La BCI gère de plus en plus de dossiers de clients démunis et désemparés. Les établissements bancaires sont au cœur de la gestion de l’urgence et de la reconstruction.
- UNE ACTIVITÉ NORMALE
Si certaines opérations nécessitant une présence physique des salariés de la BCI ont été décalées lors des premiers jours de la crise, « il n’y a jamais eu de rupture de notre activité, assure Éric Wiard, directeur général délégué. Aujourd’hui, nous sommes à jour et nous répondons à toutes les sollicitations des clients. » Grâce notamment à la réouverture de 25 agences sur la trentaine existante.
- GESTION DE LA CRISE
Les situations les plus délicates sont traitées par la cellule de crise instaurée avant les événements du mois de mai, en raison des problèmes rencontrés par le secteur du nickel. Si ses membres se réunissaient une fois par semaine, c’est désormais quotidiennement qu’ils se retrouvent pour examiner les dossiers, dont « le nombre va en augmentant ». Il y en aurait 40 à 50 par jour. « Les clients appellent pour dire que leur entreprise a été détruite, qu’ils ont perdu leur emploi et demandent ce qu’ils peuvent faire. »
Les cas sont analysés un par un, chaque paramètre est pris en compte, si l’entreprise était assurée ou non, avait souscrit à la garantie émeutes, etc. « Nous n’allons pas aborder les choses de la même façon selon les circonstances. Nous essayons de donner la meilleure réponse et d’adapter les solutions », indique Frédéric Reynaud, directeur général.
- SUSPENSION DES FRAIS ?
Vu l’accumulation des difficultés, nombreux sont les clients qui ne comprennent pas que les banques ne stoppent pas les prélèvements des échéances de crédit ou de non-paiement de frais, d’agios et d’intérêts intercalaires.
Si un dispositif prévoyant que les personnes « fragiles » voient « un certain nombre de leurs frais disparaître » existe, l’étendre à tout le monde « n’est ni possible, ni justifié », explique Éric Wiard. « Ne pas facturer nos services signifierait que c’est gratuit. Cela occasionnerait des pertes, ce qui veut dire ne plus être rentable. Nous mettrions la banque à genoux dans six mois ou un an et entraînerions toute l’économie avec nous. »
- EN CAPACITÉ
La BCI dispose des capacités financières nécessaires pour exercer sa « mission ». « Nous allons pouvoir gérer la crise parce que nous sommes solides », précise Frédéric Reynaud. La question se pose plutôt pour l’avenir. Le sujet est en discussion avec les pouvoirs publics. « Il faut anticiper les besoins futurs. »
L’établissement bancaire qui, d’ordinaire, a un encours d’environ 60 milliards de francs de crédits annuels, devrait voir ce chiffre bondir en 2025. « Cela pourrait être le double, le triple… Les besoins sont tels que notre activité va exploser dans les années à venir. »
- LA RECONSTRUCTION
Le fonds de solidarité, le chômage partiel, les reports fiscaux et sociaux sont « actés », affirme Frédéric Reynaud. Il s’agirait « d’une question de jours » avant que ce ne soit officialisé. La réflexion autour de la reconstruction prendra davantage de temps. Il faudra d’abord établir un état des lieux, puis penser au futur développement économique à bâtir.
Plusieurs mécanismes sont à l’étude « pour faciliter certains types de prêts, dont un de reconstruction qui serait garanti par l’État ». Une certitude, pour Éric Wiard, avec « la grosse vague de pertes d’emplois » qui s’annonce, la Nouvelle-Calédonie ne se relèvera pas sans « aides publiques massives ». « C’est un cataclysme économique. »
- UN PROJET DE SOCIÉTÉ
Et les milliards de francs ne suffiront pas, poursuit le directeur général délégué, qui plaide pour qu’une attention particulière soit portée sur le rétablissement de la confiance. Éric Wiard évoque l’avenir de la société calédonienne et un changement de modèle. Le banquier est prêt à ce que la BCI mette son expérience à profit. « Nous opérons sur l’ensemble du territoire. À Koumac, Lifou ou l’Anse-Vata, nous sommes dans des mondes fondamentalement distincts. Nous pouvons apporter un éclairage sur ce que sont les différentes sociétés en Nouvelle-Calédonie. »
Le directeur délégué parle de davantage d’inclusivité, de « permettre à chacun de se retrouver par rapport à ce qu’il est, à son origine, son mode de pensée, à sa vision de ce qu’est le monde écono- mique… ». La tâche est immense.
Anne-Claire Pophillat
Réunions avec Bercy
Après une première réunion avec Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, le 22 mai, la Fédération bancaire française – qui représente plus de 1 200 collaborateurs en Nouvelle-Calédonie – avait communiqué sur les premiers engagements pris par les banques afin « d’aider rapidement les populations et les entreprises sinistrées » : assurer le bon fonctionnement des flux de paiement, répondre aux besoins de trésorerie
des entreprises, par exemple en repoussant les échéances de crédit jusqu’à 90 jours, et travailler avec les pouvoirs publics sur les solutions pour faciliter la reconstruction et la reprise de l’investissement. Une deuxième réunion devait se tenir mercredi 5 juin au soir avec Bercy.
La Banque calédonienne d’investissement, créée en 1988, c’est…
le 1er réseau bancaire du territoire avec une trentaine de points de vente et une centaine de distributeurs de billets, trois actionnaires — la Nouvelle-Calédonie (50 %), la Bred Banque Populaire (49,9 %) et l’AFD (0,1 %), 450 salariés et 100 000 clients environ.