Les collectivités veulent sauver la vieille dame

La présidente de la province Sud, la maire de Nouméa ainsi que deux membres du gouvernement ont présenté, jeudi 18 juillet, le comité de sauvetage de la SLN. Son rôle est de faciliter les discussions entre les collectivités pour éviter que l’industriel ne cesse l’activité de l’usine de Doniambo. Le conseil d’administration devait se réunir, ce mercredi, pour statuer sur l’avenir de la société Le Nickel.

La SLN occupe une place à part en Nouvelle-Calédonie et peut-être plus encore à Nouméa où la ville s’est construite autour de l’usine. L’attachement des Calédoniens à cette entreprise historique pourrait avoir son importance. C’est toute l’idée de ce comité de sauvegarde de la SLN, présenté le 18 juillet par Sonia Backes, la présidente de la province Sud, Sonia Lagarde, le maire de Nouméa, Christopher Gyges, membre du gouvernement en charge de l’énergie et Thierry Santa, présent en tant que membre du gouvernement en charge de la mine, mais pas en tant que président, le sujet n’ayant pas été évoqué en collégialité. Le sujet devrait d’ailleurs être à l’origine de tensions politiques.

Les enjeux sont pourtant loin d’être anodins, comme l’ont rappelé les membres du comité qui a vocation à faciliter les discussions entre les nombreux acteurs impliqués dans la survie de la SLN. Le comité espère au passage que l’État et la SLN rejoindront prochainement les discussions. Une fermeture de l’usine de Doniambo aurait pour conséquence une perte de cotisations pour la Cafat qui se retrouverait alors dans une situation impossible. Sans compter que ce ne sont pas seulement les emplois de l’usine qui seraient concernés, mais également ceux de l’ensemble de la sous- traitance.

Une solution pour le coût de l’énergie

Pour le comité, l’objectif est d’accompagner la mise en œuvre du plan de sauvetage qui repose sur trois piliers. Les deux premiers, négociés avec les syndicats et le gouvernement, concernent l’organisation et l’allongement de la durée du temps de travail ainsi que les autorisations d’exportation. Ces dernières vont permettre à la SLN d’exporter, à terme, quatre millions de tonnes de minerai au lieu d’un million. Le dernier élément du plan concerne l’approvisionnement en énergie. En attendant la future centrale électrique, la SLN a besoin de réduire sa facture énergétique.

Christopher Gyges a engagé des discussions avec Enercal pour essayer de trouver des solutions, en sachant que l’entreprise n’avait pas les moyens d’assumer elle-même un subventionnement du prix de l’électricité. De la même façon, le membre du gouvernement a assuré que cette aide ne serait pas supportée par les Calédoniens au travers d’une augmentation de leur facture d’électricité. L’État a déjà commencé à travailler sur le dossier, d’autant que la nouvelle centrale a accumulé beaucoup de retard et que deux responsables du projet ont jeté l’éponge en à peine deux ans. Si les membres du comité ont indiqué travailler sur le remplacement du chef de projet, ces départs posent un certain nombre de questions, tout comme le manque de transparence autour de Nouvelle-Calédonie Énergie, la société qui porte le dossier.

Les nouveaux élus ont assuré qu’une nouvelle gouvernance plus transparente serait mise en œuvre. L’aide temporaire pourrait donc bien durer un peu. Et en la matière, c’est vers l’État que se tournent désormais tous les regards. Les responsables politiques calédoniens parlent d’un prêt qui pourrait être consenti par l’État au territoire. L’annonce pourrait être faite au prochain Comité des signataires qui devrait se tenir entre le 15 et le 30 septembre. Si d’importantes discussions vont avoir lieu mercredi lors du conseil d’administration d’Eramet, la maison mère de la SLN, il est probable que les décisions soient remises à plus tard, notamment du fait que l’État en est un des principaux actionnaires. La procédure de sauvegarde, qui a été récemment évoquée, devrait permettre de donner un peu de délai, au moins jusqu’à fin septembre.

Quelle stratégie industrielle ?

