L’obligation vaccinale reportée au 31 décembre : et après ?

Adoptée le 3 septembre, la délibération 44, qui instaurait notamment l’obligation vaccinale pour les personnes fragiles et les salariés des secteurs exposés au 31 octobre sous peine de sanction, a fait son retour au Congrès vendredi. À l’unanimité, la commission permanente l’a reportée au 31 décembre, comme pour le reste de la population, afin de « relâcher la pression ».

 

Les personnes vulnérables et les salariés des secteurs dits prioritaires ont gagné deux mois supplémentaires pour se faire vacciner. Un délai adopté à l’unanimité lors de la commission permanente réunie au Congrès vendredi 29 octobre, en fin d’après-midi, sous la présidence de Milakulo Tukumuli. La proposition de report avait en effet été déposée par l’ensemble des groupes politiques. En cause ? Le pourcentage de vaccination, qui est passé de 30 % à l’arrivée du virus à près de 70 %. « L’objectif premier était d’augmenter les statistiques de vaccination, il n’a jamais été de sanctionner les populations », précise Milakulo Tukumuli, avant de poursuivre : « Il y a des divergences sur beaucoup de sujets, mais s’il y en a eu un sur lequel tout le monde était d’accord lors de la table ronde sociale, c’était de dire, on décale la date. »

Le gouvernement et les entreprises pas prêts

Les élus indiquent aussi que le pays et les entreprises n’étaient pas prêts à appliquer les sanctions prévues au 31 octobre. « On n’était pas en mesure d’assumer l’application du dispositif », indique Philippe Michel, de Calédonie ensemble. Le plus important, ajoute Jean-Pierre Djaïwé, de l’Union nationale pour l’indépendance, est de lancer un signal pour rassurer les salariés qui subissent des pressions. « Il faut tout mettre en œuvre pour ramener une certaine sérénité dans le pays. » Un projet de loi du pays pour préciser ce qui peut être fait si un salarié n’est pas vacciné est en train d’être travaillé par le gouvernement.

Une voix dissonante

Dans ce concert unanime, une voix dissonante, celle d’Omayra Naisseline, de l’UC-FLNKS, qui a déposé cinq amendements pour préciser des points de la délibération. Ils ont tous été rejetés, pas tant en raison de leur contenu, mais de l’absence de concertation préalable. « C’est une démarche individuelle qui va à l’encontre de la démarche commune en cours », affirme Jean-Pierre Djaïwé. « Je regrette la méthodologie employée sur un sujet aussi clivant. On suit une démarche unitaire depuis le début et on doit continuer, insiste Milakulo Tukumuli. Après, dire que les divisions qui existent dans les familles n’apparaissent pas au Congrès, ce serait mentir. »

Un amendement a, en revanche, été adopté à l’unanimité des élus. Il demande au gouvernement de concentrer son action sur la population dite fragile, sachant que 90 % des personnes décédées présentaient des pathologies. L’idée est de les identifier et les contacter afin de les sensibiliser à la vaccination. Un plan doit être établi avant le 30 novembre et le gouvernement doit rendre compte de son évolution au Congrès.

Supprimer l’obligation ?

Car la crise n’est pas encore finie. Yannick Slamet, porte-parole du gouvernement, a tempéré l’optimisme de certains. « Les experts disent qu’il y a une déperdition de 20 % entre la première et la deuxième dose, ce n’est pas rien. » Et Philippe Michel prévient quant aux conséquences d’un rebond épidémique. « Si le pays prend un nouveau confinement, il va s’effondrer, les comptes publics et l’économie sont déjà dans un état catastrophique. »

Et après le 31 décembre, que va-t-il se passer ? Plusieurs élus veulent revoir l’obligation vaccinale. Selon Sylvain Pabouty, « si les indicateurs évoluent dans le bon sens, on pourra la lever ». Pour Virginie Ruffenach, il est temps de rediscuter du pass sanitaire et d’aller vers un allègement des contraintes. « Nous espérons avoir atteint un tel niveau d’immunité que nous pourrons revoir la délibération 44. » Plus radical, Guy-Olivier Cuenot parle de dictature sanitaire. « On doit passer à autre chose, il faut considérer d’un autre œil la délibération, voire arrêter l’obligation vaccinale et la sanction, qu’on puisse travailler sur un nouveau texte non liberticide. »

Les élus se revoient ce vendredi. Le matin, en mission d’information Covid avec le gouvernement et, l’après-midi, en commission permanente. Les discussions sur le sujet sont loin d’être terminées. Il reste deux mois.

 


Réactions

 

Milakulo Tukumuli, président de la commission permanente et élu du groupe UC-FLNKS Éveil océanien

« On pourrait annuler l’obligation vaccinale »

« On va essayer de trouver un consensus sur ces différents sujets que sont l’obligation vaccinale et le pass sanitaire. Après, à un moment donné, si on atteint 85 % de la population vaccinée ou immunisée, on a une immunité collective. On n’en est pas très loin. On pourrait donc relâcher la pression, voire déconfiner et annuler l’obligation vaccinale, mais il faut avancer pas à pas. Sur un sujet qui est clivant et qui divise les Calédoniens, nous les élus, devons être responsables. S’il faut annuler ou améliorer le dispositif, il faut qu’on ait une position unanime. »

 

Philippe Michel, élu Calédonie ensemble

« Préciser le régime applicable aux salariés non vaccinés »

« Pour les salariés des secteurs exposés, le gouvernement prépare, par une loi du pays, un dispositif complet qui explique quelles sont les alternatives à l’obligation de vaccination, les possibilités de reclassement, bref, précise le régime applicable à ces salariés qui refuseraient de se faire vacciner pour permettre à la vie économique dans ces entreprises de continuer à s’exercer normalement. »

 

Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance

« Solliciter d’autres vaccins »

« Nous allons solliciter d’autres vaccins, comme le Valneva. L’autorité de santé nationale évoque par ailleurs des traitements antiviraux qui semblent prometteurs. Et puis il faut du temps parce qu’on n’était pas prêts. La table ronde sociale a montré que le gouvernement n’avait pas contacté les personnes à risques pour les informer du fait qu’elles encourraient une amende si elles n’étaient pas vaccinées, et du côté des professions exposées, les médecins qui devaient être agréés par le gouvernement pour constater dans les entreprises ceux qui n’étaient pas vaccinés ne l’ont jamais été. »

 


Manifestations à Nouméa et Païta vendredi

Vendredi, le syndicat CSTC-FO a manifesté contre l’obligation vaccinale et le pass sanitaire devant le gouvernement. « Tout le monde doit être libre de choisir, estime Loretta Azerari, référente du syndicat de Boulouparis jusqu’au Nord. Il y a aussi un manque de confiance et des incompréhensions. On nous interdit le cimetière, mais on ouvre le bingo. J’ai la sensation que ce n’est pas pour nous protéger, mais davantage pour faire pression. »

 

À Païta, au niveau de la sortie Nord sur la Savexpress, un barrage filtrant a été installé tôt le matin. Pour Loretta Azerari, le report de l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire pour les secteurs sensibles du 31 octobre au 31 décembre ne sert à rien. « C’est reculer pour mieux sauter. Et après, qu’est-ce qu’il va se passer ? »

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P. et CSTC-FO)