L’or bleu, relais de l’or vert ?

L’Institut d’émission d’outre-mer a présenté, en fin de semaine dernière, une étude sur l’économie bleue. Les activités maritimes sont relativement bien présentes en Nouvelle-Calédonie mais restent toutefois assez embryonnaires. Des investissements seront nécessaires pour leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel de croissance.

La mer serait-elle la planche de salut de l’économie calédonienne ? L’étude sur les activités maritimes, présentée par l’IEOM le 1er avril, ne répond pas directement à la question mais donne des pistes de réflexion et permet d’appréhender ce pan très diversifié de notre économie. Estimer les potentiels de croissance de cette économie bleue nécessiterait de la connaître parfaitement. C’est loin d’être le cas. « L’idée était de dessiner les contours de cette économie, note Mathieu Morando, le responsable des études de l’IEOM. Les chiffres ne sont pas agrégés et ne permettent donc pas forcément de bien se rendre compte de son étendue. Il y a une grande diversité des activités économiques, une quinzaine de secteurs, et il est certain qu’il existe des pistes de croissance inexplorées. » La Nouvelle- Calédonie, si elle n’en a pas directement la compétence, dispose d’une des plus vastes zones économiques exclusives (ZEE) du Pacifique.

Des investissements indispensables

À l’heure où le territoire cherche des relais de croissance, nos élus seraient bien inspirés de définir une stratégie de développement économique des secteurs liés à la mer. Une stratégie qui implique une remise à plat juridique. Selon l’IEOM, un des freins est constitué par l’absence de cadre, ou du moins un certain flou, et la complexité du partage des responsabilités entre les différentes institutions et l’État. Le statut juridique des gens de mer a, par exemple, été adopté en 2015. C’est d’autant plus dommageable que la Nouvelle-Calédonie a la particularité, par rapport aux autres collectivités d’outre-mer, de compter la quasi-totalité des secteurs d’activités liés à la mer, même si la plupart existent de manière embryonnaire.

L’IEOM a donc apporté sa pierre à l’édifice en proposant cette étude qui arrive à point nommé, hasard du calendrier, à trois mois des assises de la mer. Pour se faire une idée plus précise, Louise Abellard, en charge de l’étude, a retenu uniquement les secteurs réalisant l’ensemble de leur chiffre d’affaires à partir d’activités directement liées à la mer. C’est une des particularités de nombreuses entreprises que d’avoir une partie des activités en mer et sur terre. Les résultats obtenus par l’Institut demeurent assez parcellaires et donnent un aperçu, a minima, de ce que représente la « mer » dans l’économie calédonienne. En matière de produits de la mer, les producteurs de crevettes, les pêcheurs de bêches-de-mer ou encore de thon exportent pour deux milliards de francs de marchandise. Une somme qui n’est qu’une goutte par rapport aux millions de tonnes de terre riche en nickel exportées chaque année. Les produits de la mer représentent 1,5 % des exportations totales. L’économie, ce sont également les croisiéristes. Un marché qui rapporte 4,8 milliards de francs si l’on y ajoute les prestations de transport et qui a de quoi aiguiser les appétits. Le taux de croissance annuel du nombre de passagers était en augmentation de 25 % ces dernières années. Aujourd’hui, à plus de 400 000, les croisiéristes seront près d’un million à s’arrêter en Nouvelle- Calédonie d’ici une petite dizaine d’années. Par comparaison, la Polynésie française reçoit chaque année 27 000 croisiéristes.

Un capitaine à la barre ?

Il reste beaucoup à faire pour augmenter les retombées économiques des croisières. Les chiffres sont à prendre avec précaution du fait de l’irrégularité des enquêtes, mais on estime qu’un croisiériste dépense 4 000 francs par jour en excursion quand un touriste classique dépense 6 000 francs par jour et reste en moyenne 20 jours. Mais la première chose serait peut-être d’investir dans les infrastructures nécessaires. Cette année, 200 touchers ont dû être refusés en raison d’un manque d’infrastructures. Un comble, si l’on considère que le développement des croisières est connu depuis maintenant plusieurs années. Le Port autonome a bien un projet, mais celui-ci traîne à être mis en œuvre. Ce manque d’infrastructures ne concerne pas uniquement les croisières. Les vendeurs de bateaux le rappellent régulièrement, il y a un manque cruel de marinas, ce qui limite considérablement le développement du nautisme.

Il existe pourtant une véritable dynamique autour de la mer, qu’il s’agisse du développement de start-up autour de projets de recherche scientifique, du projet d’Observatoire de la mer porté par la CCI ou encore la création du cluster maritime en 2015. Si les pouvoirs publics ont également montré un certain dynamisme avec la création du parc de la mer de Corail, il semble s’être essoufflé très rapidement puisque plus d’un an après sa création, aucun plan de gestion n’a été mis en place. En Calédonie, les questions maritimes recoupent six portefeuilles au gouvernement (formation, transport, recherche, économie, pêche, commerce extérieur). Nous ferions peut-être bien de nous inspirer de nos voisins polynésiens qui ont un unique ministre en charge de l’économie bleue.

M.D.

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9e port Français 

Le port de Nouméa est le neuvième port français en termes de marchandise manipulée. 99,9 % des biens sont entrés et sortis par la voie maritime.

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Quelles entreprises ?

L’IEOM estime que le secteur maritime regroupe 1 782 entreprises. 1 435 d’entre elles sont des exploitations des produits de la mer. 188 sont inscrites comme chantiers de construction et de réparations navales. L’ensemble de ces entreprises représente environ 3 % des entreprises de Nouvelle-Calédonie (sur 59 937 entreprises au total). 93 % des entreprises du secteur maritime sont unipersonnelles. Seules 124 entreprises du secteur mobilisent de l’emploi, c’est le cas, par exemple, des sociétés portuaires. Les 124 entreprises salarient 1 394 personnes.