La Fédération des fonctionnaires a tenu une conférence de presse pour aborder plusieurs dossiers importants, récemment mis sur la table par le gouvernement. Coupe dans les effectifs, réforme fiscale, grand emprunt… Les sujets de désaccord ne manquent pas. La Fédération est inquiète de la tournure de la politique du gouvernement qui pourrait pénaliser les plus fragiles.
Philippe Michel a jeté un pavé dans la mare, le 29 juin, en rendant public le contenu d’un courrier rédigé par la CFC-CGC à l’occasion d’une séance de la commission permanente du Congrès. On pouvait y découvrir les pistes d’économies du gouvernement pour pouvoir continuer à verser les salaires. Sur la table, rien de moins que la possibilité que le gouvernement ne soit plus en mesure de verser les traitements des fonctionnaires en décembre prochain, le budget étant en déficit de près de 850 millions de francs. Gel de l’avancement et des concours, baisse des salaires, fusion de directions, non renouvellement de postes, départs volontaires… Autant de possibilités qui ont suscité une levée de boucliers des syndicats, très critiques vis-à-vis du fond comme de la forme, jugée brutale par la plupart.
Le gouvernement a toutefois rapidement désamorcé la situation en assurant que les décisions seront prises en concertation, à l’issue de discussions qui ont commencé cette semaine. Les premiers échanges ont permis de dissiper l’ombre d’une grève générale. La Fédération des fonctionnaires a ainsi retiré son préavis de grève, mais est loin d’avoir déposé les armes. Vendredi, le syndicat tenait une conférence de presse pour aborder les sujets brûlants de l’actualité, à commencer la réforme de la fonction publique. Selon David Meyer, son secrétaire général, les chiffres mis en avant par Vaimu’a Muliava, le membre du gouvernement en charge de la fonction publique, ne sont tout simplement pas justes. La Fédération soupçonne un peu de mauvaise foi pour mettre la pression sur les partenaires sociaux. Elle reproche notamment que le personnel du Sénat coutumier soit compris dans les chiffres pour les faire paraître plus importants qu’ils ne le sont réellement.
Une volonté d’évincer la concurrence
Mais la réforme est loin d’être le seul élément qui inquiète le syndicat et il s’interroge quant au prêt contracté auprès de l’Agence française de développement dans le cadre de la crise du Covid-19, à l’instar de nombreux élus du Congrès. Comme l’a souligné Christopher Gyges, le membre en charge de l’économie, devant la commission permanente du Congrès, un point précis de la situation économique sera présenté aux élus ainsi que des propositions sur l’utilisation du reste de l’enveloppe des plus de 28 milliards de francs empruntés.
Moins de dix milliards de francs ont pour le moment été mobilisés pour le financement du chômage partiel, la gestion du confinement et la prise en charge du report des échéances fiscales et sociales. Un dossier lié à celui de la réforme fiscale et, plus généralement, des réformes envisagées par le gouvernement et précisées dans l’annexe de la convention de prêt passé avec l’AFD et l’État. Il y est notamment fait mention de la révision de la TGC et sa simplification, un des principaux thèmes de campagne de l’Avenir en confiance, lors des dernières élections provinciales. Comme le rappelle le syndicat, la détermination des quatre taux avait été le fruit d’un large consensus et répondait à deux exigences : « proposer des taux qui garantissaient que les services ou produits ne soient pas surenchéris par rapport à la taxation existante, tout en garantissant un rendement fiscal équivalent ».
Et le syndicat de s’interroger où sont passés les sept milliards qui font aujourd’hui défaut au budget du gouvernement. Pour la Fédération, le décalage entre les recettes réalisées et les prévisions attendues suite à la marche à blanc, qui avait permis de vérifier le rendement de la TGC, peuvent difficilement s’expliquer par la baisse de la consommation. Le différentiel de TGC atteint 15 %, loin du niveau de la baisse de consommation. Le syndicat estime donc nécessaire d’avoir des réponses sur ce point avant que l’on envisage une augmentation de la pression fiscale.
Comme le soulignent encore les responsables du syndicat, augmenter la TGC (en particulier sur les produits qui bénéficiaient jusqu’à présent de taux plus faibles), donc la fiscalité indirecte, fait peser un risque de dégradation du pouvoir d’achat des Calédoniens les plus fragiles. Ce levier touchera proportionnellement davantage les ménages aux ressources les plus faibles. Sans compter que la fiscalité pourrait augmenter par ailleurs. La combinaison avec une réduction de la masse salariale de la fonction publique, qui permettait encore de compenser la dégradation de celle du privé, pourrait conduire le territoire dans une spirale réceptionniste. L’aggravation des inégalités et la pression sur la classe moyenne généreraient une réduction des recettes fiscales.
Risque d’une spirale récessionniste
Pour éviter ce grand plongeon, le plan de relance du gouvernement devra provoquer un électrochoc de demandes après qu’un volume important de liquidités ait été injecté dans les entreprises au travers des prêts garantis par l’État ou encore du dispositif de réescompte renforcé par l’IEOM. Le gouvernement français a ainsi mis sur la table près de 500 milliards d’euros pour financer le plan de relance, soit près d’un cinquième du PIB. À l’échelle de la Nouvelle-Calédonie, ce montant représentait l’injection dans l’économie de près de 200 milliards de francs. La faiblesse des marges de manœuvre de l’exécutif pose toutefois question. Le reste du prêt de 28 milliards de francs consenti par l’AFD et garanti par l’État devrait difficilement permettre d’assurer ce choc, d’autant qu’un autre prêt est envisagé pour restructurer la dette des comptes sociaux. Ce nouveau prêt pourrait jouer un rôle inverse à celui escompté. Sans servir à investir dans l’économie réelle ou à soutenir la demande, il nécessitera d’alourdir la pression fiscale pour assurer son remboursement.
La réduction de la masse salariale de la fonction publique, outre le fait qu’elle interviendrait dans un moment critique pour l’économie calédonienne, risque de conduire à une dégradation du service public. C’est tout particulièrement le cas au niveau de la santé où il a été décidé une réduction des dépenses de l’ordre de 3 % pour chacun des hôpitaux. Une décision qui ne sera pas sans effet sur leurs investissements et leurs capacités à recruter du personnel soignant à l’extérieur. Un sujet qui posait déjà problème faute de pouvoir offrir des conditions attractives.
Le renforcement des déséquilibres sociaux, fruit des coupes budgétaires dans les interventions des collectivités, auprès des associations notamment, la révision à la baisse des aides sociales et l’explosion du chômage en cette période politique particulière constituent des risques pour le développement économique et la cohésion sociale.
M.D.
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