« L’obligation vaccinale doit être réadaptée »

Votée juste avant l’arrivée du variant Delta, l’obligation vaccinale avait pour but de protéger le territoire, alors Covid-Free, en l’imposant aux personnes qui venaient en Nouvelle-Calédonie. Depuis, la situation sanitaire a changé et avec elle le devenir de cette obligation. Une décision doit être prise à l’issue de la table ronde qui réunira le gouvernement, les formations politiques et les partenaires sociaux samedi. Les précisions de Chrystopher Gygès, membre du gouvernement notamment chargé de l’économie numérique et du dialogue social.

 

DNC : Pourquoi l’obligation vaccinale était-elle la bonne stratégie à adopter au départ ?

Christopher Gygès : Dans un premier temps, on avait déposé le texte sur l’obligation vaccinale pour un certain nombre de secteurs qui pouvaient être en contact à risques avec l’extérieur, comme l’aéroportuaire, les professions de santé, et le Congrès a décidé d’aller plus loin pour protéger de l’introduction du virus, mais il est rentré.

Est-il temps d’adapter cette stratégie au vu de l’évolution de la situation sanitaire ?

C’est le but de la table ronde sociale de samedi. Elle doit être aménagée parce qu’il y a des manquements dans la délibération et qu’elle est inapplicable sur certains points. Elle a été votée dans un contexte qui n’était pas épidémique et elle doit être réadaptée en fonction du contexte actuel. On arrive à des dates où il y a des sanctions qui ne sont pas forcément bien perçues, acceptées et applicables. On a le pass et l’obligation vaccinale, il faut arriver à faire coïncider les deux pour avoir un outil qui marche bien.

Cela explique les tâtonnements rencontrés notamment sur les secteurs concernés, comme cela a été le cas dernièrement avec le personnel enseignant, qui n’aident pas l’obligation vaccinale à être bien perçue ?

En gestion de crise, on est toujours en tâtonnement. Les personnes qui nous disent comment va se passer une crise n’en ont jamais vécu. On réadapte les situations en permanence. Je salue le fait que l’obligation vaccinale ait été votée à ce moment-là. Aujourd’hui, elle n’est peut-être plus adaptée à la situation et elle mérite d’être révisée, sans revenir sur ses fondements, notre objectif principal était alors que la population calédonienne soit vaccinée.

Au vu des dissensions que cela crée au sein de la société, dans les entreprises comme dans les familles, est-ce que la table ronde de samedi n’arrive pas trop tard ?

Est-ce que vous pensez qu’en pleine crise sanitaire on aurait pu organiser ce type de réunion ? On est avec un taux d’incidence de 240 et non de 1200. On peut se poser ces questions-là parce qu’on ne travaille plus 23 heures sur 24 ou qu’on se demande comment ça va se passer en réanimation ou comment on doit gérer un hospitel. C’est la première matinée qu’on peut se dégager depuis plus d’un mois, c’est pour ça qu’on l’organise maintenant, après avoir dû gérer l’immédiateté, on n’a plus de temps pour se poser sur le fond.

On a le pass et l’obligation vaccinale, il faut arriver à faire coïncider les deux pour avoir un outil qui marche bien.

Pour autant, à dix jours du 31 octobre, de nombreuses questions se posent concernant notamment le devenir des salariés non vaccinés. Les décisions sont déjà prises ?

Non. Plusieurs sanctions sont sur la table. Il y a la suspension du contrat de travail, qui est appliquée en Métropole, notamment dans le cadre du pass sanitaire, et il y a eu des jurisprudences sur l’obligation vaccinale, le licenciement si la personne ne se fait pas vacciner, ce qui s’applique en Nouvelle- Calédonie.

Quelles solutions dans les secteurs sensibles, comme les professions de santé ?

Il y a un exemple d’aberration de la délibération qui dit que quand une personne n’est pas vaccinée, il faut la reclasser. Or, dans une entreprise soumise à l’obligation vaccinale comme Enercal, par exemple, comment on reclasse un salarié qui n’est pas vacciné ? Le reclassement est possible quand on est dans une logique de pass sanitaire. Une personne qui est obligée de se faire vacciner parce qu’elle est en contact avec le public peut se faire reclasser ailleurs dans l’entreprise. En revanche, sur les professionnels de santé, il n’y a aucun débat sur le fait qu’il y aura une obligation vaccinale.

Que peut-il se passer dans le cas contraire ?

Une suspension du contrat de travail.

Certains établissements de santé souffrent d’un manque de personnel, comment peuvent-ils continuer à fonctionner correctement ?

On prend parfois la décision la moins pire. Imaginer qu’on mette en place une obligation vaccinale et qu’on accepte que certaines personnes ne soient pas vaccinées, cela n’a plus de sens.

Que pensez-vous de la proposition de l’Éveil océanien de décaler l’obligation au 31 décembre pour tout le monde et de l’annuler si le taux de vaccination atteint 85 % ?

On applique ce qui est voté par le Congrès. Si le Congrès décide de décaler l’obligation vaccinale, on décalera. Après, il ne faut pas prendre des textes trop vite et décaler parce qu’il y a un peu de pression. C’est bien d’attendre la discussion entre partenaires sociaux et politiques de samedi pour trouver une décision commune.

Le reclassement est possible quand on est dans une logique de pass sanitaire.

Ce clivage de la société n’est-il pas néfaste à deux mois du référendum ?

Si on pouvait se passer d’une crise sanitaire au moment du référendum plus du texte sur l’obligation vaccinale, la réponse est mille fois oui, surtout de la part du directeur de campagne des Voix du Non. Oui, on aurait pu s’en passer, mais on l’assume. À partir d’un moment, il y a des questions qui transcendent nos avenirs politiques personnels quand il s’agit de protéger la population calédonienne.

Vous parlez de pédagogie, est-ce qu’on n’arrive pas encore une fois un peu tard, sachant que cela fait des mois qu’on aurait pu en faire ?

On en a fait, peut-être pas assez, il faut prendre notre part de responsabilité, on ne fait pas les choses parfaitement. Maintenant, il faut aller expliquer dans les quartiers et les tribus pourquoi c’est bien avec des personnes crédibles qui se sont fait vacciner, qui ont été malades et qui n’étaient pas vaccinées et qui ont des séquelles pour montrer ce qu’il se passe. Je comprends les craintes et les interrogations, on a le devoir d’expliquer jusqu’au bout l’intérêt du vaccin quand on prend ce type de mesures.

On connaîtra l’avenir de l’obligation vaccinale et du pass samedi ?

Oui, ou les deux, mais pas pour tout le monde.

 

Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)