Les professionnels de santé très inquiets

Le Ruamm, régime unifié d’assurance-maladie, est à bout de souffle. À la limite de la cessation de paiement, la Cafat doit sortir d’une situation structurellement déficitaire. Les professionnels de santé sont très inquiets pour leur avenir et le système de santé en général.

La faillite ! La sécurité sociale calédonienne est au bord du gouffre. Il est vrai que ce n’est pas vraiment la première fois que les administrateurs de la Cafat comme les professionnels de santé poussent de hauts cris pour que l’on sauve notre système de santé. Si les enjeux n’étaient pas aussi importants, on pourrait presque ne plus entendre ces appels tant ils reviennent de manière régulière. Mais le fait est là, la Cafat doit débourser chaque jour plus de 200 millions de francs et elle ne les a tout simplement pas.

Pour boucler ses trimestres, la Cafat doit donc pleurer auprès des pouvoirs publics pour que l’Agence sanitaire et sociale (ASS) bouche ses trous. Le gouvernement doit même parfois mettre la main directement à la poche. Car l’ASS dispose de certains moyens, mais pas de tous. Depuis maintenant deux ans, les recettes de la Cafat stagnent, ce qui n’est pas le cas des dépenses. Pour 2016, le Congrès a validé un taux d’augmentation des dépenses de santé de plus de 7 % pour 2016. Cette tendance devrait se maintenir l’année prochaine avec la montée en puissance du Médipôle.

Partenaires des discussions

Jusqu’à présent, la caisse était parvenue à joindre les deux bouts en ralentissant les remboursements des professionnels de santé comme les pharmaciens, les kinés ou encore les orthophonistes, sans que les patients n’en subissent la moindre conséquence. Ce ne sera peut-être plus le cas. Les professionnels entendent ne plus servir de variable d’ajustement et refusent de faire assumer le déficit structurel à leurs salariés et leurs entreprises. Des revendications légitimes qui s’expriment alors que la Cafat enregistre une stagnation de ses recettes depuis deux ans et que les perspectives sont plutôt sombres. Sans activité économique, à la base de l’emploi et donc des cotisations, pas de recettes nouvelles pour la Cafat. Ce n’est en revanche pas le cas des dépenses qui poursuivent chaque année leur progression, au gré de l’évolution démographique, du vieillissement de la population ou encore l’explosion de maladies comme le diabète.

Si le cadre ne change pas, on voit mal comment les choses pourraient s’améliorer. C’est précisément pour cette raison que la Fédération des professionnels de santé a battu le rappel des troupes afin de réfléchir aux suites à donner. Pour rappel, la Fédération a précisément été créée en 2011 en réaction aux retards de paiement de la Cafat. Force est de constater que le problème a empiré. « Nous voulons être associés aux discussions pour sauver nos professions et le système, insiste Audrey Willmott, vice-présidente du Syndicat des orthophonistes également membre de la Fédération des professionnels de santé. Dans le cadre des assises de la santé et du plan Do Kamo, il est ressorti l’importance d’une vision partagée du système de santé. C’est ce que l’on demande maintenant, d’être associés et d’être de véritables partenaires dans les discussions. »

Agir et vite

La Fédération appelait ses membres à se mobiliser jeudi soir afin d’entamer une réflexion sur les actions à mener et les pistes possibles. Le déconventionnement est une des pistes abordées. L’idée est simple, elle consiste à dénoncer la convention passée entre la caisse de remboursement et le médecin qui permet aux patients d’être remboursés. Sans convention, pas ou très peu de remboursement. C’est au patient de prendre à sa charge sa consultation. Idem pour un pharmacien non conventionné. Gros avantage pour la caisse, cela allège considérablement ses dépenses. Gros inconvénient pour les assurés, leurs cotisations n’ont de sens que s’ils consultent un professionnel conventionné.

À l’échelle de quelques professionnels, les conséquences seraient supportées par ces mêmes professionnels que les patients éviteraient de consulter. Un déconventionnement massif aurait un impact profond sur le système et la capacité des Calédoniens, en particulier des plus modestes, d’accéder aux soins. Les praticiens métropolitains agitent actuellement ce chiffon rouge. Le mouvement contre le projet de loi Santé a commencé à Roanne en novembre 2015 et s’étend petit à petit. S’il pénalise le patient, le déconventionnement a aussi des conséquences pour les professionnels qui perdent un certain nombre d’avantages.

Mais avant d’en arriver à cette extrémité, il existe bien d’autres pistes comme le déremboursement de certains actes, la réduction de la prise en charge par les caisses, la hausse des cotisations ou encore l’engagement des praticiens de mieux maîtriser les prescriptions… Quoi qu’il en soit, les élus devront rapidement mettre un terme à cette fuite en avant de la Cafat qui ne pourra se finir que dans le mur. L’ASS vient de renflouer le Ruamm pour ce trimestre et les caisses sont désormais vides. Le trimestre à venir promet d’être difficile.

M.D.