L’étape parisienne fissure le bloc indépendantiste

La délégation FLNKS a affiché son unité lors du déplacement à Paris, du 4 au 8 septembre. / © JULIEN DE ROSA, AFP

Les différents partis du FLNKS ne tirent pas les mêmes conclusions. L’Union calédonienne (UC) se retire et critique la méthode « fumeuse, hasardeuse et démunie de sens » de l’État. Ses partenaires de l’UNI veulent au contraire « avancer ». Le front temporise.

La séquence parisienne n’a pas été interprétée de la même manière. De retour à Nouméa, l’Union calédonienne (UC) a annoncé suspendre « toutes ses rencontres avec les représentants de l’État ». De son côté, l’Union nationale pour l’indépendance (UNI), l’UPM et le Palika, dit vouloir respecter la « parole donnée » et « faire avancer les choses ». Le président de l’Union progressiste en Mélanésie (UPM), Victor Tutugoro, revient de Paris avec quelques satisfactions. « Enfin, il y a un texte sur la table issu de plusieurs mois de discussions et de neuf rencontres avec les services de l’État », souligne-t-il.

Ce premier document sert de base, mais doit encore faire des « allers-retours entre Paris et Nouméa ». Il permet, selon Victor Tutugoro, de « fixer » les propositions de l’État que les indépendantistes soient d’accord avec ou non. L’UPM et le Palika acceptent la méthode et le calendrier. Les deux partenaires souhaitent retravailler le document et faire leurs propositions lors de la venue du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, programmée en octobre. « L’engagement a été pris d’en faire un document martyr, poursuit le président de l’UPM. Une synthèse sera faite fin octobre. Le texte issu des discussions sera soumis à nos congrès respectifs. »

« IRRECEVABLE »

Il est aujourd’hui nécessaire, selon Victor Tutugoro, de mener ce travail jusqu’au bout. Les véritables négociations sur l’avenir institutionnel pourront ensuite commencer. « À ce stade, on ne peut plus tergiverser, balaie-t-il, en réponse à la position de l’UC. C’est malheureux de constater que la parole donnée à Paris, à la plus haute autorité de l’État, n’est pas respectée par une partie de la délégation. »

Depuis la séquence parisienne, le plus vieux parti de Nouvelle- Calédonie a pris le temps de changer d’avis. Le 14 septembre, quelques jours après le retour des délégations calédoniennes et une « analyse politique », il a jugé le document « irrecevable car il nous ramène à 30 ans en arrière ». L’UC s’en tient à son communiqué dans lequel il déplore que l’État ne prenne pas en compte « ce qui est important pour le peuple kanak ».

Le parti pointe le « contentieux colonial », « l’irréversibilité de l’Accord de Nouméa », la notion de citoyenneté, les questions de rééquilibrage, le maintien des institutions et la « poursuite du processus de décolonisation » du territoire. « Ce n’est pas sérieux ! La confiance continue de se fragiliser », insiste l’Union calédonienne, qui se dit déçue par ce « projet de cinq pages ». La suite à donner sera décidée au congrès annuel prévu à l’île des Pins, du 9 au 12 novembre.

MESSAGE « BROUILLÉ »

Ces divergences d’opinions ne briseraient pourtant pas l’unité des indépendantistes. D’abord pour les élections sénatoriales et, semble-t-il, pour la suite des discussions. La candidature unique de Robert Xowie conserve les faveurs de tout le monde, y compris de l’UNI. Le maire UC de Lifou est suppléé par Valentine Eurisouké, ancienne membre du gouvernement local et élue UNI de la province Nord. Le FLNKS invite les grands électeurs à choisir, le 24 septembre « l’équilibre politique » en portant un indépendantiste au Sénat. Pour les discussions sur l’avenir institutionnel, Roch Wamytan reste le chef de la délégation indépendantiste lors des prochaines bilatérales. « Cela ne change rien, insiste le membre de l’UC. Ce qui est important, c’est le document sur lequel nous allons travailler. »

Le FLNKS devrait donc bien revoir la copie de l’État, dite « martyre » pour son caractère temporaire. Les deux camps doivent apporter leurs corrections et leurs critiques, avant une éventuelle version finale. « Nous allons “martyriser” ce document. Tout le monde va travailler dessus », assure Aloisio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien (RDO) à l’animation du front. « L’UC veut lever le pied, mais participera au travail commun pour formuler la réponse qui sera apportée à l’État », renchérit Roch Wamytan.  Les indépendantistes soulèveront tous les « manquements » du texte qu’ils estiment « bien loin » de l’accord global. « Nous disons la même chose, mais avec des mots différents », insiste Aloisio Sako.

Lors d’une réunion organisée mardi 19 septembre, la mouvance indépendantiste a d’ailleurs décidé de « recadrer les choses ». Tous les partis vont devoir « faire un effort » pour éviter de « brouiller le message » auprès du grand public. « Nous avons le même objectif », répète Aloisio Sako. La communication au sein du front sera à l’avenir plus contrôlée. Du moins jusqu’aux congrès, tous prévus entre octobre et novembre. Chacun devrait alors exprimer son souhait entre poursuite ou mise en pause des discussions.

Brice Bacquet

Non, ce ne sont pas des trilatérales

Sur ce point, les indépendantistes réaffirment la même chose.
Les discussions organisées à Paris en présence du camp loyaliste ne peuvent pas être qualifiées de « trilatérales ». Il n’y a pas eu de discussions entre les trois partenaires, insistent différents membres de la délégation FLNKS. « Depuis que l’État est sorti de son impartialité, nous ne sommes plus que deux », précise Roch Wamytan.

Les négociations n’ont pas commencé, que ce soit avec les ministres ou avec les non- indépendantistes. Il ne s’agissait donc que d’une remise commune du document présentant les propositions de l’État.

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L’État a présenté ses propositions lors des rencontres parisiennes début septembre. Un document qualifié de « martyr », son objet étant d’être trituré, amendé, enrichi par les partenaires jusqu’à obtenir une version finale qui fasse consensus. →

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