Les indépendantistes ont-ils une chance d’entrer au Sénat ?

Deux sièges du Sénat sont attribués à la Nouvelle-Calédonie depuis 2011. Photo : Maxime Gruss / Hans Lucas via AFP

Alors que les candidatures se multiplient côté non-indépendantiste, les partis du FLNKS devrait proposer deux candidatures communes pour le scrutin du 24 septembre. C’est inédit depuis que la Nouvelle-Calédonie possède deux sièges au Sénat.

Qui aura le ticket gagnant ? Deux candidatures non-indépendantistes se sont déclarées officiellement en plus du duo Frogier-Backes (Brial). Au populaire maire de Dumbéa, Georges Naturel, s’ajoute maintenant le sénateur sortant Gérard Poadja. L’élu Calédonie ensemble compte bien faire entendre sa voix le 24 septembre prochain. « On ne porte pas le même projet pour l’avenir », défend-il. Un cinquième nom se dégageait aussi : celui de Warren Naxue, 7e adjoint au maire de Nouméa.

Les Loyalistes et le Rassemblement-LR brandissent l’épouvantail d’un « risque indépendantiste réel », qui menacerait l’avenir institutionnel du territoire, pour rassembler les voix de leur camp. « Les indépendantistes n’ont aucune chance de gagner un ou deux postes de sénateur au premier tour », raye Philippe Michel de Calédonie ensemble.

En face, les concernés semblent partis pour jouer l’unité. À moins d’un mois du scrutin, l’Union calédonienne (UC) et le Palika semblent s’accorder sur un point : participer à ce scrutin national ensemble, sous la bannière du FLNKS.

En 2011, la mouvance indépendantiste n’avait pas réussi à s’entendre. L’UPM-UC et le Palika s’étaient dispersés en proposant trois noms à leurs grands électeurs. En 2017, seul le Palika avait participé au scrutin avec deux candidats. L’UC avait décidé, lors du congrès de Houaïlou (2016), de ne pas participer aux échéances nationales. « La configuration a changé, prévient Gilbert Tyuienon. Ils [les loyalistes] affichent une unité de façade, qui ne tient pas à chaque grand rendez-vous. » Le vice-président de l’UC n’écarte pas la possibilité d’aller voir « les autres partenaires qui voudraient travailler avec nous ».

L’Éveil océanien, fidèle allié pour recon- duire Roch Wamytan au Congrès, dispose d’une dizaine de voix, entre la province Sud et les différents conseils municipaux du Grand Nouméa, dont celui de Dumbéa. À qui iront-elles ? Indépendantistes et non-indépendantistes se côtoient dans la formation de Milakulo Tukumuli.

Les discussions ont en tout cas commencé à l’intérieur du front. L’UC a déjà proposé Robert Xowie, le maire de Lifou issu du plus vieux parti de Nouvelle-Calédonie. « On aura des candidatures communes au niveau du FLNKS, réaffirme Jean-Pierre Djaïwé du Palika. Des noms sont avancés par toutes les composantes, il faut se réunir pour dire, in fine, quelles sont les personnes alignées pour les sénatoriales. » Possiblement deux indépendantistes affronteront donc les quatre, peut-être cinq, prétendants non-indépendantistes.

AVANTAGE AUX PARTISANS DU MAINTIEN DANS LA FRANCE

Peu médiatiques, les sénatoriales n’en sont pas moins intéressantes pour les partis calédoniens. Au même titre que les députés, les sénateurs participeront à la réforme constitutionnelle du statut. Les non-indépendantistes refusent de voir leurs adversaires locaux endosser cette responsabilité. Les indépendantistes rêvent de mettre un pied à Paris pour tenir un autre discours et parler de leur propre voix.

Les 170 sénateurs français, renouvelés le 24 septembre, sont élus au suffrage universel indirect. En Nouvelle-Calédonie, les deux sénateurs sortants, les deux députés, les 76 élus provinciaux et les 498 délégués des conseils municipaux constituent le corps électoral qui les choisit. Ils peuvent glisser deux bulletins dans l’urne pour chacun des deux futurs locataires calédoniens du palais du Luxembourg.

Statistiquement, les partisans du maintien dans la Franceont un avantage. Ils disposent d’environ 300 grands électeurs. En 2017, Pierre Frogier (Rassemblement) et Gérard Poadja (Calédo- nie ensemble) l’avaient emporté au premier tour avec environ 250 voix en formant un ticket. Une seule autre candidate non-indépendantiste s’opposait alors à eux. Isabelle Lafleur, notamment soutenue par le parti de Sonia Backes (Les Républicains calé- doniens), avait réuni 95 votes.

Le vivier indépendantiste est moins important. Il atteindrait presque 200 voix. Auxquelles il faut soustraire, rappelle Gilbert Tyuienon, les éventuels abstentionnistes et élus éloignés de l’extrême nord ou de la chaîne empêchés par exemple par les conditions météo. Le vote est obligatoire, sous peine d’une amende. Mais il faut se rendre à Nouméa, un dimanche à 8 h 30, pour l’exercer. 30 abstentions avaient été enregistrées en 2017 sur les 552 inscrits.

Les candidats remportent le premier tour s’ils obtiennent plus de la moitié des suffrages exprimés représentant au moins un quart des inscrits (environ 144). Un deuxième tour est organisé l’après-midi si personne n’obtient cette majorité absolue. Les deux noms avec le plus de voix l’emportent. En cas d’égalité, les plus âgés gagnent.

Brice Bacquet