Mais si la SLN parvient à arrêter l’hémorragie, l’industriel perd chaque mois près d’un milliard de francs, cela ne suffira pas à donner de nouvelles perspectives. La stratégie industrielle n’est pas claire, loin s’en faut. L’Usoenc l’avait dénoncé il y a quelques mois et le SGTINC-CGT, affilié à l’UT CFE-CGC, n’a pas dit autre chose mardi matin, à l’occasion d’une conférence de presse pour annoncer la fin de la grève (lire par ailleurs). Tous les syndicats dénoncent des conditions de travail qui se dégradent essentiellement du fait d’une dégradation du matériel. Sans investissements massifs sur l’usine, l’avenir paraît difficile.

Là encore, l’État pourrait bien être sollicité. Un plan d’investissement de cinq milliards de francs est déjà prévu pour la mine et la mise en œuvre des objectifs d’exportation de quatre milliards de tonnes de minerai. À côté de ça, selon les syndicats, les banques calédoniennes ne soutiennent plus l’industriel. Elles se sont récemment retirées d’un projet d’achat de véhicules pour un montant d’un peu plus de 200 millions de francs.

De son côté, Eramet a bien d’autres projets qui promettent beaucoup plus de garanties de rentabilité. Elle va investir environ 80 milliards de francs au Gabon dans l’exploitation de manganèse et presqu’autant, 65 milliards de francs, dans un projet de carbonate de lithium en Argentine. Des investissements importants qui visent à assurer à Eramet une place de choix dans la course aux véhicules électriques. Elle pourra aussi compter sur la production de nickel de Weda Bay, en Indonésie. La question de la place de la SLN qui produit des ferronickels à relativement faible valeur ajoutée se pose clairement. Si le sauvetage de la SLN a un sens économique et social pour les responsables politiques et en particulier calédoniens, il en a peut-être beaucoup moins pour des hommes d’affaires, étrangers aux intérêts de la Nouvelle- Calédonie.


Une grève pour faire respecter le code du travail

À quelques jours du conseil d’administration d’Eramet, une grève était organisée par le SGTINC-CGT. Un premier préavis avait été déposé dès le mois de juin. Un deuxième avait suivi au début du mois de juillet. Les deux étaient restés sans réponse de la direction. Face au silence de Bernard Laflamme, le directeur général de la SLN, le syndicat a estimé ne pas avoir d’autre choix que de se mettre en grève au troisième préavis, d’autant que les revendications portaient sur le respect des engagements de la direction pour la mise en œuvre du plan de sauvetage et, plus étonnant, faire en sorte que le code du travail soit respecté.

Le syndicat aurait toutefois préféré éviter un coup d’éclat, sa seule volonté étant de sauver son outil de travail. Les revendications portaient notamment sur la construction de toilettes pour femmes, de salles de repos nécessaires en raison de l’allongement de la durée du temps de travail, l’accompagnement de la mise en place des 147 heures, la valorisation et la promotion de l’emploi local pourtant encadrées par la loi. Le syndicat a finalement eu gain de cause sur la plupart des points après avoir négocié avec la DRH, les grévistes n’ont jamais pu rencontrer le directeur général. Ils ont également eu des contacts directs avec Christel Bories, la P-DG d’Eramet.

Le syndicat souhaite que les Calédoniens prennent conscience de la situation critique dans laquelle se trouve l’entreprise. Il parle notamment d’un plan « social déguisé » et pointe la vétusté du matériel qui pourrait avoir de graves conséquences en termes de sécurité. C’est le cas pour des camions qui n’ont plus de freins ou dont les gaz d’échappement se retrouvent dans l’habitacle. Sans aucune consultation des organisations syndicales, la direction a également effectué une modification à un avenant encadrant le travail sur mine.

Jusqu’à présent, le travail sur mine comprenait une clause de pénibilité et permettait aux salariés de partir en retraite anticipée. Cet avenant pourrait remettre en question ces départs anticipés. Aujourd’hui, une soixantaine d’agents de maîtrise se retrouvent sans poste et sans réelles perspectives. Certains, qui étaient chefs d’atelier, se retrouvent à classer des dossiers. Selon le syndicat, les dépressions touchent de plus en plus de salariés et les arrêts maladie se multiplient. Et de s’interroger : « On a eu 63 milliards de francs (le prêt de l’État : ndlr),d’accord, mais qu’est-ce qu’il reste de concret aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’il reste pour continuer à vivre ? Il faut que le pays ait bien conscience que ce ne seront pas que les employés de la SLN qui paieront si l’usine doit fermer. »

M.D.