Les pays à l’épreuve du coronavirus

Apparu à Wuhan, en Chine, au mois de décembre, le nouveau coronavirus fait chaque jour un nombre croissant de victimes même s’il reste pour l’instant moins fatal que d’autres virus de la même famille. On recensait mercredi soir plus de 6 000 cas et 132 morts à l’échelle internationale, principalement en Chine, mais aussi en Asie, en Europe et dans le Pacifique, ce qui pousse chacun à adopter des règles de sécurité plus ou moins drastiques. La Nouvelle-Calédonie, pour l’instant épargnée, s’est préparée

31 décembre 2019. Les autorités chinoises ont signalé au monde les premiers cas de pneumonie causée par un nouveau coronavirus, le 2019-nCoV. Le virus avait été contracté par des travailleurs du marché en gros de fruits de mer de la ville de Wuhan, en Chine centrale, en début de mois et venait vraisemblablement d’une chauve-souris. Le premier décès est intervenu le 9 janvier. Le 13, le premier cas a été découvert hors de Chine, au Japon. La transmission entre les humains a été confirmée le 20 janvier.

Depuis, l’épidémie s’est propagée en Chine où la situation a été qualifiée de « grave » par le président Xi Jinping et, dans une moindre mesure, dans 13 autres pays. Évoquant une « erreur de formulation », l’OMS a placé la menace internationale de « modérée » à « élevée ». Elle reste « très élevée » en Chine et « élevée » également au niveau régional.

56 millions de personnes en quarantaine

La Chine est en alerte totale avec 5 970 cas et 132 victimes. Le gouvernement a placé sous cloche la quasi-totalité de la province de Hubei où l’on trouve l’épicentre Wuhan. 56 millions de personnes sont concernées. Les habitants n’ont plus le droit de voyager. Des portiques détecteurs de fièvre sont en place dans l’ensemble des aéroports internationaux. Il a été demandé aux agences de ne plus vendre de voyages organisés en Chine et à l’étranger.

Pékin a déployé 450 médecins militaires et a entrepris la construction, en un temps record, d’un hôpital pour accueillir les patients. Le trafic ferroviaire, routier, a été interrompu et les autorités ont ordonné la fermeture des lieux publics et touristiques. Le port du masque a été rendu obligatoire. Les vacances du nouvel an ont été prolongées : la plupart des entreprises sont restées fermées, le télétravail organisé. Les autres régions chinoises ont aussi pris des dispositions, fermé certains lieux publics, des écoles.

Le virus se propage, quoi que de manière moins impressionnante à l’échelle internationale. Il y a moins de dix malades par pays concerné (sauf en Thaïlande – 14 mercredi) et la plupart ont contracté le virus à Wuhan et ont pu voyager alors que les frontières étaient encore ouvertes durant leur période d’incubation. La France comptait, mercredi, quatre cas à Bordeaux et Paris. Depuis que la transmission interhumaine a été avérée, les pays ont renforcé leurs mesures de sécurité pour empêcher ou freiner la propagation. Les voyages sont évités, les passagers surveillés, les malades hospitalisés et isolés et les personnes sans protection qu’ils ont croisées sont généralement confinées le temps de la période d’incubation.

(Photo by STR / AFP) / China OUT

Des précautions dans le Pacifique

L’Australie déplore six cas de coronavirus, également en provenance de Hubei. Quatre à Sydney, deux à Melbourne. Les autorités font, sur tous les vols en provenance de Chine, un premier contrôle de santé à bord de chaque avion et en cas de suspicion, les passagers passent à la caméra thermique.

Les autres pays de la région sont pour l’instant épargnés, mais aussi attentifs.
Depuis vendredi, aux Samoa, déjà terriblement affectées par une épidémie de rougeole, les visiteurs des pays touchés par le coronavirus doivent obligatoirement passer au moins 14 jours dans un territoire indemne pour pouvoir entrer et subir un examen médical au moins trois jours avant leur départ. Six passagers chinois, en provenance de Hong Kong et Nandi, en transit sur Fidji Airways, n’ont pas pu entrer et ont été renvoyés à Fidji pour être placés en quarantaine. Deux marins samoans sont aussi en quarantaine depuis leur retour de Chine.

Palau a suspendu les charters momentanément. Onze étudiants Vanuatais actuellement à Tianjin ont été invités à restés confinés. La compagnie de Papouasie Nouvelle- Guinée, Air Niugini, n’accepte pas les passagers en provenance de Chine sans certificat médical. Les Néo-Zélandais effectuent, pour l’instant, un suivi des passagers ayant voyagé en Chine à partir de leurs déclarations d’entrée.

En Polynésie française, 300 touristes chinois en vacances à Tahiti, Moorea et Bora Bora sont sous surveillance. Des opérations de contrôle vont être réalisées dans les hôtels. Le territoire vient de renforcer ses mesures aux frontières, il demande désormais un certificat médical de moins de 15 jours pour les voyageurs venant d’Asie. La caméra thermique va être utilisée à l’aéroport et les permis de travail et de séjour chinois sont suspendus.


Et chez nous ?

Tandis que les pays touchés communiquent quotidiennement, on a finalement peu entendu nos responsables. Il faut se dire que c’est plutôt bon signe…
Mais concrètement, qu’avons-nous mis en place ? Nous avons fait le point avec Sylvie Laumond, médecin épidémiologiste à la Dass.

