Les élus se rejettent la faute des « bombes à retardement »

Bouclé dans la difficulté, austère, le budget 2023 a souligné les fragilités de la Nouvelle-Calédonie. Cette situation est partiellement due aux indépendantistes, estiment les groupes loyalistes, qui s’accusent mutuellement quant au reste des responsabilités.

Yannick Slamet a tout mis sur la table : ce que contient son budget et, chose rare, ce qu’il ne couvre pas. Selon le cours des combustibles, Enercal aura besoin de 1,2 à 5 milliards pour survivre à l’année 2023.

Le Ruamm perd quant à lui 10 milliards par an. Pour le membre du gouvernement, ces problèmes ne pouvaient pas être réglés par le seul budget de la Nouvelle-Calédonie, voté le 30 mars.

Ce n’est pas l’avis de Philippe Blaise (Les Loyalistes). « On laisse des bombes à retardement », regrette-t-il à l’ouverture des débats du Congrès. « Ce budget ne couvre pas certaines dépenses qui vont s’imposer à nous. Il n’est pas, en réalité, équilibré. » Le 1er vice-président de la province Sud reproche aussi à ce budget, très serré, de ne pas relancer l’économie.

« ELLE SE PAYE, LA RELANCE »

« Les bombes, elles existent depuis quelque temps, répond Yannick Slamet. Enercal, c’est depuis 2016. Le Ruamm, c’est depuis sa naissance. » Il admet cependant que le travail n’est pas terminé.

En cours d’année, selon l’évolution des recettes fiscales, il faudra peut- être réduire encore les dépenses. Quant à la relance… « Quand on a le lance-pierre mais pas les cailloux, c’est un peu embêtant. Elle se paye, la relance. Et là, j’en suis à combler les trous. »

Philippe Michel (Calédonie ensemble) n’applaudit pas le budget présenté par les indépendantistes, qui ne laisse pas de marge pour une rallonge à la mi-2023, mais entend répartir les responsabilités. « Vous héritez dans cette affaire de l’inaction du gouvernement précédent en ce qui concerne les réformes qu’il fallait engager », celles du Ruamm et de la TGC notamment.

Le gouvernement Santa est également désigné responsable de « la trajectoire de surendettement », lui qui avait signé en 2020 l’emprunt Covid de 28,6 milliards de francs et son annexe 6, une liste de réformes fiscales à engager pour rembourser la somme.

MAPOU VEUT DÉSAMORCER

« Le prêt Covid, il fallait le faire », intervient Philippe Blaise. Nadine Jalabert bondit. « Je voudrais que vous restiez honnête, Monsieur Michel. Vous avez porté dans les gouvernements précédents une responsabilité », rétorque l’élue Avenir en confiance.

En 2019, au terme de la mandature de Calédonie ensemble, le taux d’endettement avait déjà atteint le seuil de prudence de 90 %. Nadine Jalabert reproche aussi à son adversaire de s’être opposé au prêt de 25 milliards en faveur du Ruamm, ce que Philippe Michel ne regrette pas.

Pierre Chanel Tutugoro (UC-FLNKS) les renvoie dos à dos : les gouvernements loyalistes ont placé le pays dans « une nébuleuse obscure éclairée par l’unique lumière des aides de l’État français ».

Plus optimiste, Louis Mapou enjoint les élus à « regarder l’avenir avec un brin de foi » : l’emploi est au plus haut, la consommation est « résiliente » et de plus, le contact avec Gérald Darmanin et l’État a été renoué, assure le président du gouvernement, qui envisage même une subvention exceptionnelle. « Je ne suis pas du tout inquiet sur la possibilité de boucler le budget dans un deuxième temps. »

Quant aux bombes à retardement, il entend les traiter une par une. Pour Enercal, « une proposition va arriver très vite sur le bureau du Congrès », annonce-t-il.

Gilles Caprais

Philippe Michel et Calédonie ensemble, comme les autres groupes loyalistes, ont voté contre le budget, adopté par les indépendantistes et l’Éveil océanien. / © G.C.

 

« Sectarisme » contre « mauvaise foi »

Lundi 3 avril, les élus du groupe Loyalistes ont dénoncé « le sectarisme des indépendantistes », qui n’ont voté aucun des dix amendements présentés en séance, qui visaient à augmenter les subventions allouées à Radio Océane, à la lutte contre les violences intrafamiliales, au transport urbain (SMTU), aux courses hippiques, à la Foire de Bourail, au festival Caledonia, etc.

« Ils sont de mauvaise foi », répond Jean-Pierre Djaïwé (UNI), qui aurait aimé que les amendements soient déposés en commission, avant que l’équilibre du budget ne soit ficelé, et pas au dernier moment. « Ils ont géré en temps de vaches grasses. Nous gérons au temps des vaches maigres, avec le peu de moyens que nous avons. »