Les hôtels à la rescousse

Pour accueillir un nombre exponentiel de malades du Covid, les hôpitaux se réorganisent. Il a également été décidé de réquisitionner les hôtels pour accueillir les personnes qui doivent être surveillées de près.

Face à cette crise qui prend des proportions assez incroyables, le secteur médical a dû rapidement revoir le parcours habituel de prise en charge des patients. Des malades autres que du Covid ont été transférés la semaine dernière à la clinique Magnin (20 lits) pour que le Médipôle, centre névralgique de traitement des patients, puisse dédier un nouvel étage au Covid.

Mercredi, 136 personnes touchées par le virus étaient déjà hospitalisées dans les services de médecine du CHT pour une capacité de 170 lits. Et sur 20 lits de réanimation, 18 étaient déjà occupés. « La saturation est proche. Très proche. Nous allons augmenter nos capacités », expliquait le Dr Thierry de Greslan, président de la commission médicale du CHT. L’objectif, a-t- il précisé, est toujours à 49 lits de réanimation, mais le personnel n’est pas suffisant pour éviter l’épuisement des équipes qui interviendra à 30 lits.

C’est donc pour les soulager et pour s’occuper du quotidien des patients que le Médipôle a lancé un appel à des infirmières et des médecins supplémentaires, vaccinés. Des volontaires qui sont demandés pour « une semaine ou quinze jours ». Jeudi, 161 personnes étaient hospitalisées en médecine, 27 en réanimation.

Unités de confinement

Dans le même temps, une stratégie assez originale a été mise en place avec la Dass et la Direction de la Sécurité civile : l’utilisation des hôtels pour éviter le « goulet d’étranglement » à l’hôpital. « Ça se fait ailleurs, mais pas à notre niveau d’action et de manière aussi précoce dans la crise », a précisé le Dr de Greslan.

Concrètement, les établissements de Nouméa réquisitionnés par le gouvernement ont été vidés la semaine dernière de leurs derniers voyageurs en quarantaine qui ont terminé leur confinement à domicile. Les bâtiments accueillent désormais des malades dont l’état de santé ne nécessite pas une hospitalisation mais une surveillance médicale, ou pour qui l’isolement à domicile est compliqué. Les premiers patients ont été placés mardi au Château Royal. Jeudi, 81 personnes étaient déjà accueillies dans le cadre de ce dispositif.

Plusieurs hôtels de Nouméa sont potentiellement concernés pour une capacité totale de 477 chambres, selon le gouvernement (Château Royal, Méridien, Parc Royal, Lagon). L’idée est de les placer sur un point stratégique, l’Anse-Vata, pour faciliter les déplacements des ambulances, des médecins.

Une démarche similaire a été engagée dans le Nord. Si l’épidémie n’y est pas aussi massive que dans le Sud pour l’instant, la situation devrait rapidement évoluer. Le centre hospitalier du Nord met en place son unité Covid et les hôtels ont été réquisitionnés près des hôpitaux à Koné, Koumac et Poindimié (94 places). Idem dans les Îles avec le Drehu village à Lifou, le Beaupré à Ouvéa et le Nengone village à Maré (122 places). Des ponts aériens sont en place pour récupérer les malades avant que leur état ne soit trop grave.

« Ne refusez pas »

Cette solution des hôtels est porteuse d’espoir, selon le Dr de Greslan. Elle permet que les patients soient surveillés correctement et rapidement hospitalisés dès l’apparition des premiers symptômes en cas de décompensation. Selon lui, les Calédoniens attendent généralement trop longtemps avant de prévenir les médecins et cette solution permet d’éviter les arrivées aux urgences en détresse respiratoire, voire les décès sur le chemin.

Chaque hôtel dispose d’une infirmière pour 25 patients et d’un médecin en lien permanent avec le médecin régulateur du Médipôle. Ils assurent les contrôles de température, les mesures de saturation avec à disposition, des bouteilles d’oxygène et des masques à haute concentration. Le médecin généraliste peut demander à l’hôpital le placement en surveillance à l’hôtel. Il ne faut pas hésiter à accepter selon le docteur de Greslan. « Si on vous propose cette option dites oui, ne refusez pas, vous serez bien surveillés, dans un endroit confortable, mieux encore qu’à l’hôpital, et dès que vous irez mal vous pourrez être transférés dans de bonnes conditions ».


« On est devenu un hôtel hôpital »

Le Château Royal a été le premier à voir arriver les malades. Mercredi, ils étaient 54 pour une capacité de 60 à 70 personnes sur cinq étages. Une fois plein, le Méridien doit prendre le relais. Des chambres supplémentaires sont également occupées par des infirmières ou du matériel. L’organisation est entièrement assurée par la Dass et le PCO du gouvernement. L’hôtel en clair, est sous la coupe du gouvernement. « Il a fallu organiser les lieux en quelques jours : préparer les étages, appliquer les instructions pour l’hygiène avec des procédures très poussées, des détails poussés à l’extrême avec une sécurité maximum », explique Régis Remy, le directeur d’exploitation. Tous les employés ont été testés négatifs et sont sous surveillance. Ils sont à 99 % vaccinés et ceux qui ne le sont pas sont en stand-by.

Une fois les lieux préparés, l’équipe a été réduite au maximum sur trois postes : la réception, le house keeping et la maintenance. « Tout le monde a répondu présent. Désormais, les gens ont plus peur de perdre leur emploi que de travailler dans ces conditions. » D’ailleurs, les équipes ne vont pas dans les étages occupés sauf en cas de besoin sur la maintenance. Et les malades, évidemment, ne sortent pas de leurs chambres. Les repas sont livrés par des prestataires extérieurs. Les patients arrivent au coup par coup à bord de navettes spécialisées et peuvent être transférés sur ordre de l’hôpital. Dans les chambres, toutes les ethnies et tous les âges, des enfants, souvent plusieurs membres d’une même famille. Et des toux qui retentissent.

Le Château Royal avait été réquisitionné en avril 2020 pour accueillir les quatorzaines puis les septaines. Le site a été impacté par trois confinements, qui ont eu pour conséquences la fermeture des activités qui se trouvent sur place comme la restauration, le spa ; mais aussi par plusieurs cyclones, une alerte au tsunami, les quarantaines et désormais les malades… « Il a fallu nous habituer, on n’exerce plus notre métier », conclut Régis Remy.


Une unité mobile

Le CHT et le CHS sont en train de développer une unité mobile pour assurer des soins au plus tôt à domicile ou en Ehpad pour les personnes à haute fragilité : personnes âgées, à mobilité réduite, jeunes enfants. Objectif, agir en amont pour éviter un maximum, en bout de chaîne, qu’ils pâtissent des choix opérés en réanimation entre les malades.


L’autoconfinement, l’autre priorité

Mercredi, 1 000 Calédoniens déclarés positif au Covid-19 étaient confinés à domicile. Ces personnes doivent rester en lien avec leur médecin traitant, s’isoler dans une chambre, sans aucun contact avec le reste de la famille, pas de mélange de linge et les repas doivent être fournis. « C’est un élément capital du dispositif pour limiter la contamination au sein des familles », a souligné le Dr de Greslan. Une plateforme téléphonique doit voir le jour pour répondre aux questions des personnes positives en auto- confinement.

C.M.

©C.M./ DNC