Leur numéro ravive la « dernière étincelle de vie »

Claude Cousin, coordinatrice de la plateforme SOS écout / © E.B.

La plateforme SOS écoute reçoit chaque année des milliers d’appels de Calédoniens en détresse. En composant le 05 30 30, les personnes qui vont mal trouvent à l’autre bout du fil l’écoute dont ils ont besoin.

On désire tous à un moment de notre vie parler à une oreille attentive. Pouvoir se livrer sans honte à un interlocuteur bienveillant. Parce qu’on se sent seul, triste, désemparé, qu’on broie des idées noires ou parce qu’on se sent en danger.

Il existe un numéro gratuit à appeler : le 05 30 30. Six chiffres à retenir qui peuvent sauver des vies. Ceux qui les composent tombent directement sur la plateforme SOS écoute. Un simple « allô » qui fait parfois toute la différence. « On ne se présente pas, il n’y a pas de prénom », précise Nathalie*, une écoutante qui doit rester anonyme. À l’autre bout du fil, la personne ne va pas non plus dévoiler son identité.

La plateforme est ouverte du lundi au samedi de 9 heures à 1 heure et le dimanche et les jours fériés de 9 heures à 13 heures et de 17 heures à 1 heure.

 

Sauf en cas de danger imminent. « Quand on sent l’urgence, on déclenche le Samu, les pompiers… On leur explique qu’on ne peut pas garder cette information pour nous. Et il y a une certaine acceptation à chaque fois. » Les sujets abordés au téléphone sont très vastes. « On peut parler de tout », insiste Claude Cousin, la coordinatrice de la plate-forme.

Mais très souvent, c’est la détresse psychologique qui pousse les personnes à se confier. « On a aussi des appels sur les violences : intra-familiale, conjugale, extérieure, harcèlement… Sur les addictions, le handicap. Quand les gens ne vont pas bien, ça va aussi avec des événements politiques, des accidents comme les attaques de requins », énumère la coordinatrice.

Ils ont besoin de parler suite à un deuil, une rupture amoureuse, des problèmes financiers. Ils connaissent des difficultés d’hébergement, dans leur travail. Mais surtout, ils se sentent terriblement seuls.

PLUS D’UN APPELANT SUR TROIS SE SENT ISOLÉ

« L’isolement et la solitude concernent plus d’un appelant sur trois », fait remarquer Claude Cousin. Ces personnes, en manque de lien social, les contactent quotidiennement. « Ils vont expliquer leur journée. Savoir qu’une personne sait ce qu’ils ont fait, c’est important pour eux », confie Nathalie.

Parce que ce numéro est facile et accessible, les plus fragiles osent demander de l’aide tout en restant derrière leur téléphone. Parce qu’ils n’ont parfois pas la force d’affronter le regard de l’autre lorsqu’ils poussent la porte d’un service social ou d’un service d’aide. « Des solitudes sont rompues comme ça. »

L’écoutante va rester en moyenne 20 minutes en communication avec eux. Parfois beaucoup plus, si cela le nécessite. Pas question de raccrocher tant que l’interlocuteur à l’autre bout du fil ne va pas mieux. « Des gens peuvent aller très, très mal. Le dernier recours avant le passage à l’acte, la dernière étincelle de vie, c’est notre numéro », rappelle Claude Cousin.

Cette année, 90 appels de personnes en crise suicidaire ont été traités. Pour être préparées à de telles situations, les 13 écoutantes sont formées sur leur prise en charge. Elles suivent également une formation sur l’éducation émotionnelle et sexuelle, les violences et, bien évidemment, l’écoute active. « 80 % des appels sont gérés presque uniquement par l’écoute. Les 20 % restants vont nécessiter des orientations vers les services sociaux, les psychologues, les psychiatres, etc. », informe la coordinatrice.

METTRE DES MOTS SUR LA SOUFFRANCE

L’écoute fait partie du soin du malade. Il va déposer son angoisse, sa colère. « La personne a besoin de sentir qu’elle n’est pas jugée, que ce qu’elle ressent n’est pas anormal », souligne Nathalie. La plateforme n’est pas un espace de conseil.

Les écoutantes amènent leurs interlocuteurs à mettre des mots sur leur souffrance. « Les solutions qui nous iraient ne sont pas forcément celles qui leur conviennent. Ils arrivent à construire leur propre solution. À la fin, ils nous disent souvent “merci” alors que nous, on n’a rien donné », révèle-t-elle. Pouvoir se livrer sans être pollué par la pensée de l’autre. C’est ce qui fait la force de ce dispositif.

Edwige Blanchon

*Le prénom a été modifié

Des familles d’accueil pour les victimes de violences

En 2019, SOS écoute a mis en place un dispositif d’accueil d’urgence des victimes de violences. Elle propose des hébergements temporaires en famille d’accueil dans les huit aires coutumières, jusqu’à cinq jours.

Les services sociaux prennent ensuite le relais. Sur toute la Nouvelle-Calédonie, la plateforme compte 29 familles et 32 transporteurs. Fin 2022, 200 personnes ont été mises à l’abri (hors îles), dont 103 enfants.