Les élèves de première vont tester le nouveau bac

C’est l’année de tous les changements pour les lycéens de première qui vont expérimenter la nouvelle version du bac. Si la réforme passe très mal en Métropole, les acteurs de l’enseignement calédonien semblent particulièrement sereins. Tout comme les syndicats qui restent, malgré tout, vigilants.

Il n’y a pas d’autre terme, la France essuie les plâtres. La réforme du bac, qui concerne les filières générales et technologiques, a été mise en place à la rentrée de septembre dernier en Métropole. Compte tenu du décalage de calendrier, elle n’est appliquée que maintenant en Nouvelle- Calédonie, ce qui permet aux acteurs de l’enseignement de prendre un peu de recul. Un recul nécessaire au vu du chaos qui règne actuellement dans les établissements métropolitains.

Officiellement, le ministre de l’Éducation nationale martèle que « 85 % des établissements ne rencontrent aucun problème », mais la presse locale relaie quotidiennement des actes de mécontentement. La contestation s’est enflammée au retour des vacances de Noël quand la quasi-totalité des syndicats a demandé l’annulation des épreuves de contrôle continu dites « E3C ».

Selon eux, les élèves ne sont pas suffisamment préparés, certains s’inquiètent aussi de la « fuite » des sujets des épreuves choisis dans une liste nationale. Car contrairement aux épreuves traditionnelles du bac, tous les lycéens ne passent pas les examens en même temps ni à la même heure. Enfin, parents et enseignants dénoncent également des inégalités entre établissements.

Contestation 

Sur le terrain, la contestation s’exprime de manière plus ou moins virulente. Le quotidien régional Sud Ouest relate des perturbations à plusieurs endroits pendant les épreuves continues qui ont débuté le 20 janvier. Au lycée Valin, à La Rochelle, par exemple, le proviseur a infligé des zéros pointés aux élèves qui ne se sont pas présentés aux épreuves. Parfois, les gendarmes doivent intervenir pour calmer la protestation et les proviseurs sont contraints d’annuler des épreuves, comme à Bordeaux. Face à cette situation chaotique, le ministre, Jean-Michel Blanquer, a procédé à quelques ajustements, mais la situation reste très tendue.

Les proviseurs rassurants

En Nouvelle-Calédonie, les chefs d’établissement, qui ont fait leur rentrée lundi, ne semblent pas particulièrement inquiets. « Nous avons travaillé avec l’ensemble des enseignants, des élèves de seconde et des familles pour mettre en place les modifications. Nos élèves ont tous pu faire les choix qui leur plaisent, nous sommes assez sereins », confie Guillaume Jarzinski, proviseur adjoint du lycée Michel- Rocard, à Pouembout.

Du côté de la Ddec (Direction diocésaine de l’enseignement catholique), les lycées Anova et Blaise-Pascal sont aussi concernés par la réforme. « Sa mise en œuvre ne devrait pas poser de problèmes majeurs, des comités de pilotage présidés par le vice-recteur se sont tenus de manière régulière depuis 2018 », rassure Kévin Paillandi, assistant de direction à la Ddec.

Les syndicats confiants, mais vigilants

Du côté du syndicat UT CFE-CGC, on se veut également rassurant. « Pour l’instant, nous n’avons aucun retour, nous attendons de voir. Mais ce n’est pas parce que ça s’est mal passé en Métropole que ça se passera forcément mal ici ! », explique Fabienne Kadooka, secrétaire générale chargée de l’enseignement.

La Fédération des fonctionnaires reste plus vigilante. « Ce qui nous inquiète le plus, c’est qu’à l’heure actuelle, tous les lycées de Nouvelle- Calédonie ne seront pas en mesure de proposer les onze options prévues par la réforme. Seuls les gros lycées comme Lapérouse, Grand Nouméa ou Jules-Garnier en auront les moyens. On nous a répondu que les élèves pourront changer de lycée s’ils le souhaitent mais dans la réalité, cela nécessite des moyens, ne serait-ce que pour trouver un logement », observe Benoît Lamothe, secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires, chargé de l’enseignement. Le syndicat redoute également la « chasse aux élèves » pour remplir les filières. « Heureusement, en Nouvelle-Calédonie, nous avons tout de même une marge de manœuvre non négligeable qui va nous permettre d’éviter certaines erreurs que nous pourrions détecter en Métropole », précise le syndicat.

Le vice-recteur, Eric Roser, s’est exprimé sur le sujet ce jeudi lors d’une conférence de presse de rentrée. Sans minimiser l’importance des changements en cours, le processus est selon lui bien engagé localement. Un travail important a t-il confirmé, a été effectué au cours des six derniers mois sur les choix des élèves, les emplois du temps, les formations des enseignants aux nouvelles disciplines. Le cas de la Métropole a permis en outre à la Nouvelle-Calédonie d’éviter certains écueils. Les élèves seront selon lui mieux préparés et un temps plus long sera accordé ici entre la rentrée scolaire et le début des épreuves de contrôle continu qui interviendront au deuxième trimestre.


La réforme dans les grandes lignes

  • L’élément le plus emblématique de cette réforme, c’est sans doute la disparition des filières S, ES et L et les filières technologiques. Tous les élèves suivront un tronc commun (français, histoire-géographie, enseignement moral et civique en première, langues vivantes, sport, philosophie, enseignement scientifique, culture kanak en Nouvelle- Calédonie), trois enseignements de spécialité en première (à choisir entre 11 options, mais toutes les options ne seront pas proposées par l’ensemble des lycées calédoniens) et deux enseignements de spécialité en terminale (un en Nouvelle-Calédonie, lire l’encadré suivant).
  • L’autre nouveauté, c’est l’apparition d’un contrôle continu. Trois sessions de contrôle continu sont prévues : deux en première, une en terminale. La première session devrait avoir lieu en juillet-août. Le contrôle continu ainsi que les notes des bulletins comptent pour 40 % de la note finale.
  • L’épreuve de français en fin de première est conservée telle quelle. En revanche, une autre révolution fait son apparition avec la préparation, en première et terminale, d’un grand oral de 20 minutes qui se déroulera en deux parties : la préparation et la discussion.

Le nouveau bac, version calédonienne

« La contextualisation » de la réforme va permettre de prendre en compte les spécificités calédoniennes et d’apporter quelques modifications à la réforme nationale.

  • Il est prévu plus d’accompagnement personnalisé pour prendre en compte l’hétérogénéité des élèves (une heure au lieu de 30 minutes).
  • L’enseignement de la culture kanak fera partie du tronc commun sur les trois années de lycée.
  • Les langues kanak devraient être proposées en LV1 et LV2.
  • Les programmes de SVT, histoire- géographie, éducation morale et civique et arts seront adaptés à la culture locale.
  • L’enseignement des langues vivantes est renforcé sur les trois ans de lycée.
  • Les mathématiques en première et terminale sont renforcées dans le cadre des enseignements scientifiques.
  • Un seul enseignement optionnel est proposé en terminale, au lieu de deux en Métropole, pour permettre aux élèves de ne pas surcharger leur emploi du temps étant donné le renforcement des volumes horaires.

V.G.

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