’entraîner comme aujourd’hui, de grandes possibilités s’ouvriront à eux. »

Gilles Caprais

Photo : Parmi les médaillés, le 25 mars à Colmar, les Calédoniens Lucas Ghesquière (à g.), Lily-Rose Bernard (4e à g.), Max Mengual (5e à g.) et Nolan Tavan (2e à d.). © photo-rosenblatt.fr

Un pôle calédonien… en Alsace ?
La ligue suit son propre chemin, quitte à s’écarter de celui de la Fédération. Loin du pôle Outre-mer de La Réunion et du pôle national de Voiron (Isère), la salle d’escalade que gère Bassa Mawem à Colmar pourrait devenir une sorte de pôle calédonien, assurant une continuité entre Nouméa et l’Europe, terre des grands championnats. Max Mengual, Lily-Rose Bernard et Lucas Ghesquière sont notamment appelés à partir prochainement afin de poursuivre études et carrière sportive.