L’Union calédonienne hausse le ton

Des bancs de l’assemblée de la province Sud à la tribu de Ouamba, du litige électoral au refus dogmatique de voir l’État prendre une action dans la STCPI pour valider le plan de sauvetage de la SLN, l’UC se positionne une nouvelle fois en véritable moteur du Front indépendantiste. Mieux même, dans la droite ligne de ce qu’affirmait, voici quelques jours, le président du parti : « Le temps n’est plus à se poser de questions, il faut aller sur le terrain et porter le message que l’indépendance, on peut la prendre, elle est viable. »

Créer les conditions du doute légitime et entretenir le mirage d’une indépendance douce, viable sur le plan économique, pour peu qu’on l’on soit collectivement assez audacieux pour changer le système, c’est finalement sur cette ambiguïté que se fonde désormais la stratégie du plus vieux parti calédonien.

Le doute et la suspicion, c’est la composition du corps électoral qui sera amené à se prononcer sur l’accession de la Nouvelle- Calédonie à la pleine souveraineté. Réunie en congrès à Kaala- Gomen, l’Union calédonienne a de nouveau exigé que « tous » les Kanak soient inscrits d’office sur la liste référendaire, sachant pertinemment qu’aujourd’hui cette exigence est techniquement et légalement impossible.

Peu importe, Roch Wamytan balaie les deux arguments d’un revers de la main, les qualifiant même de « chichis qui entravent le droit naturel du peuple colonisé ». Il pose ainsi les bases de ce qui pourrait très rapidement devenir un premier préalable à l’acceptation du résultat du futur scrutin.

C’est avec la même logique que l’UC, rejointe une fois n’est pas coutume par l’ensemble de la mouvance indépendantiste, refuse avec virulence la cession par la STCPI de l’une de ses actions à l’Etat pour finaliser le prêt de 15 milliards destiné à donner une chance à la SLN de surmonter la crise.

L’attitude est certes dogmatique mais pas dénuée d’arrière-pensées politiques. En effet, si tenir coûte que coûte cette position peut mettre en péril des milliers d’emplois, une telle attitude de défi est aussi là pour montrer que l’UC ne reculera pas dès lors qu’il s’agit pour elle de refuser ce qu’elle considère comme « une inversion de l’histoire », c’est-à-dire la réintroduction de l’Etat aussi symbolique soit-elle, dans des secteurs, des responsabilités ou des compétences qu’il a transférés à la Nouvelle-Calédonie ou à ses provinces. C’est tout le sens de l’irréversibilité gravée dans le marbre de l’Accord de Nouméa mais qui ne vaut juridiquement que dans le cadre de cet accord.

Message aux représentants de l’État

Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce haussement de ton intervient comme par hasard au moment où Thierry Lataste, le nouveau représentant de l’Etat en Nouvelle-Calédonie, prend ses fonctions. Or, cette nomination, si elle a été plutôt bien accueillie dans les rangs indépendantistes qui ont salué le retour d’un homme qui connaît parfaitement le dossier calédonien, a malgré tout provoqué des interrogations. C’est d’ailleurs Roch Wamytan, qui se demandait ce qui avait pu conduire un haut fonctionnaire à quitter des fonctions aussi prestigieuses que celles de directeur de cabinet du président de la République pour redevenir « préfet » auprès de 250 000 péquenots. Cette question reste en suspens.

Il convient donc pour l’UC de réaffirmer sa position et de se monter intransigeante. Cette intransigeance vaut d’ailleurs aussi pour les missionnaires de l’Etat qui présideront ce vendredi une réunion sur l’avenir institutionnel avec pour thème les compétences régaliennes. Des missionnaires qui reviendront, dans la même composition ou non, courant juillet pour évoquer les questions de gouvernance. Tout cela, rappelons-le, pour aboutir à la rédaction d’un document qui sera soumis aux responsables politiques calédoniens en octobre, à Paris, à l’occasion d’un nouveau Comité des signataires.

Dans le long exercice qui consiste à répertorier les convergences et les divergences entre les acteurs politiques calédoniens, les dernières prises de position de l’Union calédonienne paraissent dessiner les contours d’un impossible consensus.

Car s’il était prévisible, dès l’origine, que les désaccords autour des compétences régaliennes seraient mis en évidence et que finalement, il faudrait, hélas, passer par un référendum binaire, ce sont aujourd’hui les conditions même de ce référendum et du respect de son résultat qui sont remises en cause.