Les violences conjugales fréquentes durant la grossesse

La grossesse ne protège pas les femmes des violences de leur conjoint. Bien au contraire. C’est souvent un facteur aggravant ou déclenchant. Une consultation de périnatalité au pôle mère-enfant du CHT permet d’accompagner les victimes.

En Nouvelle-Calédonie, il est estimé que 40 % des violences conjugales débutent lors de la grossesse, un moment où la femme est particulièrement vulnérable. « La dynamique relationnelle du couple peut être perturbée par l’arrivée d’un bébé, le futur papa peut craindre d’être délaissé, il peut être jaloux ou profiter de la position fragile de la maman », détaille Nora Milliez, pédopsychiatre.

Or les conséquences physiques et psychologiques de la violence sur la mère, l’enfant, la grossesse et le lien parent/enfant peuvent être dramatiques.
Les coups et blessures portés conduisent, dans 90 % des cas, à des métrorragies, c’est-à-dire des saignements qui peuvent provoquer un décollement du placenta ; dans 60 % des cas à une rupture prématurée des membranes ; dans 48 % à du diabète et dans 40 % des cas à une hypertension artérielle. La violence peut aussi conduire à de graves conséquences psychologiques et neurologiques pour la mère et générer des conduites à risque, dépression et envies suicidaires.

Le risque sur le fœtus est grand. On observe des fausses couches, des accouchements prématurés (37 % des cas), du stress materno- fœtal, des retards de croissance (20 % des cas). Globalement, 60 % des enfants nés dans ce contexte sont fragiles.

434 consultations

Selon les sages-femmes, en première ligne, toute la période périnatale, qui couvre l’année précédant la grossesse jusqu’à la première année de l’enfant, est fragile et décisive.

C’est sur la base de ce constat, et pour accompagner les victimes, que le pôle mère- enfant du CHT a mis en place, en 2019, une consultation de psycho-périnatalité. « On observait des situations compliquées et on avait des difficultés à recueillir les paroles des victimes, explique Céline Mériadec, cadre sage-femme. Or les professionnels de la santé périnatale ont un rôle primordial dans le repérage. La volonté était de structurer notre réponse. »

Cette consultation permet d’abord d’écouter la victime et d’apporter des informations, par exemple, sur les possibles séquelles sur l’enfant à naître qui ne sont pas toujours connues. Les professionnels « mobilisent les ressources personnelles et parentales de la maman, puis ils vont proposer des orientations, l’objectif ultime étant que le bébé et la maman aillent bien ». Ils apportent au besoin une réponse pluridisciplinaire et ciblée avec des psychologues, des assistantes sociales et tout un réseau de partenaires comme les associations, notamment en lien avec le dispositif d’aide aux victimes (DAV), guichet unique pour les victimes de violences situé au Médipôle. Depuis un an, 20 % des femmes enceintes suivies au Médipôle (434 sur 2 200) ont consulté dont un tiers pour des violences conjugales (158 femmes) et 82 étaient concernées par des violences actives.

Un an après la mise en place de ces consultations, le pôle mère-enfant a réuni pour une journée de sensibilisation et d’information les acteurs de la protection médicale ou sociale concernés, les sages- femmes, les pédopsychiatres, assistances sociales, forces de l’ordre, les associations comme SOS écoute, le réseau périnatal… Il s’agissait de mieux faire connaître ce dispositif, renforcer les liens, évoquer des cas concrets. « La volonté est vraiment d’attirer l’attention de tous sur la fragilité que représente cette période pour protéger les mamans et leurs bébés et, plus largement, la société et les futures générations puisque l’on sait que les environnements violents ont tendance à être reproduits », souligne Gina Carpentier cadre supérieur du pôle mère-enfant dans un message également envoyé aux gestionnaires de l’hôpital et plus largement aux politiques pour un soutien plus important en la matière.

La consultation est en tout cas une source de satisfaction. L’idée serait maintenant de mettre en œuvre des relais en province Nord et dans les Îles, la violence sévissant partout.

C.M.

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