Les visites clarifient les positions

« Sonia Backès a très largement contribué à la gravité de la situation en Nouvelle-Calédonie par une forme de radicalité qui est une posture politique » a noté Marine Le Pen, cheffe de file du RN, sur la chaîne LCI jeudi 29 mai, au lendemain de sa rencontre avec la présidente de la province Sud. Photo Y.M.

Les passages en Nouvelle-Calédonie de Marine Le Pen, du RN, et de François-Xavier Bellamy, des LR, ont confirmé la fracture entre les partisans d’un compromis politique et ceux favorables à l’application stricte du résultat des référendums. Une ligne sur laquelle Loyalistes et Rassemblement sont de plus en plus isolés. 

Le hasard fait bien les choses. Les visites simultanées, du 28 au 31 mai, de Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national, et de François-Xavier Bellamy, vice-président du parti Les Républicains, ont permis de valider au moins deux points.

L’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie constitue bien un enjeu national à intégrer dès aujourd’hui dans les discours en vue de l’élection présidentielle de 2027. Des représentants de médias métropolitains accompagnaient d’ailleurs la députée du Pas-de-Calais et traquaient la petite phrase quotidienne, sans vraiment se soucier de l’environnement local.

Second aspect, l’extrême-droite RN et la droite LR ne partagent pas du tout la même proposition pour sortir le territoire de l’impasse. Les échanges indirects sont même plutôt hostiles. Ce qui a confirmé la fracture de l’échiquier politique calédonien, observée début mai lors du « conclave » de Deva achevé par un échec.

Cet écart n’est pas vraiment rassurant dans l’optique du grand rendez-vous parisien à l’appel du président de la République, Emmanuel Macron, annoncé à partir de la mi-juin, mais déplacé en fait au 2 juillet selon le média Outremers360. Cette nouvelle rencontre au sommet a pour objectif de « parvenir à un accord partagé ».

« LES GERMES D’UNE GUERRE CIVILE »

Il y a en fait deux pôles. Le premier encourage à un compromis politique. Lors de sa réunion publique à Nouméa vendredi 30 mai au soir, Marine Le Pen a invité à tenir compte du résultat des trois consultations d’autodétermination, mais aussi des scores, ceux de novembre 2018 et d’octobre 2020, les plus représentatifs. « Il y a 55 % des gens d’un côté et 45 % de l’autre. Un projet, ce n’est pas 55 % contre 45 % ! Ce sont les germes d’une guerre civile », a lancé à la salle archipleine la patronne du Rassemblement national.

Son plan, déjà mentionné l’an dernier, est qualifié par ses soins de médian : un temps de stabilité favorable au redressement économique et à l’investissement, avant un référendum dans 30 ou 40 ans. Une consultation binaire ou sur un projet, le cadre n’est pas précisé à ce stade.

« La question, désormais, ce n’est pas nier l’exercice du droit à l’autodétermination, c’est faire en sorte qu’il s’exerce non pas en opposant les Calédoniens, mais en les rassemblant », appuie Calédonie ensemble qui apprécie ici, le sens des responsabilités du RN, même si le parti de Philippe Gomès ne partage pas sa ligne politique générale.

L’Éveil océanien voit bien, en effet un référendum de projet, au terme d’un avenant de 15 ans à l’accord de Nouméa. Cette période serait utile pour la reconstruction de l’archipel. L’UNI et l’UC plaident, eux, en faveur du projet fondé sur une souveraineté avec la France, défendu par le ministre des Outre-mer Manuel Valls. Le FLNKS doit se réunir en convention, dimanche 8 juin, pour se positionner sur l’invitation d’Emmanuel Macron.

Le second pôle exige un respect strict du résultat des trois référendums en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. Dépasser ce principe revient, selon Les Loyalistes et le Rassemblement, à s’abaisser devant la violence et à bafouer la démocratie. « Ce voyage de madame Le Pen restera dans l’histoire comme celui du renoncement. Celui de monsieur Bellamy aura été celui de la République », a même écrit le député Nicolas Metzdorf, juste après la réunion publique du RN.

Le numéro 2 des Républicains, François-Xavier Bellamy, est allé plus loin encore durant son séjour en exigeant le dégel total et immédiat du corps électoral provincial. Cette ambition-là, aujourd’hui techniquement impossible, avait déclenché les émeutes de mai 2024.Pour le responsable national, « le processus de décolonisation a pris fin, il s’est terminé avec les trois référendums ».

LA FISSURE LR 

Au regard du sens des propositions tant de l’État que du RN ou de Calédonie ensemble, les mouvements politiques Les Loyalistes et Rassemblement, soutenus sur le terrain par le Collectif de résistance citoyenne (CRC), sont isolés sur cette ligne absolue, sans concession. Ce positionnement ferme à l’heure actuelle toutes négociations.

Or, début mars, le ministre Manuel Valls avait incité à « être innovant » dans la construction d’un accord institutionnel. Et Gérard Larcher, président du Sénat, pourtant issu du parti Les Républicains comme François-Xavier Bellamy, avait proposé à Nouméa en novembre de réfléchir sur la notion de « souveraineté partagée ». La formule invitait à dépasser la logique des blocs improductive. Cette suggestion laisse donc penser qu’il existe aujourd’hui une fissure sur la question calédonienne au sein de l’appareil national LR.

D’ailleurs, Sonia Backès, des Loyalistes, qui a vivement applaudi les interventions de l’invité et député européen François-Xavier Bellamy durant son déplacement, se reconnaît-elle désormais dans les aspirations d’Emmanuel Macron ? La proche concertation à Paris apportera la réponse.

Yann Mainguet