Un plan d’action a été annoncé le 21 janvier. Il implique une veille internationale quotidienne par les services de la Dass.  On sait que les compagnies aériennes suivent un protocole spécifique, qui a été renforcé, pour identifier et isoler d’éventuels malades à bord et dans le cas échéant prévenir les autorités. À l’aéroport de La Tontouta, les passagers ayant séjourné en Chine dans les 30 jours font l’objet d’une surveillance. Ils étaient suivis, jusqu’ici, à partir des fiches remplies à l’arrivée, mais il était difficile de contacter a posteriori les Japonais et les Chinois, nous indique la direction sanitaire.

Une équipe de la Dass se rend donc désormais à l’aéroport à chaque arrivée pour s’entretenir avec eux. On regarde la date de leur voyage et la province visitée. On prend leur température si nécessaire. Si un voyage a été effectué à Hubei il y a moins de deux semaines et que la personne ne présente pas de signe, elle doit être confinée à domicile ou à l’hôtel. Si elle devient malade, une procédure bien spécifique est prévue (lire plus bas). La Dass se réserve la possibilité d’utiliser des caméras thermiques s’il y avait plus de monde à contrôler comme un charter. Mais pour l’instant, les thermomètres semblent suffire.

En ce qui concerne les navires, les affaires sanitaires reçoivent, 48 heures avant l’arrivée, le détail des malades à bord et donnent leurs recommandations. Toutes les personnes malades ou ayant séjourné en Chine au cours des 15 derniers jours ne peuvent pas débarquer. Les autres sont soumises à une friction hydro-alcoolique des mains avant de fouler notre sol. Et les passagers qui tomberaient malades à terre devraient immédiatement remonter à bord. Ils ne seraient pas pris en charge localement.

La société Carnival a fait savoir qu’elle procédait à des contrôles de santé avant l’embarquement (contrôle de température et des questionnaires) pour les personnes ayant visité les zones touchées. Les mesures de désinfection ont été renforcées et les centres médicaux à bord sont aux aguets.

La Dass surveille également les employés chinois arrivés le 9 janvier qui travaillent sur le démantèlement du Kea Trader. Une déclaration de santé est faite tous les jours et ceux qui arrivent pour la relève sont surveillés dès l’aéroport.

Pour l’instant, fort heureusement, aucune personne n’est arrivée sur le territoire en provenance de Hubei et il n’y a eu aucune suspicion, selon Sylvie Laumond.

Si cela devait se produire, tout un circuit est prévu avec les ambulanciers, jusqu’à l’endroit dédié au Médipôle (lits épidémiologiques) pour l’isolement. Si le cas est déclaré « possible » à l’hôpital, la Dass se tournera alors vers les gens ayant été en contact avec le malade afin de les hospitaliser également ou de les placer en quarantaine.


LE 2019-NCOV

Le virus, inconnu jusqu’à présent, est très proche du Sras qui avait fait 774 morts en 2003. Il fait partie de la famille des coronavirus, des virus à l’aspect de couronne, qui touchent aussi bien les hommes que les animaux. Le « virus de Wuhan » peut, selon les cas, entraîner des problèmes respiratoires, des anomalies pulmonaires, des pneumonies. Parmi les premiers symptômes, de la fièvre, des quintes de toux, une fatigue inhabituelle… Il se transmet par voie aérienne comme la grippe ou par les mains. Des incertitudes persistent sur la possibilité de la contagion avant l’apparition des symptômes. Le virus meurt lorsque les défenses immunitaires de l’organisme détruisent plus rapidement le virus que celui-ci ne se réplique.


Taux de contamination et de mortalité

Le taux de contamination est de 1,4 à 2,5 personnes par malade (15 pour la rougeole), selon la Dass qui cite l’OMS. Avec un taux de mortalité évalué à environ 3 %, le virus tue moins que le Sras (9,6 % de mortalité) ou encore le Mers du Moyen-Orient (34,4 %). Il tue à peu près comme la grippe. Et inquiète plus particulièrement les personnes plus fragiles et âgées.


Préconisations

Si l’OMS ne préconise pas à ce stade des restrictions de voyage, la France déconseille à ses ressortissants de circuler dans toute la province de Hubei. Les établissements qui envisageraient des échanges scolaires ou universitaires sont invités à les reporter jusqu’à nouvel ordre.


Le problème des rapatriements

Chacun tente de se prémunir au mieux contre une introduction et une propagation du virus dans son pays tout en s’occupant de ses ressortissants bloqués en Chine. Et ils sont nombreux, car Wuhan est un grand centre industriel, notamment automobile. Il accueille de grandes enseignes dont le groupe PSA et de nombreux expatriés. La France, les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud sont aussi concernés avec leurs consulats.

Les Français pensaient, en premier lieu, évacuer des ressortissants (250) dans d’autres villes, ils vont finalement, comme les Américains, affréter un avion pour les ramener en France, vendredi, où ils feront l’objet d’un suivi dans un lieu d’accueil durant 14 jours. Le groupe PSA a décidé de rapatrier ses salariés et leurs familles. On estime entre 500 et 1 000 le nombre de Français présents dans la province.

L’Australie a confirmé que ses ressortissants seraient évacués vers un centre de quarantaine sur l’île de Christmas Island. 400 Australiens avaient fait une demande d’évacuation en début de semaine, selon les affaires étrangères.

C.M.

Photos AFP