Au moment de livrer leurs derniers mots de campagne ou de trier les bulletins dans l’isoloir, les candidats et les électeurs se posaient la même question : les émeutes qui font trembler la Nouvelle-Calédonie depuis le lundi 13 mai, vont- elles modifier sensiblement les résultats des élections législatives ? Autrement dit, les violences survenues en cette fin d’accord de Nouméa vont-elles amener les Calédoniens à changer leurs habitudes de vote ?
La réponse, tombée dimanche 30 juin au soir, est nette : nullement. À l’image du précédent scrutin, en 2022, les traditionnels blocs politiques s’affronteront au second tour dimanche 7 juillet dans les deux circonscriptions. Loyalistes affirmés contre indépendantistes convaincus. Nicolas Metzdorf opposé à Omayra Naisseline à Nouméa et dans les Îles. Alcide Ponga versus Emmanuel Tjibaou sur la Grande Terre. La confrontation entre les partisans de la Nouvelle-Calédonie dans la République française et les sympathisants pour l’accès du territoire à la pleine souveraineté semble infinie. Comme si, en ces moments de troubles, les électeurs avaient choisi de se réfugier dans les antiques chapelles pour se rassurer.
SURSAUT CITOYEN
Et ces habitants sont venus nombreux. Le taux de participation a atteint 60 %. Soit près du double de la fréquentation constatée il y a deux ans. Comment l’expliquer ? Beaucoup y verront un sursaut citoyen de toutes les communautés, une foi dans le débat démocratique, en ces heures d’exactions et de désolation. D’autres électeurs ont vu une forme de consultation d’autodétermination, au moment où la cellule de coordination des actions de terrain, ou CCAT, milite pour « Kanaky » sur les barrages. Ce qui s’est confirmé dans les urnes.
Le discours loyaliste modéré, pourtant défendu par le député sortant, Philippe Dunoyer, n’a pas été entendu. Tout comme la troisième voie portée par l’Éveil océanien n’a pas été qualifiée, même si le score est honorable.Candidats et électeurs s’interrogent à nouveau. Que sortira-t-il du choc dimanche dans les deux circonscriptions ? Les analyses des chiffres éclairent. Tout le monde appelle à la paix. Mais il y aura forcément des déçus.
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Houaïlou sans voix
Aucun bureau de vote n’a pu ouvrir dimanche 30 juin pour le premier tour des élections législatives anticipées à Houaïlou. L’accès à la mairie était bloqué par des émeutiers au moyen d’une carcasse de voiture, empêchant 3 800 électeurs environ d’atteindre les isoloirs. Outre des routes entravées, le poste de gendarmerie de la commune a été attaqué dans la nuit de samedi à dimanche avec un camion de mine utilisé comme un véhicule bélier, selon la chaîne NC La 1ère. Un peu plus tard, le Centre de formation aux techniques de la mine et des carrières (CFTMC) de Poro a été incendié. Mardi 2 juillet, selon le haut-commissariat, la situation restait tendue à Houaïlou.
À chacun sa consigne
Le sénateur Les Républicains Georges Naturel « appelle tous les Calédoniens qui refusent l’aventure de l’indépendance à se mobiliser pour apporter sans hésitation leurs voix aux deux candidats non indépendantistes Nicolas Metzdorf dans la première circonscription et Alcide Ponga dans la seconde ». Tandis que l’UPM, une des quatre composantes du FLNKS, se tourne logiquement vers Omayra Naisseline et Emmanuel Tjibaou, parce qu’« il n’y a plus d’autre voie possible que celle de l’accession du pays à sa pleine souveraineté par la construction collective d’un véritable destin commun ».
Pouembout égale à elle-même
La commune du nord-ouest de la Grande Terre est réputée pour maintenir un parfait équilibre entre les voix loyalistes et indépendantistes à chaque élection. Une curiosité liée à l’histoire et à la géographie communale marquée par le poids du village et des tribus. Le maire, Yann Peraldi, s’en amuse souvent. « Pouembout, c’est le vivre-ensemble ! » L’élection législative 2024 n’a pas échappé à la règle : l’indépendantiste Emmanuel Tjibaou a récolté 537 voix, tandis que le loyaliste Alcide Ponga s’en est attribué 536… Soit un seul bulletin d’écart.
Le RN porte plainte
« La campagne a été courte, mais violente. » Selon Alain Descombels, délégué du parti en Nouvelle-Calédonie, le Rassemblement national a porté plainte après la diffusion, la veille du premier tour, « sur un site dénommé La Calédonie en colère », d’« un montage photos montrant soit disant Mme Loueckhote en train de piller Conforama ». Ce site est attribué, d’après les responsables du RN local, à un mouvement politique loyaliste. L’ancien sénateur et candidat RN aux législatives 2024, Simon Loueckhote, a également entamé une démarche auprès des autorités judiciaires. « On ne peut pas publier d’informations abjectes, fausses », signale la personnalité originaire d’Ouvéa. « Mon épouse en a été très marquée. » Alain Descombels souhaiterait que « tous les élus condamnent » une telle affaire.
Yann Mainguet