L’UNI s’oppose à la date du 12 décembre

Les représentants de l’Union nationale pour l’indépendance, absents à Paris, estiment que le calendrier « imposé » par Sébastien Lecornu est trop serré. Ils évoquent le spectre d’un boycott par une partie de la population et se disent inquiets pour la suite de l’Accord de Nouméa. 

Louis Mapou et Victor Tutugoro ont réuni la presse, vendredi, deux jours après les annonces formulées à Paris.

Louis Mapou l’a exprimé très clairement : « Ce timing nous est imposé et il n’est pas bon du tout ». « Nous avons à chaque fois eu deux ans pour travailler. Qu’est-ce qui justifierait qu’on se précipite autant, alors que c’est le moment le plus important de notre histoire ? » « Qu’est-ce qui fait qu’on ne joue pas la carte de l’Accord jusqu’au bout ? », c’est-à-dire jusqu’à son délai légal, s’interroge Louis Mapou, d’autant que ce troisième référendum est considéré différemment des autres et représente un « challenge » particulier.

L’ombre d’un boycott

La volonté de stabilisation invoquée par l’État et les formations loyalistes ne tient pas pour les indépendantistes de l’UNI. Les questions fusent : « Avec les présidentielles qui vont aussi faire débat en Calédonie et se discuter sur la base d’un « non » ou d’un « oui », qui peut garantir que le cadre se déroule correctement ? ». « Quelle est vraiment la visibilité apportée aux acteurs économiques jusqu’en 2023 ? » Et surtout, puisque le mouvement indépendantiste n’était pas d’accord pour 2021, « qui peut garantir que les gens voudront nous suivre ? Ils pourront considérer qu’on nous a trompés ». Le boycott n’est pas clairement brandi, mais cette éventualité est néanmoins suggérée, car « les militants en parlent ».

Pour Louis Mapou, la Nouvelle-Calédonie sort d’une période très tourmentée et il est regrettable que l’on impose ce rythme, sur des questions clivantes, à un peuple « qui n’a pas la masse critique pour accuser les coups et les contrecoups ». Le représentant se dit d’ailleurs inquiet de la réaction des militants qu’ils ont « déjà bien eu du mal à tenir avec l’histoire de l’usine du Sud ».

Et c’est une des raisons qui ont fait évoluer l’UNI sur la date de ce troisième référendum. Après avoir plaidé pour un vote en 2021, par crainte de l’élection de Marine Le Pen, ils ont changé d’avis pour 2022, compte tenu du contexte politique et du conflit autour de l’usine du Sud. Désormais, ils veulent un « horizon dégagé » et se positionnent toujours en faveur d’une période de transition d’environ quatre ans. « Il semble que les choses aient été monnayées entre la date et la période de transition », juge l’UNI.

Les absents ont toujours tort

Nombreux sont ceux, notamment dans les rangs indépendantistes, qui estiment que l’UNI n’avait qu’à aller à Paris pour défendre sa position ! Or force est de constater que le parti n’a eu de cesse de pratiquer la politique de la chaise vide ces derniers mois. Certains y verront une stratégie, justement, pour faire échouer les discussions, voire le référendum… L’UNI indique pourtant que son refus d’aller à Paris était justement lié à la méthode appliquée par l’État et Sébastien Lecornu. « Il a choisi cette méthode pour nous imposer les choses depuis qu’il est arrivé », souligne Louis Mapou.

Le parti ne renie pas la compétence de l’État, se dit satisfait du document sur les conséquences du « oui » et du « non », estimant, au passage, que la France s’y positionne « pour une indépendance avec partenariat ». Mais il attendait la « méthode habituelle », c’est-à-dire une concertation et une décision du Comité des signataires. « La forme, chez nous, vaut autant que le fond », explique Louis Mapou.

Pour le représentant, c’est bien le calendrier présidentiel qui a joué et il n’était d’ailleurs, selon lui, pas en accord avec ce que souhaitait le Premier ministre. « Qui de nous a la main ? », interroge finalement l’élu avant de rappeler qu’« en 88, on avait eu les mêmes soucis ».

Quelques piques ont aussi été adressées aux partenaires de l’Union calédonienne. Les dirigeants de l’UNI ont bien vu « toutes les fleurs lancées à l’UC à Paris » et pensent que l’on va pouvoir élire prochainement le gouvernement. « Ça fait peut-être partie des deals de Paris. » « On connaît l’UC quand elle était au centre de l’échiquier », lance Louis Mapou.

L’enchantement parisien de ces derniers jours n’a visiblement pas porté jusqu’à Nouméa. Et on peut s’en inquiéter. Si chacun est libre de ses positions, en Nouvelle-Calédonie, il suffit d’un partenaire récalcitrant pour faire basculer les fragiles équilibres…

C.M.

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