Les Calédoniens face au virus

Les Calédoniens vivent avec le Covid-19 depuis plus de dix jours. Un changement radical dans un quotidien jusqu’à présent Covid-Free qui ne touche pas les gens de la même façon. Résignation, inquiétude, peur. Les réactions sont multiples.

 

Pour beaucoup, l’arrivée du Covid-19 sur le territoire a changé leur rapport à la maladie. Jusqu’à présent lointain et un peu obscur, le virus est devenu d’un coup très concret. C’est ce qui a incité Rémy Wenessia à se déplacer en famille, parents et enfants, de Dumbéa jusqu’au vaccinodrome installé à la mairie de Nouméa depuis samedi dernier. « Je viens à cause du variant. Avant, il y avait peu de cas. Là, il y en a beaucoup plus. On a peur. Après, on vit sur la montagne, alors pour le reste, ça va. » Cette peur, Joséphine, de Tindu, la partage. « Avant, on ne craignait pas de l’attraper comme ça. C’est vraiment un sujet qui nous préoccupe, on en parle entre nous, avec la famille, les voisins et les amis. »

« On se sentait protégé »

En ce lundi matin, au vaccinodrome, s’il n’y a pas l’affluence du samedi, qui a connu plus de 1 000 vaccinations, 738 personnes ont reçu une dose dont 120 leur troisième. Sur le trottoir, les gens patientent. Dominique, pharmacienne bénévole, fait partie de ceux qui les reçoivent. « Je fais cela pour aider et participer, toutes les bonnes volontés sont bonnes à prendre. Il y a une prise de conscience sur le fait qu’il faille se protéger maintenant. » Jean-Marc vient du Mont-Dore. « C’est vrai qu’il y a un peu d’inquiétude. Avant, on se sentait à l’abri et finalement, c’est quand même arrivé jusqu’à chez nous. » Forcément, là aussi, la crise sanitaire occupe une grande place dans les conversations en famille. « C’est tout cela qui m’incite à venir pour la première dose. » De son côté, Sylvie attendait de voir l’évolution de la situation. « Je voulais avoir du recul et je guettais le développement d’autres vaccins, notamment celui de Sanofi. » Mais, cette augmentation rapide du nombre cas l’a finalement motivée à revoir sa position. « Ça s’accélère, alors j’ai changé d’avis. Ça inquiète aussi par rapport à ce qu’il se passe en Polynésie française, c’est ça qui me pousse à être là ce matin. »

Dominique, à droite, pharmacienne, fait partie des nombreux bénévoles qui se sont manifestés pour aider à la vaccination.

« Vivre avec »

D’autres, à l’image d’Emad, suivent simplement les préconisations, sans être vraiment convaincus. Sa femme étant vaccinée, il le fait aussi pour sa famille. « C’est pour éviter les problèmes, alors autant que je le fasse maintenant. Mais, il va bien falloir continuer à se protéger après le confinement et apprendre à vivre avec, donc je n’ai pas vraiment peur. » Ce n’est pas le seul à se montrer résigné. À l’arrêt de bus Moselle, Jeyzy patiente. Son car va bientôt arriver. Elle relativise et son moral est plutôt bon. « Le premier jour a été difficile, au moment de l’annonce des cas autochtones. Maintenant, ça va. De toute façon, on n’a pas le choix, il faut faire avec. Je me disais déjà que ça allait bien finir par arriver un jour ou l’autre. » En face, Élisabeth et Catherine, mère et fille, attendent elles aussi leur transport. « C’est plus dur que les fois d’avant et c’est vrai qu’on craint pour la famille. » Ce n’est pas évident pour Catherine, qui travaille dans la restauration rapide. Le quotidien est contraignant. « On en parle beaucoup avec les collègues parce qu’on doit tout le temps faire attention en permanence, notamment quand les clients nous payent avec de la monnaie. On doit changer de gants, se désinfecter tout le temps. » Élisabeth, sa maman, garde ses distances. « C’est le principal. Je ne suis pas vaccinée parce que j’en ai peur, on se demande si c’est fiable ou pas. »

Nadine Pauga, à droite, suit les règles à la lettre et ne se déplace qu’en cas de nécessité.

« Variant foudroyant »

Ce n’est pas la seule dans ce cas-là. Marie- Hélène habite le squat de la presqu’île océanienne, à Dumbéa, depuis près de vingt ans. « Je voulais me faire vacciner et puis, prise par le temps, je ne l’ai pas fait. Après, la piqûre ne me donne plus trop envie, je vois à la télé ou sur les réseaux sociaux ceux qui disent que ça ne sert à rien. » Pourtant, ses enfants sont vaccinés et l’arrivée du virus la préoccupe. « On pense aux petits, aux vieux et à nous-mêmes, parce qu’avant, quand on parlait du Covid, c’était loin. Là, c’est plus pareil, on parle de variant foudroyant. » Un peu plus loin, Nadine Pauga ne prend pas de risque. « Je sors juste pour les courses et pour les soins de mon mari, qui est dialysé, seulement quand c’est nécessaire. » Elle non plus n’a pas eu le temps de se faire vacciner. « C’était prévu il y a deux semaines et ça ne s’est pas fait, je vais y remédier. »

Après avoir pensé à se faire vacciner, Marie-Hélène Muliava se demande si cela sert à quelque chose.

Anne-Claire Pophillat © A.-C.P.