Le défaut de dialogue entre les instances politiques locales et l’absence d’un gouvernement central de plein exercice laissent du vide à tous les échelons, d’autant plus ressenti dans ce contexte d’urgence absolue. Les parlementaires ont pris les devants auprès du président de la République.
Georges Naturel, Robert Xowie, Nicolas Metzdorf et Emmanuel Tjibaou ont obtenu une audience auprès d’Emmanuel Macron le 25 juillet. Une démarche transpartisane, des deux chambres, initiée par leurs soins : un symbole en ces temps troublés. Une nécessité presque, à l’heure où partis et représentants locaux sont affairés à Nouméa.
C’est aussi « logique », souligne Nicolas Metzdorf : les débats ont été orientés vers Paris ces derniers mois et ils sont les « derniers élus », ceux qui ont « la légitimité la plus récente ». Cette unité donne « plus de poids à notre démarche de sensibilisation », estime Georges Naturel. L’entretien a duré une trentaine de minutes, le temps d’expliquer la gravité de la situation. Depuis la dissolution, le chef de l’État a repris en main le dossier politique, l’aspect économique étant toujours suivi par Bruno Le Maire. « Il était bien sûr au fait de la crise, mais je ne pense pas qu’il avait imaginé son intensité », observe Nicolas Metzdorf.
SENSIBILISATION
Parmi les sujets évoqués, l’ordre public et le retour à la libre circulation portés par les non-indépendantistes, « sans contradictions », selon le député. « Tout le monde est conscient qu’il faut pouvoir circuler normalement pour pouvoir relancer l’économie », commente Georges Naturel. Les moyens seraient renforcés après les Jeux.
Les parlementaires ont ensuite exprimé d’une voix l’urgence économique et sociale. Ils ont demandé l’envoi de la réserve sanitaire estimant le système « au bord de la rupture ». Le sujet doit être étudié.
Emmanuel Macron a assuré du soutien financier de l’État. Ils ont réitéré leur demande de transformation des prêts Covid en subventions (28,6 milliards et 20,88 milliards de francs). La Banque de France a aussi été sollicitée pour des liquidités. Georges Naturel insiste sur la nécessité de protéger le financement des communes, la reconstruction des écoles et collèges, etc. « Pour l’instant, on a une visibilité jusqu’à août-septembre, mais Bruno Le Maire ne peut s’engager au-delà tant qu’il n’y a pas de gouvernement. » Les députés, tous deux membres de la commission des finances, seront aux premières loges de l’examen du projet de loi de finances à partir d’octobre. « C’est là où on va pouvoir déterminer l’implication de l’État », juge Nicolas Metzdorf.
D’ICI SEPTEMBRE
Sur le plan politique, le président a proposé de réunir les forces locales après la mise en place de son gouvernement en septembre. Le congrès du FLNKS doit se dérouler en août. Il s’agira de définir un cahier des charges pour une mission du dialogue qui permette de discuter de l’avenir institutionnel et du lien avec la France. « L’idée est de savoir comment on cale la méthode de discussion », explique Nicolas Metzdorf.
Emmanuel Macron est aussi partisan du report des élections provinciales en 2025. Ce report, qui nécessite un nouvel exécutif et l’adoption d’une loi organique, laisserait le temps au compromis politique, mais dérangerait certains mouvements qui comptaient sur cette échéance.
Autre sujet, le corps électoral. La majorité a été perdue au Congrès de Versailles, mais les indépendantistes attendent toujours un « retrait » officiel. Le sujet restera au cœur des discussions. Que faire donc d’ici septembre ? Les parlementaires indépendantistes ont bien précisé ne pas avoir de mandat spécifique lors de cette entrevue. Le congrès du FLNKS pourra permettre d’évoquer ces thématiques, de faire le point entre les différentes mouvances, radicales et modérées.
Idem du côté des partisans de la Nouvelle-Calédonie dans la France. À noter ici, la volonté d’ouverture aux modérés exprimée par Nicolas Metzdorf. « Oui, je fais partie des élus les plus fermes, mais oui aussi je considère que la famille non indépendantiste a besoin de gens plus modérés et qu’il faut les entendre. » « C’est indispensable, conforte Georges Naturel, avec qui le sujet a été évoqué. Il faut s’entendre sur les grandes orientations, au moins en parler. On n’a pas vraiment eu d’échanges depuis deux ans. »
Mais de vrais différends sont à surmonter, en premier lieu l’autonomisation des provinces défendue par Sonia Backès et rejetée par les modérés. Un « conclave » pourrait être organisé fin août. Philippe Dunoyer aurait été sollicité.
Un dialogue avec les indépendantistes est aussi attendu. « Il faudra qu’on ait localement cet échange avant la rencontre de septembre à Paris », insiste Georges Naturel. Sollicité, Emmanuel Tjibaou n’était pas disponible.
Les parlementaires ont demandé que le dossier de la Nouvelle-Calédonie revienne dans le prochain gouvernement aux mains de Matignon avec « un vrai ministre de l’Outre-mer ».
• Ouverture à la société
Le président serait favorable à l’ouverture des négociations aux quatre parlementaires, aux représentants des maires, du monde économique, de la société civile. « Une demande de longue date », rappelle Georges Naturel.
• Mission du dialogue ?
Le président propose de définir en septembre les contours d’une mission du dialogue. On note une différence d’appellation avec la « mission de médiation et de travail » composée de trois hauts fonctionnaires. Selon le sénateur Naturel, ces derniers auraient fait part de leur ressenti au président au terme de leurs auditions à Nouméa et Paris, mais il n’y aurait pas eu de rapport. Il souhaite que le groupe de contact du Sénat puisse les entendre à la rentrée. Georges Naturel a aussi plaidé auprès du président Gérard Larcher pour l’envoi d’une délégation sénatoriale fin août, début septembre.
• Marie Guévenoux en visite
La ministre déléguée aux Outre-mer était attendue mercredi soir 31 juillet sur le territoire à l’heure de notre bouclage, pour une visite de deux jours. Il est attendu qu’elle puisse contribuer à relayer les messages en prenant le pouls du terrain. Elle est notamment impliquée à Bercy dans la gestion de la reconstruction. Au programme, des rencontres avec les représentants d’institutions, les maires, les groupes politiques, le monde économique, les forces de sécurité.
Chloé Maingourd