Les Kimonos du cœur : Laurent Calleja se bat pour son quartier

Il arrêtera le haut niveau en même temps que son protégé, Teddy Riner, l’année prochaine. Le nouveau combat de Laurent Calleja est la création du dojo des Kimonos du cœur, au pied des tours de Magenta, quartier où il a commencé sa carrière de judoka il y a près de 45 ans.

Il n’y a rien rien, mais Laurent Calleja voit tout. Ici, des ordinateurs. Là, une salle de classe. Au fond, les tatamis. Si l’architecte avait su, à l’époque, que le bâtiment deviendrait un dojo convertible en salle de spectacle, il aurait certainement trouvé une façon de se passer de tous ces piliers. Pas grave. Ils seront enveloppés pour protéger les petits judokas, et les parents pencheront la tête pour apercevoir leur gamin sur scène. Le nouveau combat de Laurent Calleja se déroule aux pieds des tours de Magenta, dans ce local que l’association Les Kimonos du cœur espère inaugurer en milieu d’année. Son défi précédent n’est pourtant pas tout à fait terminé : Teddy Riner visera une dernière fois l’or olympique aux Jeux de Paris 2024. Autour du champion, une équipe d’une dizaine de personnes ‒ entraîneur, psychologue, diététicien, sparring-partner… ‒ dirigée par Laurent Calleja. « Je m’arrêterai avec lui. J’ai fait le tour. » Sans transition, il passera du plus grand nom du judo aux anonymes. « Je vais me mettre à l’humanitaire à plein temps. J’ai tellement voyagé, j’ai vu tellement de misère… Les enfants ne choisissent pas leur lieu de naissance. Je veux qu’ils partent avec les mêmes chances. On n’est pas tous nés sous la même étoile, et ça me dérange. »

« FOUGUEUX »

« Il est habité par la question de la jeunesse, de son occupation, et par le fait d’apporter un retour, une contribution à son pays », constate Marc Hmazun, lui aussi membre fondateur des Kimonos du cœur, ravi de pouvoir compter sur son ami d’enfance. « Il sait d’où il vient, et il est très déterminé », confirme Alain Vandange, qui fut son premier entraîneur de judo, à Magenta, dans les années 1980. « C’était un gamin fougueux, un battant. Il n’aimait pas perdre. » Il y avait entraînement au dojo « tous les matins » ou bien préparation physique au Ouen Toro avec le reste de la section sport études, dont le futur chef Gaby Levionnois. « Je leur menais la vie dure. Il avait le caractère pour l’encaisser. Mais il fallait qu’il parte. Il allait stagner ici, sans opposition. » À 15 ans, Laurent Calleja rejoint le sport études d’Orléans, puis l’Insep à Paris.

ASCENSION, CHUTE, REBOND

« Je suis parti avec mon sac à dos… Je voulais devenir un champion, je ne pensais qu’à ça. » Il le deviendra : champion de France en 1993, champion d’Europe par équipes l’année suivante. L’ascension est stoppée net par une vilaine blessure. « Je me dis que sans cette blessure, je n’aurais jamais eu de carrière d’entraîneur… » Il devient sélectionneur de l’équipe de France féminine, un poste qu’il occupera pendant huit ans, puis passe chez les garçons. Deux ans seulement, le temps de constater de profonds désaccords avec la fédération et de faire la connaissance de Teddy Riner, qui fera de lui son entraîneur personnel après Rio 2016. Alain Vandange fulmine de voir un entraîneur national s’éloigner de la compétition. « Il s’était lancé à corps perdu dans la création du pôle espoirs de Nouvelle- Calédonie (en 2008, NDLR) et on se passe de ses services… Les gens comme Laurent, ils devraient être à la tête de la Jeunesse et des sports. »

Gilles Caprais

Soutenus par les collectivités, les Kimonos du cœur cherchent encore des fonds pour terminer la rénovation du local au pied des tours. Laurent Calleja, par ailleurs gérant de plusieurs bars à pâtes, se bat pour le démarrage du projet. « Après, ce sera aux gens de Magenta de le faire tourner. »