De retour d’un déplacement en Métropole, Louis Mapou revient sur l’aide financière sollicitée et les nombreux dossiers évoqués, parmi lesquels la place du gouvernement dans les discussions institutionnelles. Il dresse également le bilan de ses deux années de présidence.
DNC : Vous revenez d’un déplacement en Métropole, comment s’est-il passé ?
Louis Mapou : C’était important et nécessaire parce que je n’ai pas été en visite officielle aussi longtemps depuis que je suis président. Et puis, nous venons de voter notre budget et nous n’avons pas réussi à satisfaire certains besoins, il fallait chercher des ressources supplémentaires, dont un soutien financier de l’État.
Quelle forme va prendre le soutien financier de l’État ?
On a chiffré à 13 milliards de francs le montant pour traiter les besoins structurels (Ruamm et Enercal). Élisabeth Borne m’a indiqué que l’État était disposé à nous accompagner dans cette nouvelle étape d’assainissement de la situation.
Maintenant, il faut établir les modalités : est-ce une subvention ou un prêt ? On le saura vite.
On a dit qu’on était dans un statut de souveraineté partagée, mais on n’a pas défini le mode opératoire.
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Vous avez sollicité un appui technique dans plusieurs domaines, lesquels ?
Certains sujets n’ont pas été assez approfondis. Le transfert de compétences doit s’accompagner d’une adaptation que nous n’avons pas forcément mise en œuvre.
Le système électrique est déficitaire, j’ai signé une déclaration d’intention avec la Commission de régulation de l’énergie afin de procéder à un état des lieux.
J’ai également rencontré l’AFD, à qui j’ai fait part de l’intérêt à travailler ensemble, parce que l’on a besoin d’insérer davantage la Nouvelle-Calédonie dans la région. Nous sommes déjà associés avec eux et l’État pour le financement de l’Université du Vanuatu, la caserne des pompiers de l’aéroport de Port-Vila…
Vous avez abordé l’aspect politique et l’avenir institutionnel ?
Oui, surtout pour voir dans quelle mesure le gouvernement peut s’associer aux discussions et aux travaux en cours avec les groupes de travail sur le nickel, le foncier, la question institutionnelle, comment il peut apporter son concours à la bonne compréhension des choses par un éclairage sur le fonctionnement des institutions. Il y a aussi la question du partage des compétences et leur éventuel réajustement.
Le sujet des relations extérieures a été abordé lors de tous les entretiens que j’ai eus. J’en ai beaucoup discuté avec Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, pour clarifier la stratégie Indo-Pacifique portée par la France et échanger sur la façon de travailler avec l’État dans la région.
On a dit qu’on était dans un statut de souveraineté partagée, mais on n’a pas défini le mode opératoire. Il y a des dossiers à traiter, comme l’accord commercial avec le Vanuatu qui est au ministère des Affaires étrangères depuis bientôt un an. Il devrait aboutir.
Pourquoi est-ce important pour vous de séparer l’action du gouvernement
et l’avenir institutionnel ?
Chacun a sa place. Nous sommes un petit pays et le mélange des genres a vite fait de susciter des débats. J’ai vu, dans les communiqués sur mon déplacement, que certains responsables ont fait le lien avec les discussions.
Je crois que nous avons intérêt à ce que chacun garde son rôle si on veut que la Nouvelle-Calédonie aborde les deux ans à venir dans de bonnes conditions. Il faut maintenir cette stabilité pour donner toutes les chances de trouver une solution pour l’avenir qui satisfasse tout le monde.
Un compromis est-il possible ?
Je pense que nous avons fait le plus dur depuis les Évènements. Les discussions sur l’avenir, c’est savoir si on va plus loin dans l’exercice des responsabilités, ou est-ce qu’on recule. Moi, j’ai l’impression qu’il y a une espèce de consensus autour de l’idée qu’il faut améliorer la situation, donc il faut regarder où va être placé le curseur.
Les positions semblent pourtant très fermes de part et d’autre… C’est le jeu dans les phases de pré-négociations. Il faut laisser le temps aux uns et aux autres d’entrer dans le vif de sujet.
