L’État organise le troisième référendum en 2021

French Prime Minister Jean Castex (R) flanked by French Overseas Minister Sebastien Lecornu (L) arrive to attend a meeting with New Caledonian's delegates from "Lepredour" political group on May 26, 2021 at the Hotel de Matignon in Paris. (Photo by STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Au terme d’une semaine de discussions sur les conséquences du « oui » et du « non » au troisième référendum, le gouvernement français a fixé une date pour la consultation ainsi qu’un calendrier pour la sortie de l’Accord de Nouméa. Après le 12 décembre 2021, quel que soit le résultat, débutera « une période de transition » de dix-huit mois vers un nouveau statut.

« Le calendrier de la consultation est la compétence exclusive de l’État. » Au pupitre d’une annexe du Palais de l’Élysée, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, adopte un ton déterminé. Il rend compte de plusieurs décisions qui ont été prises au sujet de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et son objectif est, avant tout, de montrer que l’État a repris la main. « Il faut donner de la visibilité et faire cette consultation le plus rapidement possible : le 12 décembre 2021, poursuit Sébastien Lecornu. Cette date ne fait pas l’objet d’un consensus. Néanmoins, il y a une convergence des acteurs politiques pour la fin de l’Accord de Nouméa. »

Voilà qui illustre bien le ton du cycle de discussions parisiennes, qui s’est achevé cette semaine. Finalement, les représentants de l’État ont décidé de fixer une date, quitte à placer leurs interlocuteurs devant le fait accompli. Mercredi soir, Le Monde évoquait un accord entre les parties. Il se disait que le groupe de travail était tombé d’accord pour fixer la date au 12 décembre, alors même que les indépendantistes continuaient de plaider pour un scrutin en fin d’année 2022, après l’élection présidentielle.

« C’est l’État qui prend la décision, c’est l’État qui doit l’annoncer », lâchait, ambigu, Roch Wamytan, dans la cour du ministère des Outre-mer, quelques heures auparavant. Le président du Congrès et leader de l’Union calédonienne (UC) ne voulait pas en dire plus, pas avant que les annonces officielles aient eu lieu, mais il venait de résumer l’ambiance et les stratégies de « joueurs de billard à plusieurs bandes » de ce round de discussions politiques parisiennes.

À Nouméa, un communiqué de l’UC a prévenu que la déclaration « unilatérale » de l’État ne l’engageait pas et qu’elle n’avait fait l’objet « d’aucune validation par la délégation ».

Contacté par DNC, après les annonces officielles, Roch Wamytan expliquait que « cette date n’était pas le choix de notre groupe et l’État a décidé sans nous, même si on a défendu bec et ongles un référendum à la fin de 2022 ».

Optimiste, il préfère désormais se féliciter que « le document sur les conséquences du « oui » et du « non » est le fruit d’un travail inédit de l’État et une demande de longue date de l’Union calédonienne. Nous rentrons à Nouméa afin de faire connaître ce travail et de le défendre ».

Une forme d’« urgence »

Les membres du groupe Leprédour, venus en délégations élargies à Paris, ne représentaient pas l’intégralité du spectre politique du Caillou : l’UNI, composante incontournable du FLNKS, a estimé que rien ne pourrait être décidé hors du cadre des Comités des signataires et n’a pas jugé bon d’envoyer ses représentants. Ce calcul s’est avéré risqué : des avancées ont bien été opérées. De l’aveu même de plusieurs sources au gouvernement central, la division des indépendantistes a joué lors des rapports de force de cette séquence politique.

Le ministre des Outre-mer, lui, assume. « Au premier jour des discussions, notre décision n’était pas complètement prise, mais il est apparu qu’il y avait une forme d’urgence (…) et pour ne pas perdre de temps, et puisque ce référendum a été demandé vite par les formations indépendantistes, l’État va tenir sa parole », expliquait-il après le Conseil des ministres prenant en considération « l’intérêt général au titre de la visibilité, de la stabilité de la vie politique et surtout économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie ».

« Les absents ont toujours tort, a-t-il glissé, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas leur tendre la main. Nous ne ferons pas sans eux s’ils respectent les prérogatives de l’État. »

Une nouvelle page

C’est à l’Élysée que s’est terminé le cycle de rencontres politiques des responsables calédoniens, membres du groupe Leprédour. Reçues au palais par le président de la République, les délégations ont constaté que la date de la troisième consultation avait été « validée » par Emmanuel Macron. Auparavant, et parfois jusque tard dans la nuit, les discussions avaient été menées avec les services du Premier ministre, Jean Castex, à Matignon, mais aussi au ministère des Affaires étrangères, avec Jean-Yves Le Drian, ou encore en présence du chef d’état-major des armées, le général François Lecointre.

Au départ, toutes ces rencontres étaient censées se concentrer sur un document : Les conséquences du « oui » et du « non », produit par les services de l’État. Les discussions à ce sujet se sont déroulées « dans un climat apaisé », selon les participants, et le travail de l’État a été salué.

Mais une fois terminée cette phase de discussions autour du document censé « éclairer le choix des Calédoniens », les intitulés des réunions de travail sont devenus étonnamment flous. Il n’était officiellement pas question de négocier la date du référendum, simplement de « permettre à chacun de se positionner et d’avancer sur le chemin du dialogue, garantie de la paix », des mots de l’entourage du Premier ministre, Jean Castex.

Le sénateur Pierre Frogier s’était d’ailleurs retiré de la table des discussions faute de positionnement de l’État sur la date et dans la crainte qu’il suive le choix des indépendantistes.

« La date est très importante, il faut dégager l’horizon », réclamait sans faiblir Virginie Ruffenach, représentant l’Avenir en confiance au Congrès. Prenant très volontiers la parole dans les médias entre les réunions de travail, elle réclamait une décision forte de l’exécutif, à l’unisson de Sonia Backes, présidente de la formation. Elles ont vu leur demande satisfaite et s’en sont expliquées, sans éclat ni triomphalisme. Dans un communiqué, Les Loyalistes ont simplement salué cette décision. « La tenue de ce référendum avant la fin de l’année permettra aux Calédoniens de tourner la page de l’Accord de Nouméa pour enfin se projeter dans l’avenir avec sérénité. »

Nicolas Metzdorf (Générations NC) a invité les non-indépendantistes à aller « avec conviction » vers cette « dernière étape », pour gagner une troisième fois le référendum avant d’écrire un nouveau chapitre.

Et des questions

Le choix de l’État pose une foule de nouvelles questions. Certaines connaissent des réponses partielles. À quelle vitesse faudra-t-il réunir le Comité des signataires afin de lui faire entériner les propositions de l’État et où aurait-il lieu ? Des sources concordantes, à Paris, le situent quelque part entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet. Le lieu serait Nouméa avec une participation de l’État en visioconférence pour cause de crise sanitaire.

Le nouveau statut, au bout des deux ans de transition, « quelle que soit l’issue du référendum » sera-t-il soumis à un corps électoral élargi ? Là encore, selon des sources concordantes très proches du ministre des Outre-mer, « c’est un fait : le corps électoral ne restera pas gelé ad vitam aeternam. Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ne le permettraient pas. »

Ces propositions peuvent-elles désormais être refusées par les responsables politiques du Caillou ? C’est la particularité des discussions politiques parisiennes à propos de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : personne ne peut dire combien de problèmes soulève chaque tentative de solution.

À Paris, Julien Sartre.

©Stéphane de Sakutin / AFP