Les sénateurs favorables à des bilatérales en Nouvelle-Calédonie

Les rapporteurs de la mission d’information du Sénat sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie (commission des lois) ont présenté, mercredi 27 juillet, leur rapport d’étape. Ils appellent le gouvernement central à revoir rapidement sa méthode pour « renouer les fils du dialogue » avec les élus calédoniens afin de trouver une issue à l’Accord de Nouméa. Tenir des bilatérales sur le territoire serait un début.

Les sénateurs François-Noël Buffet (LR-président de la commission), Philippe Bas (LR), et Jean-Pierre Sueur (socialiste, écologiste et républicain) ont donc présenté leur rapport d’étape, préalablement approuvé par la commission des lois de l’institution.

Un travail nourri par les auditions de spécialistes du sujet en Métropole notamment de juristes et les rencontres qui se sont tenues en Nouvelle-Calédonie au mois de juin avec les représentants politiques et de la société civile, a rappelé François-Noël Buffet.

Le document expose les principaux enseignements tirés de ces entretiens et formule six recommandations relatives à la méthode qui devrait selon eux être employée pour conduire les prochaines négociations.

« Un lien distendu »

La situation actuelle est « préoccupante » disent les sénateurs qui observent que le lien entre l’Etat et les responsables politiques locaux « s’est clairement distendu » depuis juin 2021 et l’annonce par l’ancien ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, de la date du troisième référendum et du calendrier jusqu’au référendum de projet.

Les parlementaires font état d’un climat « d’insatisfaction, d’attente, d’instabilité institutionnelle » qui n’est pas sans conséquences. « L’économie marque le pas, les clivages politiques ont été accentués par les référendums successifs » souligne Philippe Bas.

Le gouvernement est épinglé pour son manque de « tact » en vue des négociations. « Un premier voyage a été annulé parce qu’une ministre a pris d’autres fonctions, un deuxième a été annulé et il y a eu la nomination de Sonia Backes au sein du gouvernement » énumère Jean-Pierre Sueur. Une nomination évoquée à plusieurs reprises. Les sénateurs s’accordent pour dire qu’elle est « difficile à comprendre » pour un gouvernement censé être « impartial ».

Résultat, une fin de non-recevoir de la part des indépendantistes pour le Comité des signataires convoqué « sans consultation ». «Quand on prend des décisions à l’emporte-pièce, sans consulter, on ne peut aboutir qu’à l’échec » juge Jean-Pierre Sueur.

Cette période tendue ne peut s’éterniser disent-ils, d’autant qu’elle risquerait aussi de compromettre les élections provinciales de 2024 pour lesquelles se pose la question du corps électoral, toujours restreint.

Il est observé que le gouvernement s’est inscrit dans un calendrier « volontariste » avec ce référendum en 2023. Mais les rapporteurs doutent clairement de sa faisabilité : « Il faudrait qu’il y ait un projet, qu’il obtienne une majorité et donc qu’il soit négocié… Or le dialogue est rompu. »

Si les conditions étaient finalement réunies, il faudrait encore que le référendum soit possible et les juristes s’opposent sur le besoin ou non de changer la Constitution, un élément qu’il faudrait aussi considérer dans le calendrier.

« Nous constatons une controverse juridique. Il y a dans la Constitution plusieurs fondements possibles pour des consultations (…) Un certain nombre de juristes nous dit qu’un référendum de projet ne peut trouver de fondement dans aucune disposition de la Constitution. D’autres prétendent le contraire. Il n’est pas possible d’organiser un tel référendum sans avoir tranché ces dispositions juridiques pour assurer la sécurité juridique de ce référendum », détaille Philippe Bas.

Six propositions 

Pour réunir les conditions du dialogue, les sénateurs émettent six propositions.
La première : garantir l’impartialité de l’État et consolider son rôle de proposition sur le dossier calédonien. Ils estiment aussi qu’il faut élargir les discussions à tous les défis auxquels devra répondre la Nouvelle- Calédonie (économie, société, santé, école, environnement, finances, contexte régional, culture).

Il est ensuite nécessaire d’écouter et de consulter tous les acteurs de la société civile, et « fondamental » de s’appuyer sur tous les maires de Nouvelle-Calédonie qui doivent être associés aux discussions « le plus vite possible ». Il faut par ailleurs associer pleinement le Parlement et enfin conduire des discussions politiques éclairées par des considérations juridiques.

« En Nouvelle-Calédonie, l’histoire a montré que le politique avait toujours précédé le juridique » argumente Jean-Pierre Sueur. Il faut donc « s’inspirer de ce qui a pu être fait par des hommes de bonne volonté durant 34 ans » avant de faire preuve, comme dans le passé de « créativité judiciaire ».

« Je suis persuadé qu’il y a un chemin qui prendra en compte la spécificité de la Nouvelle-Calédonie et l’attachement à la France. C’est au milieu que se situe la solution » conclut-il.

Les sénateurs souhaitent que le dialogue puisse se faire « sans tabous » notamment sur la question du droit à l’autodétermination « qui figure dans l’accord de Nouméa » et les règles électorales. Ils pensent aussi et surtout que les discussions doivent se tenir en bilatérales et en Nouvelle-Calédonie comme le souhaitent les indépendantistes.

Leur rapport définitif sera rendu en octobre. Ils espèrent d’ici là « entrevoir de bonnes initiatives du gouvernement ».

Mercredi, les députés ont à leur tour lancé une mission d’information pour suivre l’évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie.

C.M.

©C.M. Archives DNC

Pour Philippe Bas, François Noël Buffet et Jean-Pierre Sueur « chacun doit être respecté ».