L’océan grignote-t-il notre littoral ?

Dans le cadre d’un appel à projet lancé par le ministère des outre-mer, deux projets calédoniens viennent d’être retenus. L’un des deux, porté par le service géologie de la Nouvelle-Calédonie, vise à mesurer l’impact du réchauffement climatique sur l’évolution du littoral au travers de l’étude de deux îlots du lagon Sud.

 

La formule est presque devenue incantatoire. Le réchauffement climatique, fait fondre les glaciers et logiquement augmenter le niveau des océans. Mais avant de prendre une place au sein de l’arche, il serait peut-être bien de savoir à quelle sauce nous serons mangés. C’est l’idée du projet EMIL, pour « Evolution Morphologique des Îlots du Lagon Sud », qui propose de caractériser les évolutions récentes et futures des îlots pour mesurer l’impact des changements environnementaux et des événements extrêmes.

Ce projet, porté par le service de la géologie de la Dimenc, Direction de l’industrie, des mines et de l’énergie en partenariat avec le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), l’Université et l’IRD (Institut de recherche pour le développement), a été retenu par le ministère des Outre-mer qui lance chaque année un appel à projets de recherche. COP 21 au mois de décembre oblige, le ministère a surfé sur l’actualité en prenant pour thème le changement climatique et l’émergence de solutions apportées par des études scientifiques. Seulement 14 projets ont été retenus parmi une foule de candidats, dont le projet calédonien EMIL.

OBLIC,

pour y voir plus clair

Si le projet EMIL devrait permettre de dégager une tendance quant à l’évolution morphologique des îlots du lagon sud, les institutions et les organismes de recherche calédoniens n’ont pas attendu cet appel à projet pour travailler sur la dynamique littorale. Depuis trois ans par exemple, le service de la géologie travaille en partenariat avec le BRGM. De ce rapprochement est né un observatoire, OBLIC (observatoire du littoral de Nouvelle-Calédonie). OBLIC, qui est lancé mais sans véritable cadre juridique, est un réseau qui a pour mission « de mutualiser les moyens et les connaissances des spécialistes qui travaillent sur le littoral », précise Bernard Robineau, le chef du service géologie. Et ils sont nombreux. IRD, Université, Ifremer, Shom (service hydrologique et océanographique de la marine), Météo France ou encore directions territoriales et provinciales…

« Notre objectif est de mettre à disposition toutes les données et les informations obtenues dans le cadre de projets de recherche ou d’études techniques sur le domaine maritime et le littoral résume Myriam Vendé-Leclerc, la géomaticienne du service de la géologie en charge de la coordination du réseau. La mise à disposition et le partage de ces données se font via le portail Georep (www.georep.nc) qui propose un explorateur cartographique, l’équivalent de notre Google Earth local. »

Mais OBLIC n’est pas la seule action du service de la géologie sur les questions du littoral. Le service a également pour vocation de lancer des études afin de définir l’évolution du littoral et les facteurs d’impact sur le milieu côtier. Le service reçoit le soutien d’un expert du BRGM, qui a notamment travaillé sur les conséquences de la tempête Xynthia qui a durement touché l’ouest de la France en 2010. Ce partenariat a permis de produire des rapports sur l’état du littoral calédonien depuis 2013 (ces études sont téléchargeables sur le site Internet de la Dimenc, www.dimenc.gouv.nc).

L’OBLIC devrait prochainement être officialisé avec la mise en place d’un accord-cadre entre les différents partenaires. « Cette formalisation légère nous permettra de mieux définir les rôles de chaque partenaire et de coordonner voire fédérer les projets pour capter de nouvelles sources de financement », note Myriam Vendé-Leclerc.

Mais déjà, la compilation des données a plus ou moins permis d’établir une typologie des côtes pour tenter de comprendre l’influence des différents facteurs que peuvent être la houle, le régime des vents ou des événements ponctuels comme les cyclones. « Là où l’on a pu observer scientifiquement la montée des eaux, cela s’est seulement traduit en millimètres par an, souligne Bernard Robineau. Y a-t-il une tendance à l’érosion et quelle est la part du facteur changement climatique ? »

Quel impact
du réchauffement climatique ?

Le chef du service rappelle que des phénomènes cycliques comme el Niño ou la Niña ont des effets très importants sur le niveau des océans. « Quand toutes les eaux chaudes dilatées viennent chez nous, le niveau de la mer peut monter d’une dizaine de centimètres, illustre le géologue. Et il y a d’autres phénomènes de saisonnalité ». EMIL propose d’étudier deux îlots connus, d’analyser leur évolution passée à partir des images satellites et de photos aériennes anciennes, de mesurer leur dynamique actuelle à partir de levés topographiques et de caractériser les facteurs climatiques dont les climats de vagues et les événements extrêmes. Ce projet devrait permettre de déterminer la part du réchauffement climatique parmi tous les phénomènes qui impactent les littoraux.

Les îlots,
un bon indicateur
de la montée des eaux

Le choix des îlots ne s’est pas fait par hasard. Il fallait trouver un lieu relativement accessible afin de faciliter le suivi sur deux années. Un élément important qui conditionne le bon suivi de l’étude dont le périmètre a déjà dû être revu à la baisse. Sur les 34 000 euros (4 millions de francs) demandés, le ministère des Outre-mer n’en a accordé que 18 000. Mais loin de se décourager, l’équipe de recherche compte bien parvenir à trouver les 16 000 euros manquant pour mener cette mission dans les meilleures conditions.

L’enjeu n’est rien de moins que de donner une base aux politiques publiques. « Les élus doivent tenir compte des tendances en particulier si elles sont à la perte de surfaces littorales, et des vitesses des phénomènes », insiste Bernard Robineau. Plan de protection des populations et grands travaux sont deux exemples d’actions qui peuvent résulter de l’analyse du littoral. Avant d’agir, il faut comprendre les processus qui impactent l’évolution de nos côtes.