L’audit de la décolonisation et le bilan de l’Accord de Nouméa, livrés fin mai, devraient permettre de faire un état des lieux. Est-ce qu’il sera partagé ou pas, c’est la discussion. Mais je n’ai pas de crainte sur l’avenir. Le chemin qu’il reste à faire ressemble aux lignes de crête. Il faut faire attention et, à un moment donné, on est obligé de se tenir.
Qu’attendez-vous de la visite de Gérald Darmanin début juin, des trilatérales se tiendront-elles à Nouméa ?
Cela apportera forcément quelque chose. Si la situation était bloquée, il n’y aurait pas de déplacement. J’ai compris que la livraison des deux documents pourrait faire l’objet d’une écoute à trois. C’est pas à pas.
La Nouvelle- Calédonie est comme ça : on ne peut pas déroger à quelque chose d’intrinsèquement constitutif de l’être calédonien, parce que cela s’enflamme très vite.
Après Fidji en février, il y a la Corée du Sud à la fin du mois. Quelle place tient la Nouvelle- Calédonie et comment participe-t-elle à l’axe Indo-Pacifique ?
Elle occupe la place de membre du Forum des îles du Pacifique. Ces rendez-vous existaient déjà, mais cela prend plus d’ampleur parce que la région Pacifique est en pleine ébullition géopolitique. Il y a une densification de la diplomatie des grandes puissances, avec pour résultat la multiplication des représentations diplomatiques.
J’ai évoqué le dossier avec Catherine Colonna, parce qu’on a besoin de savoir ce qu’il en est vraiment. Pour le moment, nous nous préoccupons beaucoup plus de notre insertion. C’est devenu une nécessité parce que l’avenir de la Nouvelle- Calédonie est, à tous points de vue, dans la région.
Quel bilan tirez-vous de ces deux années en tant que président ?
Un bilan plutôt positif lorsqu’on sait comment notre arrivée au gouvernement a été perçue. Nous avons traversé la phase la plus dure de la crise sanitaire, nous avons commencé à sortir de l’impasse financière et il n’y a pas un domaine que nous n’ayons pas remis à plat.
Il y a unanimité autour de l’idée qu’il faut réformer, entre autres la fiscalité, même si les acteurs économiques et les responsables politiques discutent des modalités de mise en œuvre. Nous sommes tous conscients qu’il faut faire des efforts. C’est prometteur vis-à-vis des discussions à venir.
Beaucoup de gens arrivent à se reconnaître, au-delà des Kanak, dans l’action du gouvernement.
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Personne ne pressentait qu’un indépendantiste, en l’occurrence un Kanak, serait à la tête du gouvernement. Et beaucoup de gens arrivent à se reconnaître, au-delà des Kanak, dans l’action du gouvernement. C’est de bon augure.
Je peux avoir la faiblesse de penser que si les choses sont ainsi, c’est parce que c’est nous qui sommes là. Par exemple, depuis qu’on est arrivé, aucun conflit social n’a fini chez le haut-commissaire. C’est une preuve de maturité dans la gestion du pays.
La réforme fiscale se poursuit, qu’est-il prévu cette année ?
Des taxes doivent être votées et mises en place : taxes minières, sur les valeurs immobilières, pour les croisiéristes, sur la transition énergétique (la TTE, pour assurer un financement pérenne d’Enercal) et sur le sucre, qui est sur le bureau du Congrès.
Les travaux sur la TGC se poursuivent et d’autres vont s’ouvrir sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il faut revisiter le système des niches fiscales qui ampute la Nouvelle-Calédonie de ses ressources.
Le plan de relance, annoncé pour 2023, est finalement reporté à l’an prochain ?
Il faut continuer à traiter le reliquat des difficultés pour espérer relancer les choses. On a trouvé une maison mal en point. On n’a pas fini, mais ce que je souhaite, à l’horizon 2024, c’est que les nouvelles équipes trouvent une maison assainie. On va aussi voir les résultats des négociations et la fin des discussions. Tout cela semble converger vers un 2024 qui pourrait être l’année du rebond.
Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat