Les derniers mois de l’institut Jeanne-d’Albret ?

L’institut Jeanne-d’Albret fête son quatre-vingt-dixième anniversaire qui sera peut-être malheureusement son dernier. Face au désengagement de la province Sud, l’internat pour jeunes filles devra fermer ses portes et le temps est désormais compté pour cette institution.

Le célèbre institut qui a accueilli plusieurs générations de Calédoniens fête ses quatre-vingt- dix ans. Le gâteau a toutefois un léger goût d’amertume puisqu’il vit peut-être ses derniers mois. À la clef, des salariés au chômage et des jeunes filles qui s’inquiètent de savoir où elles pourront être accueillies pour poursuivre leurs études. L’institut Jeanne- d’Albret a été créé en 1929 avec pour mission d’accueillir les Calédoniens de tout le territoire et les aider à poursuivre leurs études. En 90 ans, les anciens élèves à avoir bénéficié de cette structure sont nombreux, comme Déwé Gorodey, célèbre femme politique également connue pour sa poésie.

L’institut connaît les heures les plus sombres de son histoire en raison du vieillissement des membres du conseil d’administration et de la difficulté à en trouver de nouveaux. Le fonctionnement est particulier puisque l’institut, malgré une relative indépendance, est largement adossé à la paroisse du Vieux Temple. Les membres du conseil d’administration doivent toutefois impérativement faire partie de la paroisse. Faute de renouvellement en son sein, l’institut a bien du mal à trouver une relève. Mais les raisons de la fermeture ne sont pas seulement liées à de la simple fatigue.

Un projet de donation abandonné

Conscient du problème à venir, en 2010, les membres du conseil d’administration avaient conclu un partenariat avec l’ancien exécutif de la province Sud. Cette dernière avait financé des travaux d’importance pour récupérer un étage et en faire un internat d’excellence. Au total, près de 400 millions de francs de travaux ont été engagés pour remettre le bâtiment aux normes. Dans la foulée, une proposition avait été faite à la province d’une donation de l’institut afin que la collectivité en récupère la gestion. Une donation acceptée par l’exécutif provincial en 2010 qui avait été suivie de plusieurs réunions avec les services de l’équipement et la direction de l’enseignement.

Ce dossier complexe était encore récemment d’actualité jusqu’à un coup de téléphone entre Jeanine Gayon, membre du conseil d’administration, et Monique Millet, représentant la collectivité. « Elle m’a expliqué que l’on ne pouvait pas inscrire l’opération pour 2019 parce qu’il y avait un projet d’internat territorial qui devait être discuté avec le gouvernement. Monique Millet m’a dit qu’elle nous en dirait plus après en avoir parlé à Philippe Gomès », rapporte la membre du conseil qui n’a plus jamais eu de nouvelle de la province.

Avec le changement d’exécutif en 2014, les rapports ont radicalement changé entre l’institut et la Maison bleue. À partir de ce moment-là, l’accompagnement dont bénéficiait l’institut s’est brutalement arrêté. Les relations entre Jeanne-d’Albret et la province se limitaient à des rappels de l’administration à fournir les bilans comptables de la structure. Des bilans qui ont servi de justification au fait que la province n’ait pas versé la subvention pourtant inscrite au budget. Une subvention a finalement été versée fin 2018, comprenant une partie pour les frais de fonctionnement de l’année 2019.

Une réunion est alors organisée avec Hélène Iekawé, membre du gouvernement en charge de l’enseignement. Réunion qui permet au conseil d’administration d’apprendre que la compétence de la province ne couvrait que le collège et non le lycée et l’enseignement supérieur où sont scolarisées les élèves hébergées à l’institut. Mais comme le fait valoir Jeanine Gayon, la convention passée avec la province couvrait bien des élèves allant de bac -3 à bac +2. En dépit de cette convention passée avec la province Sud en 2010, Philippe Michel, le président, a adressé un courrier pour rappeler que la compétence de la province s’arrête au collège et que la collectivité n’avait pas vocation à gérer l’établissement, d’autant plus qu’elle travaillait sur un projet d’internat d’excellence implanté à Dumbéa. Le président de la province précisait toutefois dans son courrier que différents partenaires, et notamment le gouvernement en charge des lycées, travaillaient sur une solution pour le mois de juin.

Un appel au secours pour trouver une solution

Cette solution prévue au lendemain des élections provinciales a laissé le conseil d’administration du foyer quelque peu interloqué. Mais sa grande question est de savoir pourquoi créer une nouvelle structure alors que celle-ci fonctionne déjà depuis quatre-vingt-dix ans et a largement fait ses preuves. Comme l’a rappelé le personnel de l’institut, le taux de réussite au bac est de 90 %. « Il est temps que l’on reconnaisse l’utilité publique de l’institut Jeanne-d’Albret et que l’on trouve une solution pérenne. Depuis des années, nous sommes obligés de quémander de l’argent alors que nous bénéficions essentiellement à des jeunes femmes mélanésiennes qui n’auraient pas les moyens de venir sur Nouméa autrement pour étudier », insiste Jeanine Gayon.

Chaque année, l’institut a besoin d’une dizaine de millions de francs pour assurer son fonctionnement. Un coût relativement faible si on le compare à la subvention annuelle de 60 millions de francs qui a été récemment allouée à l’école James-Cook. Mais ce désintérêt de la province Sud n’est pas le seul élément étonnant puisque elle est la seule à financer l’institut alors qu’il bénéficie largement à des ressortissantes des provinces Nord et Îles.

En attendant le mois de juin, les 39 jeunes filles accueillies s’inquiètent pour l’année prochaine et les conditions dans lesquelles elles pourront poursuivre leurs études. De la même façon, le personnel de l’établissement, présent depuis de nombreuses années, est dans une incertitude totale. Et les choses devront aller vite puisque la fermeture de l’établissement est prévue pour le 31 décembre 2019. Mais les procédures de licenciement devront être lancées bien avant cela. Le conseil d’administration lance donc un appel de détresse pour qu’une solution puisse être trouvée le plus rapidement possible. Dans le cas contraire, le bâtiment qui fait partie du patrimoine calédonien, pourrait bien être tout simplement vendu.

M.D.