Les scientifiques se penchent sur le parc de la mer de Corail

Le parc naturel de la mer de Corail, piloté par la direction des Affaires maritimes, organisait cette semaine trois journées de réflexion et de débats réunissant des experts locaux et internationaux. Objectif : que les décideurs et les scientifiques échangent sur ce qu’ils souhaitent faire concrètement de ce parc. Le comité de gestion espère proposer un plan complet au gouvernement d’ici avril 2017.

La rencontre a réuni 80 représentants locaux, des associations, des institutions ou aires coutumières du comité de gestion, une vingtaine de scientifiques locaux et autant de chercheurs internationaux venus d’Australie, de Nouvelle-Zélande, des Fidji ou encore du Canada.

Il s’agissait de présenter la première ébauche du plan de gestion du parc naturel, de faire un retour d’expérience sur des initiatives similaires à l’étranger et d’échanger au sein de quatre ateliers de travail : « le patrimoine naturel et culturel protégé », « les usages durables et responsables reconnus », « la bonne gouvernance » ou encore « l’intégration à l’échelle locale, régionale et internationale », soient les principaux thèmes validés le 7 juillet dernier.

Zonage

Parmi les sujets les plus largement abordés lors de cette rencontre, la question essentielle du zonage. On évoque, en effet, la création de grandes aires marines protégées au sein de ce parc, des aires qui seraient, « tel un musée », gardées intactes pour les générations futures et utilisées comme référence pour le suivi environnemental des autres zones.

Une autre partie serait soumise à ce que l’on appelle le développement durable, ouverte, dans une certaine mesure, à la pêche, au tourisme, etc. « On sait où sont les sites à protéger, les scientifiques les connaissent. Mais pour l’instant, il n’y a pas de zones formellement arrêtées », a commenté à ce sujet Christophe Chevillon, directeur de l’ONG Pew en Nouvelle-Calédonie. Les protections totales se heurtent, comme ailleurs, à des considérations relatives au développement économique et aux pêcheurs en particulier, qui sont tout simplement contre cette idée. « Tout l’enjeu sera donc de savoir où l’on place le curseur géographique », ajoute Christophe Fronfreyde, directeur adjoint des Affaires maritimes.

Développement durable

Il a donc été aussi question de développement économique possible au sein de ce parc. L’extraction des ressources (gaz, pétrole, …) a bien été évoquée tout en « restant au stade de l’hypothèse ». On a davantage insisté sur le potentiel des énergies renouvelables, des marées, des microalgues et du tourisme scientifique ou de la pêche raisonnée considérant toujours la nécessité d’avoir le moins d’impact possible sur les ressources. « L’idée générale est de dire que toutes les activités doivent être profitables au parc et aux populations », a commenté Christophe Chevillon. En ce qui concerne la pêche, il s’agirait de « geler l’empreinte », c’est-à-dire de ne pas impacter davantage les ressources.

Avis

Sur le plan de gestion en lui-même, les observateurs ont émis quelques commentaires : ils ont estimé que ce plan était « particulièrement ambitieux » (pour ne pas dire trop ?), qu’il fallait « clarifier les objectifs », « retarder » a priori la deadline de 2017, établir un « budget pérenne » pour la gestion du parc et les recettes qui pourraient être utilisées (ex : taxe pour les pêcheurs à l’entrée). Les participants ont enfin insisté sur l’importance de mieux connaître « l’utilisation des espaces par les espèces » ou encore d’inclure les espèces comme les perroquets à bosse parmi les individus à protéger et non pas seulement les requins et les baleines, plus évidentes. Enfin, les observateurs ont insisté sur la nécessité de « mieux connaître la perception du parc par le public » pour l’intégrer au mieux aux discussions à venir.


Questions à Daniel Pauly, biologiste

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Daniel Pauly est un biologiste de l’université de Colombie-Britannique, à Vancouver (Canada), reconnu comme l’un des plus grands spécialistes au monde des ressources marines.

 

Que retenez-vous de ces trois jours de discussions ?

Je pense qu’une partie du public et des acteurs ne sont pas vraiment conscients des enjeux qu’implique la déclaration du parc. Cela doit être autre chose qu’un parc en papier. Une fois qu’il a été créé, il faut avoir une structure indépendante, engager des discussions et déterminer des zones et des usages. Et certains usagers comme les pêcheurs ne veulent pas en entendre parler, quand bien même à présent ils n’utilisent pas tout le territoire. Cela veut bien dire qu’il y a des ambitions futures ou bien une incompréhension de ce qu’est la ‘durabilité’. Il va falloir choisir entre créer un parc qui fonctionne bien ou simplement créer un nom… Comme à Kiribati où pendant longtemps, on a continué à faire des activités totalement incompatibles avec une réserve.

Vous insistez également sur la nécessité de prioriser les objectifs

Oui, cela me paraît problématique. On fait de grandes listes où l’on met tout ce que l’on veut faire. Mais selon moi, il serait opportun d’isoler plutôt certains aspects et de ne garder que les priorités. Le débat sur l’exploitation potentielle des ressources des sous-sols me paraît inutile pour l’instant. On ne sait même pas si l’on en arrivera là un jour. Pareil pour les touristes, il n’y a pas de tourisme pour l’instant ! Donc, le plan, qu’il est nécessaire d’élaborer dans les prochains mois, devrait se concentrer sur ce qui existe déjà comme la pêche. Après, quand d’autres aspects surviendront, l’Agence pourra s’adapter et réagir intelligemment. J’ajouterais aussi qu’il faut que cette structure soit indépendante pour pouvoir affronter tous les défis qui l’attendent. Elle ne peut pas promouvoir et contrôler. Les responsabilités devraient d’ailleurs être séparées au sein même des ministères. Il faut pouvoir penser librement à ses missions.

Pour quelles raisons précisément ce parc est-il absolument nécessaire, selon vous ?

Vous êtes le seul pays de la région à avoir un tel environnement extra-lagunaire. C’est fragile ! Alors que toutes les ressources ont disparu tout autour, toute cette richesse attire les braconniers, les pêches illégales. Et plus les ressources dans les pays environnants vont diminuer, plus cette différence va être visible. Vu les moyens dont disposent les pêcheurs pour nettoyer les récifs en une nuit, il faut pouvoir être très réactif. Il faut penser à vos ressources parce que les autres y pensent sans aucun doute. Et en ce qui concerne le public, à qui tout cela peut paraître abstrait ou lointain, je pense qu’il est tout à fait possible d’avoir une relation, une fierté, un attachement avec une richesse que l’on ne connaît pas ou qu’on ne voit pas forcément…


Calendrier

Le parc s’est doté d’un comité de gestion, composé de représentants des institutions, des aires coutumières, des acteurs socioprofessionnels et des associations environnementales, qui élabore et propose un plan de gestion.

Les grands axes de ce plan ont été validés le 7 juillet dernier, lors du 3e comité de gestion du parc naturel de la mer de Corail. En avril 2017, il sera soumis pour approbation au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, avec en amont à partir de novembre prochain, une phase de consultation publique.


Le parc naturel de la mer de Corail

Créé par le gouvernement en avril 2014, il couvre la totalité de l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie, soit près de 1,3 million de km2, situé 20 km après les récifs.

Un tiers des récifs de ce parc sont intacts alors qu’à l’échelle mondiale, on considère qu’ils ne sont plus que 1,5 % à être dans cet état vierge ou originel. Au sein de ces sites « Pristine », on trouve un grand nombre d’espèces, des individus de grande taille et des comportements différents aussi.

C.M.